Eyestorm

Le Journal des Arts

Le 25 janvier 2002 - 627 mots

Eyestorm, la plus grande maison d’édition en ligne de multiples, a été créée par Don Smith, ancien directeur de Getty Images, et par David Grob, autrefois marchand d’art et directeur de la galerie Pace Wildenstein. Lancée à l’apogée de l’Internet en 1999, la société a réuni à ce jour un capital de 24 millions de dollars. La dernière levée de fonds a eu lieu en octobre 2000 lorsque NEA et Charles Swab ont investi 14,2 millions de dollars supplémentaires. David Ross, qui a été le directeur du San Francisco Museum of Modern Art, a pris récemment le poste de président du conseil d’administration (lire le JdA n° 137, 23 novembre 2001). Eyestorm emploie 70 personnes dans le monde entier, et dispose de bureaux et de galeries à Londres et à New York. La société est à la tête d’un stock de plus de 700 images de plus 100 artistes et photographes à la renommée internationale, dont Damien Hirst, Jeff Koons, Marc Quinn ou Helmut Newton. La technique de vente est entièrement centrée sur la présentation et le marketing. La société propose des ensembles thématiques : une collection “Saatchi”, une collection “Apocalypse”, ainsi que des images fournies par Magnum. Malgré un site Web intelligemment conçu, Eyestorm a vite compris qu’il faudrait aussi “une vraie présence mondiale”, à savoir des points de vente, communément appelés “galerie”, où l’on pourrait se procurer les tirages. Il en existe deux : une dans le West End de Londres, sur Maddox Street, et la seconde à New York. La société négocie également un accord financier individuel avec chacun de ses artistes, qui varie en fonction de la renommée et du pouvoir fédérateur de l’artiste. Le prix moyen pour un tirage Eye-
storm se situe entre 500 et 1 000 dollars. Eyestorm a signé un accord avec Magnum, dont les détails financiers sont tenus secrets, qui lui permet de reproduire des tirages originaux appartenant à l’agence. Par exemple, une image comme le portrait de Paul Newman par Dennis Hopper, ou encore comme Girl dancing in Brooklyn de William Klein, est réalisée dans le cadre d’une “édition exclusive Eyestorm” de 500 exemplaires. Les reproductions requièrent tout un éventail de techniques de pointe : nombre d’entre elles sont scannées et imprimées à l’encre, puis signées par l’artiste, avec la date du tirage original et le numéro de l’édition Eyestorm. Cependant, il n’est indiqué nulle part qu’il ne s’agit pas d’un tirage original. Il faut aussi savoir que ces tirages ne sont pas du même format, ni tirés selon les mêmes procédés que les originaux. Rien n’explique clairement que vous achetez une reproduction photographique dont le coût de fabrication ne représente que quelques euros. La confusion risque d’avoir des conséquences d’ici vingt ans lorsque les tirages de Eyestorm circuleront sur le second marché.
La plupart des multiples sont des reproductions sophistiquées d’œuvres préexistantes, et non pas des images originales, vendues sous forme d’estampes d’excellente qualité et en série limitée. D’autres sociétés de vente d’œuvres d’art en ligne, qui ont investi des capitaux importants lors de leur lancement, n’ont toujours pas réussi à générer le volume de ventes nécessaire pour amortir leur investissement. Selon des rumeurs persistantes, Eyestorm rencontrerait des difficultés de cet ordre et perdrait un million de dollars par mois. En outre, aucune levée de fonds n’a été réalisée depuis octobre 2000. Les frais généraux sont colossaux et les accords avec les artistes extrêmement coûteux. Damien Hirst aurait reçu 500 000 dollars pour sa première participation qui consistait en la reproduction de Dead Head, et l’œuvre n’aurait de plus pas connu de véritable succès commercial. De son côté, Eyestorm dément ces allégations. “Nos investisseurs se sont engagés à long terme, nous a déclaré un porte-parole. La société devrait être bénéficiaire dès l’année prochaine.”

Internet : www.eyestorm.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°141 du 25 janvier 2002, avec le titre suivant : Eyestorm

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