La collectionneuse russe Stella Kesaeva projette de créer à Moscou un musée mi-privé, mi-public.
MOSCOU - Alors même que le régime russe se crispe dans un autoritarisme rappelant les pires moments de la guerre froide, les initiatives privées offrent une image glamour de l’empire éclaté. Après l’inauguration à grands frais à Moscou des centres d’art du Garage et de Red October en septembre, c’est au tour de la collectionneuse Stella Kesaeva de sortir du bois. Celle-ci n’est pas inconnue en Russie puisqu’elle avait déjà créé en 2004 la « Stella Art Foundation » doublée d’une galerie, laquelle a fermé ses portes en 2007.
Mariée à Igor Kesaev, fondateur du groupe Mercury (à ne pas confondre avec l’actuel propriétaire de Phillips de Pury & Company), Stella Kesaeva est plus qu’une riche épouse qui trouve dans l’art de quoi combattre son spleen ou son désœuvrement. « Je veux monter un musée, quelque chose dont la Russie a besoin, explique-t-elle. La Galerie Tretiakov n’est pas exactement ce que devrait être un musée d’art contemporain. Il faut qu’il y ait un lieu avec de jeunes artistes, une Académie digne de ce nom car l’enseignement en Russie est encore très traditionnel, des résidences d’artistes, un auditorium… » Alexander Rytov, directeur de la Fondation Stella Art, ajoute : « Il faut institutionnaliser l’art contemporain qui n’a pas de colonne vertébrale en Russie. On doit renouer le dialogue qui a été rompu avec la génération de la guerre froide, créer des ponts entre artistes et intellectuels, rompre l’isolement des artistes russes. » Pour cela, Stella Kesaeva espère créer d’ici à 2011-2012 un musée mi-privé, mi-public pour lequel elle a engagé des pourparlers depuis juillet avec le ministre de la Culture russe Alexander Avdeev. Afin de convaincre le gouvernement de lui octroyer une subvention, elle a sorti son va-tout : elle donnera à l’État sa collection de 700 œuvres d’art contemporain, qu’elle a débuté en 2002. Cet ensemble comprend, à côté des Kabakov ou des tenants du Sots Art, des piliers anglo-saxons comme Andy Warhol, Alex Katz, Tom Wesselmann, Marc Quinn et David Salle. Stella Kesaeva a déjà trouvé un lieu pour abriter ce futur établissement, un autre garage classé, réalisé par Konstantin Melnikov. Elle en partage la propriété avec la municipalité moscovite en échange de la construction à l’extérieur de la ville de cinq parkings.
Programme éducatif
N’allons toutefois pas plus vite que la musique. « Avdeev a dit oui à une quantité de demandes à son arrivée, mais c’est le seul au gouvernement qui s’intéresse à la culture, souligne un observateur local. Pour l’instant, l’État est incapable d’entretenir ses propres musées. En Russie, tout passe par l’argent privé, sans cela il n’y aurait aucune vie culturelle. Je n’ose imaginer ce qui peut se passer si la crise financière casse le système. » L’instabilité ambiante prive la plupart des initiatives de toute visée à long terme. Le Garage de Daria Joukova dispose d’un accord de seulement deux ans avec la communauté juive, propriétaire du site dans lequel le centre d’art est installé. Red October est intégré dans un plan immobilier et va bientôt voir bourgeonner des lofts. Gare aussi à ceux qui tombent en indélicatesse avec le régime de Medvedev-Poutine. C’est le cas du financier Alexey Bullock, époux de la collectionneuse Janna Bullock, principal soutien de la Maison de la photographie de Moscou… Les chutes en disgrâce étant fréquentes, n’est-il pas préférable de s’engager dans un espace strictement privé ? « Je n’ai pas besoin de créer un musée privé. Pourquoi le ferai-je ? Pour vendre ensuite des œuvres ?, réplique Stella Kesaeva. Avec l’État, on pourrait partager les dépenses pour mettre sur pied un programme éducatif. Autrement, si quelque chose m’arrive, qui poursuivra l’effort ? »
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Étoile de Moscou
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°291 du 14 novembre 2008, avec le titre suivant : Étoile de Moscou