Comment se porte le marché de l’art orientaliste ?
Il va très bien. Le fait que je sois basé à Paris témoigne que Christie’s considère Paris comme une place incontournable pour ma spécialité, même si les ventes sont plus importantes en valeur à Londres, à ce jour. Paris reste le centre névralgique des contacts avec la clientèle du Moyen-Orient. Et surtout, il existe une tradition orientaliste des peintres français depuis le début du XIXe siècle !
Comment s’articulent les ventes de Christie’s ?
J’organise une grande vente annuelle à Londres (1) où se vend la peinture orientaliste classique et une autre grande vacation du même genre à New York. Pour la France, deux fois par an, je me concentre davantage sur les peintres de la première moitié du XXe siècle, à la touche plus moderne, à l’instar de Jacques Majorelle.
Quels sont les principaux collectionneurs de peintures orientalistes ?
J’ai beaucoup de clients du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et de Turquie : ils représentent la force majeure qui tire les prix vers le haut. La clientèle américaine reste également importante, avec un goût pour l’orientalisme le plus classique comme celui de Jean-Léon Gérôme.
Dans votre dernière vacation parisienne du 3 juin, vous avez intégré pour la première fois une section d’art d’après-guerre arabe et iranien. Comment cela a-t-il germé ?
Je me suis rapproché de mon collègue de Dubaï, William Lawrie, spécialiste de l’art moderne et contemporain du monde arabe et iranien, car nous avons une clientèle commune. Nous avons pris le risque de réunir des œuvres orientalistes de peintres français et européens, et des pièces plus contemporaines d’artistes arabes, susceptibles d’être collectionnées par les mêmes acheteurs. Hormis trois huiles du peintre égyptien Salah Taher, tous les lots présentés viennent de France. Nous avons eu à cœur de proposer des artistes ayant des liens avec la France, comme l’Iranien Nasser Assar, plusieurs fois exposé à Paris, et Charles Hossein Zenderoudi qui vit et travaille en France et dont les œuvres majeures dépassent aujourd’hui le million de dollars à Dubaï. Nous avons aussi choisi des tableaux qui « officiellement » ne peuvent pas se vendre à Dubaï parce qu’ils montrent la nudité féminine.
Quel bilan tirez-vous de cette première vente mixte ?
La vente a très bien marché avec un total de 2,7 millions d’euros (contre une estimation de 1,6 à 2 millions d’euros), plus de 80 % de lots vendus et 72 % d’acheteurs privés. Beaucoup de Londoniens s’étaient déplacés pour voir les œuvres arabes, pour une fois offertes ailleurs qu’à Dubaï. Si les acheteurs du Moyen-Orient ont la plupart du temps remporté les lots, des Français ont bien soutenu les enchères. Quasiment toutes vendues, les œuvres arabes ont atteint de beaux prix, à commencer par une peinture à l’acrylique sur carton de Mohammed Ehsai, estimée 3 000 à 5 000 euros, adjugée 66 500 euros à un collectionneur du monde arabe. Suivant cet exemple, les œuvres de la tradition calligraphique arabe connaissent un intérêt soutenu.
Les acheteurs ont-ils tendance à préférer les artistes de leur pays ?
Il y a de plus en plus de passerelles entre les pays. Par exemple, nous avons eu lors de cette vente un Iranien qui a acheté des œuvres de l’artiste Libanais Hussein Madi. D’autres collectionneurs du Moyen Orient ont acquis des tableaux d’artistes égyptiens. Les particuliers français se sont également montrés actifs dans toutes les catégories, de l’orientalisme à l’art d’après-guerre arabe et iranien.
Allez-vous poursuivre ce type de vente ?
Absolument. Dans la prochaine vente du 17 décembre, on retrouvera des œuvres de Salah Taher, Hussein Madi, Mohammed Ehsai et Charles Hossein Zenderoudi mais aussi des tableaux de
l’Algérien Abdallah Benanteur, dans une fourchette d’estimation de 2 000 à 50 000 euros.
À l’inverse, pensez-vous introduire des toiles orientalistes lors des ventes de Dubaï ?
C’est possible. J’y pense. Il y a tellement de dynamisme et d’enthousiasme là-bas.
(1) La prochaine vente aura lieu le 2 juillet à Londres (est. 9 à 15 millions de livres/11,3 à 18,9 millions d’euros).
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Entretien avec Etienne Hellman
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°284 du 20 juin 2008, avec le titre suivant : Entretien avec Etienne Hellman