Toujours dynamiques, les galeries de ce quartier de Paris proposent un cocktail explosif d’expositions de créateurs établis et de jeunes artistes prometteurs.
PARIS - Plus dynamique que jamais, le réseau des galeries du quartier du Marais, à Paris, s’est densifié et s’offre dans la plus grande diversité artistique. Autour du Centre Pompidou, les parcours possibles sont aussi nombreux que variés. Du côté de la rue Charlot, à la Galerie Chantal Crousel, le film 16 mm de l’artiste albanais Anri Sala nous laisse aller au vertige du jazz en compagnie du saxophoniste new-yorkais Jemeel Moondoc. Une œuvre qui tient le public en haleine au cœur de Berlin. Chez Frank Elbaz, on continue à tendre l’oreille avec les récits de Marcelline Delbecq qui s’égrènent à travers l’espace. Pour l’exposition « Dans la nuit/In the dark », les voix off qui accompagnent les vidéos, les photographies et les installations de l’artiste deviennent matière à de multiples fictions.
Courts-circuits graphiques
En revanche, si l’artiste taïwanaise Hsia-Fei Chang nous avait habitués à des tours de chant et à des performances à l’esprit pop, elle présente aujourd’hui, à la Galerie Laurent Godin, une série de dessins. L’artiste a demandé à une armada de peintres d’après modèle de la place du Tertre, à Montmartre, de tirer son portrait. Du plus fidèle au plus abstrait, du plus flou au plus précis, Hsia-Fei Chang a laissé son image et son identité s’estomper en quelques coups de crayons.
Un paquet de cigarettes taillé dans le marbre ou dessiné au néon, des volutes de fumée d’une grande sensualité…, Stefan Nikolaev nous laisse savourer quelques plaisirs interdits : la cigarette est devenue un élément récurrent de son œuvre. À la Galerie Michel Rein, dans la vidéo Sickkiss, elle va jusqu’à jouer un rôle central dans une relation homme-femme. À quelques pas de là, la Galerie Nuke présente le dernier projet de la Suédoise Anna Ådahl : la vidéo Student nous propulse dans la frénésie d’une foule, entre joie, violence et festivité. Le spectateur se laisse entraîner dans ces manifestations où l’émotion est à son comble. Entre jeux innocents et douce violence, Fabrice Langlade présente à la JGM Galerie une série de sculptures blanches et de frises guerrières. Aux formes rondes et épurées, ces figures font allusion à l’enfance, mais elles contiennent aussi les ferments d’une possible révolution. Immaculés, les murs de la Galerie Eva Hober semblent se liquéfier sur place avec l’installation d’Aurélie Godard, dont c’est la première exposition personnelle. À la Galerie Baumet Sultana, avec l’exposition collective « Raconte-moi une histoire… » [organisée par notre collaborateur Frédéric Bonnet], les récits de Jacin Giordano, de João Louro et de Niamh O’Malley s’entrecroisent. Courts-circuits graphiques et autres détournement de bandes dessins et prospectus de tous bords sont au programme chez Anne Barrault. Jochen Gerner y réinvente les possibilités du dessin.
Paquets de chips
Avec humour et distance, à la Galerie Chez Valentin, David Renggli présente des installations qui trompent notre perception des matières, des pièges visuels à l’accent pop. Question trompe-l’œil, Leandro Erlich se fait toujours plus convaincant, avec son fascinant cabinet de psychanalyse installé au cœur de la Galerie Emmanuel Perrotin. Le reste de l’exposition de groupe dont fait partie cette pièce semble trop céder aux facilités d’une esthétique criarde made in Miami (Cristina Lei Rodriguez, Martin Oppel, Trenton Duerksen). Plus modeste, l’exposition « Made in USA », à la Galerie des Multiples, s’attache aux artistes américains les plus rebelles : Mike Kelley, Robert Longo et Cameron Jamie font entre autres partie de la distribution. Chez Marian Goodman, on aborde l’histoire des États-Unis et la guerre de Sécession à travers une reconstitution vidéo de James Coleman. Désinformation, manipulation ou guerre apparaissent chaque fois en filigrane dans cette œuvre. Illustrant une autre forme de résistance, celle à la société de consommation et au marketing, l’exposition « Packageing », à la Galerie Frédéric Giroux, met en scène des emballages de produits. Mais il ne faut pas se fier à son esthétique pop art ni à ses airs inoffensifs. Des artistes comme General Idea ou Guillaume Paris procèdent à de multiples détournements. Rupture d’échelle et noir et blanc pour les photographies de paquets de chips de Valérie Belin, ou encore canettes de « Cloaca », la nouvelle boisson tord-boyaux de Wim Delvoye. Bref, que de fraîcheur et de résistance dans les galeries du Marais !
Rens. www.espacepaulricard.com/galeriesmodedemploi
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Fraîcheur et résistance
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°238 du 26 mai 2006, avec le titre suivant : Fraîcheur et résistance