Encadrées ou informelles, les initiatives privées en faveur de l’art contemporain bourgeonnent en France.
PARIS - Profil bas et dos rond : telle est la sémantique habituelle en temps de crise. Prenant l’attentisme à rebrousse-poil, plusieurs collectionneurs privés se sont engagés dans un mécénat encadré ou informel. C’est le cas de Sandra et Amaury Mulliez, lesquels ont lancé le Projet Sandra et Amaury Mulliez pour l’art contemporain. Leur but ? Promouvoir des artistes des pays émergents via des résidences d’une durée maximale de cinq mois dans un appartement-atelier à la Villa Adrienne, dans le quatorzième arrondissement de Paris. « Je veux aider les artistes venant de pays où il n’y a pas de politiques culturelles pour les promouvoir, que ce soit d’Afrique, d’Amérique du Sud ou du Moyen-Orient, explique Sandra Mulliez, pétulante brésilienne qui collectionne aussi bien Joana Vasconcelos, Jorge Satorre que Nazgol Ansarinia. Au lieu de se cantonner dans les valeurs sûres, osons, ouvrons-nous à des artistes venus d’ailleurs ! » Le couple a mis en place un comité de sélection composé de Sandra Mulliez, des commissaires Jean-Hubert Martin, Hervé Mikaeloff, Marc-Olivier Wahler et Hans Ulrich Obrist, du consultant Marc Pottier et d’Anne-Pierre d’Albis-Ganem, responsable du Parcours Saint-Germain-des-Prés. Ce cénacle désignera le 27 avril le premier plasticien bénéficiant d’une résidence à partir de janvier 2010. Les Mulliez lui offriront le billet d’avion aller-retour, 2 000 euros par mois et la production d’une pièce. Au terme de la résidence, l’œuvre produite sera exposée dans le Parcours Saint-Germain-des-Prés pendant trois semaines. Le couple publiera aussi un catalogue, tout en organisant pour l’artiste des rencontres mensuelles avec des commissaires d’exposition, collectionneurs, journalistes. Dans le même temps, les Mulliez lancent un Prix de 20 000 euros pour un créateur français ou habitant en France désireux de développer un projet dans un pays du Sud. « On ne travaille pas avec le ministère des Affaires étrangères. Nous sommes indépendants et nous ne fonctionnons qu’avec nos fonds, insiste Sandra Mulliez. Nous sommes en train de monter la structure juridique. Mais nous ne voulons pas de fondation, qui nous donnerait des avantages fiscaux, mais dans laquelle l’État mettrait son nez. On ne veut pas que la bureaucratie s’en mêle et nous dise à la fin : non, ce n’est pas possible. »
La Fondation d’utilité publique est en revanche la solution trouvée par la collectionneuse Agnès b. pour regrouper ses nombreuses actions de mécénat, de la chaire pour l’écrivain Édouard Glissant à l’aide au Centre culturel de Sarajevo ou à la Cinémathèque de Tanger. Outre le soutien à la production et à certains lieux de diffusion, la styliste compte aussi ouvrir d’ici quelques années un espace dans le Nord-Est parisien pour accueillir tout ou une partie de sa collection et des résidences d’artistes. Les fondations françaises étant limitées à un seul objet, Agnès b. accolera à la sienne un fonds de dotation à triple vocation culturelle, humanitaire et écologique. « À travers cette fondation et ce fonds de dotation, on amplifie et lie les multiples engagements d’Agnès, tant dans le domaine de la création artistique que dans l’action sociale et écologique, de manière à les rendre plus pérennes », précise Christopher Yggdre, en charge du projet.
Un même esprit de consolidation guide l’artiste Bernar Venet, lequel déposera en avril les statuts d’une fondation à New York, avant d’en créer une d’ici deux ans en France. « Son premier but est d’aider les artistes de la même manière que d’autres l’ont aidé à son arrivée à New York, un peu dans l’esprit du Chelsea Hotel, précise Mathias Chivot, en charge du projet. L’idée est de créer un prix, une bourse ou une résidence. Bernar a déjà aidé de manière informelle des artistes comme Kader Attia ou Fabien Verschaere. L’autre axe est d’exposer sa collection personnelle dans les trois-quarts de sa résidence du Muy. »
La collectionneuse Nathalie Fournier préfère pratiquer un mécénat plus informel. Achetant activement depuis huit ans des artistes aussi variés qu’Egill Sæbjörnsson, Gyan Panchal ou Zilvinas Kempinas, celle-ci a décidé de mettre à disposition des artistes une usine de 350 m2 en plein cœur de Lyon. Le créateur Daniel Firman y a actuellement pris ses quartiers jusqu’en mai. « J’aimerais renouveler l’expérience au gré des rencontres et des coups de cœur, indique l’intéressée. Je ne veux pas rentrer dans un circuit, mais rester indépendante. » On l’aura compris, l’indépendance est le maître mot de toutes ces démarches.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°298 du 6 mars 2009, avec le titre suivant : Favoriser l’indépendance