Les ouvrages japonais ont été plébiscités.
PARIS - La dispersion de la première partie d’une collection française de 400 ouvrages illustrés et reliures des XIXe et XXe siècles, les 14 et 15 avril à Drouot par Frédéric Chambre (maison de ventes Pierre Bergé & Associés), s’est déroulée avec succès. Les estimations fixées, très soutenues au demeurant, n’ont pas toujours été atteintes, mais l’ensemble des lots étant proposé sans prix de réserve, il n’y avait pas de risque couru. Avec un chiffre d’affaires de 2,75 millions d’euros (au-dessus de l’estimation basse de 2,3 millions d’euros) et 97,5 % des lots vendus, l’expert Jean-Baptiste de Proyart estime son « contrat pleinement rempli ». Le second jour de vente a démarré avec le célèbre manuscrit d’une page intitulé Sonnets et signé Gérard de Nerval. Ce lot a particulièrement tenu la salle en haleine. En vain, le libraire Jean-Claude Vrain a tenu tête tant qu’il a pu aux surenchères du commissaire-priseur Éric Buffetaud, qui agissait pour le compte d’une collectionneuse française sur un ordre d’achat illimité. Finalement, l’intense joute s’est arrêtée sur le chiffre de 215 000 euros (prix marteau), au double de l’estimation. Mais ce qui constitue la plus grande originalité de la vacation est la présentation d’un ensemble inédit de 80 livres illustrés par la photographie, dont la moitié d’ouvrages japonais de collection des années 1960-1990. De fait, la vente a attiré plus d’amateurs d’ouvrages d’un nouveau genre que de bibliophiles classiques. Dès l’exposition, la tendance s’est fait sentir. « Outre les amateurs de Dubuffet et les “bellmeriens”, un public nettement pro-photographique a demandé à consulter les ouvrages, témoigne l’expert. Cela s’est confirmé à la vente. Ce nouveau marché formé d’une clientèle jeune et intéressée (bibliophiles patentés, collectionneurs de photographies, amateurs de beaux objets d’art et libraires cherchant à étoffer leurs catalogues) a été très actif. Il n’y avait pas moins de 7 personnes par ouvrage illustré par la photo contre 2 ou 3 habituellement pour n’importe quel autre livre. » Estimé environ 2 000 euros, un superbe exemplaire de Oh ! Nippon (1971) avec 225 photographies de Nobuyoshi Araki, artiste que l’on compare à un Bellmer japonais, s’est vendu 3 700 euros. Somedays Somewhere illustré par Yasuhiro Ishimoto (1958), estimé 2 500 euros et considéré comme le premier livre-photo japonais important d’après-guerre, est monté à 5 740 euros.
Marché en transformation
Deux ouvrages mythiques, Killed by Roses (1963), fruit de la rencontre du photographe Eikoh Hosoé avec l’écrivain Mishima, et Bye Bye Photography (1972) de Daido Moriyama ont été emportés 4 180 et 5 380 euros. Dans un dernier sursaut, les amateurs ont poussé la mise jusqu’à 8 370 euros (le double attendu) pour l’ultime lot de la vente Time Exposed (1991) enrichi de 50 photographies de mer de Sugimoto. Présent à la vente, le libraire Alain Sinibaldi, également grand collectionneur d’un ensemble de 3 500 volumes de livres du XXe siècle illustrés par la photo, reconnaît la portée de l’événement. « Quand j’ai acheté ces livres japonais il y a cinq ans, quasiment personne ne les connaissait. Je constate que les prix atteints à présent sont supérieurs de 30 % à 40 % à ce que j’ai payé. Il est vrai qu’entre-temps est sorti un livre de référence cosigné Martin Parr et Gerry Badger (The Photobook I, éditions Phaidon, 2004) dans lequel tous ces livres japonais sont répertoriés. Il est probable que les prix montent encore… », indique-t-il. Et Jean-Baptiste de Proyart d’ajouter : « Le marché français des livres, traditionnellement très routinier, est en pleine transformation. Le livre de peintre, qui incarne aujourd’hui une image surannée, vieillotte, s’est fait distancer dans cette vente par le livre-photo. La flambée du livre-photo risque de se confirmer car le public bibliophile réagit à des beautés plus contemporaines. »
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Flambée du livre-photo
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°214 du 29 avril 2005, avec le titre suivant : Flambée du livre-photo