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ENTRETIEN

Didier Brousse, directeur de la galerie Camera Obscura : « je me limite à ce que je comprends »

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 28 novembre 2018 - 670 mots

PARIS

Il y a 15 ans, ce tireur et encadreur ouvrait sa galerie consacrée aux photographes contemporains. Ses choix, guidés par ses coups de cœur, vont vers le noir et blanc.

En 1983, Didier Brousse ouvrait un laboratoire de tirages et un atelier d’encadrement à Paris. Dix ans plus tard, il inaugurait avec Kiyoko son épouse, la galerie Camera Obscura devenue au fil du temps une référence.

Qu’est-ce qui vous a incité à ouvrir une galerie photo ?

L’édition de portfolios et le désir d’avoir un endroit où les montrer. Il n’y a pas eu de choix stratégiques. Nous n’étions pas préparés à ce commerce. Ce fut une aventure que d’exposer d’abord les photographes avec lesquels je travaillais, comme Lucien Hervé ou Paolo Roversi, puis des photographes japonais grâce à Kiyoko et via la galerie PGI, une enseigne historique de Tokyo. Il a fallu sept ans pour savoir que nous pourrions en vivre.

Vous avez tracé votre propre route en fonction de vos goûts sans vouloir vous inscrire dans le XIXe siècle, l’entre-deux-guerres ou l’art contemporain. Pour quelles raisons ?

Je me suis limité, et je me limite à ce que je comprends, à ce que j’aime. Lucien Hervé a inauguré la galerie rue Ernest Cresson et Sarah Moon notre installation ici boulevard Raspail, en 2003. Ce sont aujourd’hui des photographes qui vendent bien sur le marché au même titre que Jungjin Lee, Michael Kenna, Masao Yamamoto ou Pentti Sammallahti. On ne pourrait pas vivre sans eux. Mais je n’ai jamais fait de choix en fonction du potentiel marchand. Je ne sais pas le faire. Aucun photographe de la galerie n’est d’ailleurs lié à un contrat.

Qu’est-ce qui conditionne la viabilité économique d’une galerie exclusivement photo comme la vôtre ?

C’est très mystérieux. Nous n’aurions pas tenu les premières années si je n’avais pas continué à faire des tirages pour des clients fidèles comme Paolo Roversi. On ne vendait qu’un tirage par mois et à l’époque le prix du tirage ne valait pas grand-chose. Le marché était alors bien moins développé, malgré la longue tradition de la photographie en France, l’existence d’un certain nombre de galeries, de collectionneurs, de lieux consacrés à la photographie et l’intérêt du public.

Si vous vous engagiez aujourd’hui sur ce marché, le feriez-vous de la même manière ?

Je dirai oui. Me lancer maintenant me semblerait moins difficile, car le marché existe.

Quelle est la place de Paris Photo dans votre résultat ?

Auparavant nous étions contents quand nous remboursions nos frais. Depuis quelques années la foire constitue une part non négligeable de notre chiffre d’affaires, un cinquième environ. Est-ce la maturité du marché ou de notre pratique, nos choix ? Je l’ignore. On a participé à Tokyo Photo pendant deux ans, la Foire internationale d’art contemporain aussi il y a une dizaine d’années, et Art Paris durant quatre cinq ans. Mais maintenant nous privilégions Paris Photo, qui est le rendez-vous où l’on se doit d’être présent.

Est-ce que la limitation du tirage contribue à la valeur de la photographie ?

Je ne le pense pas. C’est l’inscription dans l’histoire de la photographie, sa permanence dans le temps qui font sa valeur. Les grands musées ou les grandes collections sont remplis à 95 % d’images non numérotées. Certaines photographies d’Henri Cartier-Bresson, tirées à plusieurs exemplaires, conservent toute leur valeur. D’autre part certains photographes refusent de le faire comme Pentti qui préfère garder des prix modestes, de 700 à 1 800 euros. Les livres tirés à des centaines d’exemplaires qui valent aujourd’hui plusieurs milliers d’euros montrent bien que la désirabilité d’un objet est indépendante de sa limitation.

Howard Greenberg alimente quelques galeries parisiennes en photographes américains. De votre côté, excepté Saul Leiter, vous n’en représentez aucun autre. Pourquoi ?

C’est un paradoxe, car la photographie américaine est magnifique et que j’ai une profonde admiration pour Howard qui représente aux États-Unis Sarah Moon et Jungjin Lee. J’aime beaucoup ce qu’il montre, mais je n’ai pas envie d’être une succursale. Et puis j’ai toujours préféré travailler avec des photographes vivants.

L’oiseleur. Penntti Sammallahti,
jusqu’au 29 décembre, galerie Camera Obscura, 268, boulevard Raspail, 75014 Paris, www.galeriecameraobscura.fr

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°512 du 30 novembre 2018, avec le titre suivant : Didier Brousse, directeur de la galerie Camera Obscura : « je me limite à ce que je comprends »

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