Warren Buffet déteste l’ostentation, la spéculation, les apprentis sorciers. Ce qui ne l’empêche pas d’être l’un des hommes les plus riches du monde.
Voilà quelques semaines, le magazine Challenges préconisait de s’inspirer des méthodes de ce capitaliste audacieux mais pas téméraire. À bien les regarder, ses préceptes pourraient parfaitement s’adapter au marché de l’art. L’anti golden boy préfère acquérir des valeurs sûres et leur rester fidèle sur le long terme plutôt que de succomber aux sirènes des dot.com et autres subprimes. « Il ne sélectionne que des entreprises exceptionnelles, occupant une place dominante dans leur secteur, insensible aux sautes d’humeurs des consommateurs », pouvait-on lire dans Challenges. Les collectionneurs qui affichent le même credo n’achètent pas à coup de toquade, n’écoutent pas les rumeurs de la mode, dédaignent la déjà enterrée école de Leipzig pour construire leur ensemble en profondeur et sur la durée. C’est à eux que s’adressait la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), laquelle a misé sur du solide comme Vieira da Silva ou Calder ou du pointu comme Bojan Sarcevic ou Ceryth Wynn Evans. Au point que les touches de Métal Hurlant des frères Chapman chez White Cube semblaient incongrues. La leçon paraît entendue puisque même Frieze est revenue à un peu de décence dans le bon sens du terme. Il est probable qu’on tournera de plus en plus le dos au Veau d’or d’un Damien Hirst ou à la Kate Moss clinquante d’un Marc Quinn pour retrouver les fondamentaux.
Autre credo de Buffet ? « Considérer les marchés et leurs fluctuations comme des alliés, pas des ennemis. Autrement dit, acheter quand les autres vendent, et ne jamais paniquer quand la bourse va mal », poursuit Challenges. Une règle parfaitement applicable à l’achat d’œuvres d’art et que l’on pourrait deviner derrière cette phrase de Roman Ondák présentée par gb Agency (Paris) sur la FIAC : « Avec les événements récents survenus dans le monde, pendant une minute n’interrompez pas votre activité actuelle. » C’est bien le moment pour les amateurs de profiter de l’attentisme général, de la souplesse des marchands plus prompts au rabais, et surtout de la fin des listes d’attente. Ainsi, sur le stand de la galerie Sadie Coles HQ (Londres) à la FIAC, toutes les œuvres de la star Wilhelm Sasnal ne sont-elles pas parties comme des petits pains comme cela aurait pu être le cas voilà encore deux ans. Quand les spéculateurs quittent le navire, les vrais amateurs peuvent commencer à danser. L’aversion de Warren Buffet pour la spéculation a donné lieu à une sortie devenue célèbre : « Ils [les spéculateurs] savent que s’ils restent au bal trop longtemps, ils seront transformés en citrouilles ou en rats. Mais en même temps ils ne veulent pas perdre une seule minute de la fête. Ils ont tous l’intention de quitter le bal une seconde avant minuit. Le problème, c’est qu’ils dansent dans une salle dont l’horloge n’a pas d’aiguille. » Le dégrisement peut être douloureux ! Le vendeur d’une œuvre de Murakami, Tongari-kun, a eu les yeux plus gros que le ventre en exigeant une estimation absurde de 3,5-4,5 millions de livres sterling le 18 octobre chez Phillips de Pury & Company. Sans surprise, la pièce n’a pas trouvé preneur. Les résultats des ventes de Londres ne furent d’ailleurs mauvais que lorsque les œuvres manquaient de consistance ou étaient surestimées. En revanche, la vente d’art italien de Sotheby’s le 20 octobre, qui alignait des pièces de très bon niveau, a fait un jackpot. CQFD…
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Et si on s’inspirait de Warren Buffet ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°290 du 31 octobre 2008, avec le titre suivant : Et si on s’inspirait de Warren Buffet ?