Une récente décision de la Cour de cassation avalise un arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait refusé les critiques contre le mode de tarification des salles de Drouot. Cette décision pourrait indirectement conforter la position de Drouot dans l’affaire Sotheby’s/Poulain, en attendant que le Parlement vote la réforme.
PARIS - La deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient d’examiner le pourvoi de la SCP Loudmer contre un arrêt du 21 janvier 1997 de la cour d’appel de Paris. La SCP Loudmer avait été assignée par la société anonyme Drouot, qui gère les hôtels de vente de Paris, en paiement de location de salles. En réponse, la SCP avait demandé une mesure d’expertise, en faisant valoir que le mode de calcul du loyer des salles de Drouot était discriminatoire et aboutissait à reconstituer la bourse commune de résidence.
La tarification des salles de Drouot combine deux paramètres : une base fixe par salle louée et une base proportionnelle au produit de la vacation. De la sorte, une vente à gros chiffre d’affaires devra supporter un loyer beaucoup plus élevé qu’une petite vente tenue dans la même salle. Cette tarification “égalitaire” est critiquée par les études les plus importantes, qui font valoir qu’elle alourdit considérablement leurs charges – Jacques Tajan déclarait récemment qu’il estimait ce surcoût pour son étude à 3 millions de francs par an –, ce qui justifie en particulier que plusieurs d’entre elles, dont les études Tajan et Poulain-Le Fur, aient entrepris de s’installer dans leurs propres murs. Ce mode de calcul, qui se traduit par des transferts financiers des grandes études vers les plus petites, peut être en effet rapproché du système de la bourse commune de résidence, abrogée il y a quelques années. Celle-ci était alimentée par une cotisation au prorata des ventes, donc beaucoup plus lourde pour les grandes études. Son produit était réparti égalitairement entre les charges, ce qui assurait aux plus petites études un produit minimum (lors de la suppression de la bourse, le reversement était de l’ordre de 250 000 francs par an). La SCP Loudmer estimait donc que le mode de calcul des loyers organisait la persistance d’une pratique par ailleurs abolie, qu’il constituait en outre une discrimination violant le principe d’égalité et, pour l’établir, demandait une mesure d’expertise. Elle soulignait en particulier “que l’obligation faite aux commissaires-priseurs de Paris de procéder aux ventes aux enchères dans les locaux loués par la société Drouot, combinée à une fixation arbitraire et inégalitaire des loyers, fixés non en proportion de la valeur locative réelle, de la surface utilisée ou du service rendu, mais en partie à proportion de la valeur des ventes – ce qui pénalise les commissaires-priseurs qui acceptent les risques et les charges de la concurrence internationale –, caractérise une pratique discriminatoire, si bien que la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard du principe d’égalité”.
Pas de violation du principe d’égalité
La cour d’appel de Paris avait rejeté la demande d’expertise, estimant que le tarif d’utilisation de l’Hôtel Drouot ne violait pas le principe d’égalité. La Cour de cassation a confirmé cet arrêt, en reprenant en particulier l’argumentation de la cour d’appel en ces termes :“Attendu que l’arrêt relève que le tarif d’utilisation de l’Hôtel Drouot comprend une cotisation fixe et une cotisation proportionnelle dégressive sur le montant des ventes réalisées et que les taux ont été arrêtés par décisions à caractère général du directoire de la société Drouot applicables à tous les commissaires-priseurs, sans instauration de dérogations, privilèges ou avantages à caractère individuel ; de ces constations, la cour d’appel a pu déduire que le principe d’égalité n’avait pas été violé”.
Même s’il faut se garder de généraliser les termes de l’arrêt intervenu dans une affaire spécifique, dont il apparaît rétroactivement qu’elle était à mettre au compte des difficultés financières de la SCP Loudmer, dans le contexte actuel, cet arrêt ne peut qu’inciter Drouot à maintenir ses positions. En effet, il valide indirectement des pratiques liées au monopole : dans le récent duel de communiqués entre Drouot et Sotheby’s à la suite de l’annonce des ventes de concert Sotheby’s/Poulain-Le Fur, les conseils de Sotheby’s ont fait savoir qu’ils pourraient contester l’obligation du lieu de vente comme caractéristique d’une entente illicite. D’une certaine manière, la Cour de cassation avalise cette pratique, au moins en droit interne.
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Drouot conforté par le juge
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°80 du 2 avril 1999, avec le titre suivant : Drouot conforté par le juge