Donald Young a ouvert une première galerie en 1976 à Chicago avec Rhona Hoffman. En 1983, il se sépare de son associée et ouvre sa propre enseigne.
Comment analysez-vous actuellement le marché de l’art ?
Nous sommes dans une crise économique mondiale et il est évident que les ventes seront beaucoup plus difficiles à l’avenir. Le marché de l’art a eu un temps de retard sur la crise et il aura aussi un temps de retard sur la reprise. J’ai parlé avec mes artistes pour essayer d’avoir les prix les plus raisonnables possible. C’est une chose qu’il est plus facile de faire avec les nouvelles œuvres qu’avec celles qui existent déjà. Si nous passons d’une phase de récession à une période de dépression, il faut montrer qu’on sait s’ajuster à la réalité. Mais cela va varier selon les créateurs. Il est préférable de ne pas trop changer les prix d’un artiste très établi, qui n’a pas besoin de vendre tout le temps. Certains vont tenir sur la durée, même s’il n’y a pas beaucoup d’activité. Les collectionneurs et musées qui les ont achetés en ont fait des valeurs sûres. La donne change avec les artistes moins établis.
Quelles seront les nouvelles règles du jeu ?
La situation sera calme pendant au moins deux ans. Il y aura moins de foires, et même celles qui existent déjà devront réduire leur taille ou accepter de moins bonnes galeries. Le volume des ventes sera sans doute réduit de moitié. Les galeristes devront être moins arrogants. Les gens ont pensé que nous étions snobs, mais il faut aussi convenir que nous ne pouvions pas faire plaisir à tout le monde, car les œuvres ne sont pas extensibles. Mais on doit continuer à croire en nos artistes. Les collectionneurs seront encore là, même si ce n’est pas avec la même force. Pour l’instant, on ne parle que des prix en salles de ventes, mais le marché de l’art est beaucoup plus grand et sain ailleurs. Les maisons de ventes n’ont aucune responsabilité vis-à-vis de l’artiste. Leur seule responsabilité, c’est de vendre au meilleur prix. Mais si la valeur d’un artiste baisse de moitié, ils s’en fichent. Inversement, la première mission du galeriste est de défendre ses créateurs. Nous ne pouvons pas les brader. Quand le marché est moins fort, le travail des artistes, lui, ne l’est pas moins. Au contraire même. Lorsque l’argent coulait à flot, les artistes très gâtés faisaient fabriquer des pièces coûteuses, souvent basées sur une idée très mince. Il fallait jouer le jeu du gigantisme. Cette période est révolue. Pour les jeunes artistes, ce sera difficile de changer de vitesse car ils n’ont pas connu l’époque où il fallait compter les sous.
En quoi la situation diffère-t-elle de 1973 ou de 1990 ?
Le marché dans les années 1970 était minuscule, beaucoup plus restreint et lent qu’aujourd’hui. Lorsque j’ai ouvert ma galerie à Chicago en 1976, j’ai pu exposer n’importe quel artiste que je voulais. Le marché était alors très calme pour les artistes minimalistes et les conceptuels que je défendais. Cette génération comptait beaucoup sur l’Europe pour faire une vente ou deux. À la fin des années 1980, il y avait beaucoup plus d’argent en jeu.
En avril, un de vos artistes, Rodney Graham, aura une exposition à Paris au Jeu de Paume. Un autre de vos créateurs, Bruce Nauman, investira le pavillon américain à la Biennale de Venise en juin. Ce type d’événement a-t-il un impact sur le marché ?
Quand un artiste est déjà établi, cela ne change pas grand-chose. En revanche, lorsque voilà deux ans nous avions eu Joshua Mosley dans le pavillon international [à Venise], là, ce fut un énorme succès. Le Musée d’Israël, LVMH et le Museum of Modern Art (MoMA) de New York l’ont acheté. Par ailleurs, j’ai pu constater que dans un marché très actif, il y a plus de mouvement avant une exposition que pendant ou après. Je ne saurais trop expliquer pourquoi.
Chicago a connu ses heures de gloire. Que représente aujourd’hui cette ville sur la carte artistique des États-Unis ?
La force de Chicago, c’est l’Art Institute, la Renaissance Society et le Musée d’art contemporain. Dans les années 1980, nous avions aussi des collectionneurs leader comme Gerald Elliott, Lew Manilow, Paul et Camille Hoffmann. À ce moment-là, la foire de Chicago était la plus importante au monde, parfois même meilleure que celle de Bâle. Mais certains collectionneurs sont morts, d’autres achètent peu. Les relais n’ont pas la même force que les anciens prescripteurs. Il est toujours difficile de remonter la pente, mais regardez, personne ne croyait non plus que Paris allait redémarrer. Or, la FIAC (Foire internationale d’art contemporain) a fait un travail remarquable.
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Donald Young, galeriste
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°294 du 9 janvier 2009, avec le titre suivant : Donald Young, galeriste