Les vacations de dessins anciens des 28 et 30 janvier à New York ont enregistré des résultats inégaux. La vente de Sotheby’s, plutôt spectaculaire, a connu un certain succès et bénéficié d’une belle affluence, stimulée par la présence d’un Michel-Ange. Chez Christie’s, les résultats ont été mitigés et les rangs clairsemés. Bruno de Bayser, expert et marchand, commente ces ventes.
NEW YORK - Ces deux ventes se sont dans l’ensemble bien déroulées, particulièrement chez Sotheby’s qui a connu une affluence importante – près de 300 personnes – du fait de la présence d’un Michel-Ange. Christie’s n’a pas rencontré le même succès, car la dispersion coïncidait avec la vente de peintures de Sotheby’s. La salle était de ce fait très clairsemée.
La vente de Sotheby’s était plus spectaculaire – elle comprenait deux dessins majeurs, un Michel-Ange et un Hans Holbein le Jeune –, plus prestigieuse et concise ; celle de Christie’s était plus volumineuse. Chacun des deux auctioneers a voulu en faire plus que son voisin. C’est sans doute pour cela qu’ils ont mis en avant des dessins qui ne le méritaient pas.
N’a-t-on pas tenté de nous fait prendre des vessies pour des lanternes en nous faisant croire à tort qu‘il y avait énormément de belles feuilles ?
Michel-Ange en vedette
Quelques œuvres étaient néanmoins remarquables, particulièrement chez Sotheby’s. C’est le cas du Tantale de Hans Holbein le Jeune (vendu 745 000 dollars, contre une estimation de 300 à 400 000 dollars), ainsi que du Michel-Ange, Le Christ et la Samaritaine (1). Ce dessin exceptionnel a été vendu près de 7,5 millions de dollars (environ 45 millions de francs), un record pour un dessin de Michel-Ange.
Toutes les œuvres de bonne qualité se sont vendues quatre à cinq fois au-dessus de leurs estimations. C’est le cas d’un Claude Gillot, Procession triomphale de faunes et de satyres avec Silène suivant un chariot portant une nymphe. Estimé 10 000 dollars, il a été cédé à 70 000 dollars. Un très beau paysage de Claude Lorrain, estimé modestement 20 000 dollars, a été vendu quatre fois plus cher. La coquette, de Fragonard, a elle aussi enregistré un bon résultat : estimée 250 000-300 000 dollars, elle a été emportée à 310 500 dollars. Les résultats ont été moins bons chez Christie’s, qui n’a trouvé preneur que pour 64 % des lots. La vente de dessins français, en particulier, s’est soldée par un certain nombre d’échecs. Au total, 40 % des œuvres ont été reprises. Tout un ensemble de dessins de Louis Antoine Prat, par exemple, n’a pas marché du tout. Quatorze dessins sur vingt-cinq n’ont pas trouvé preneur, et tous – à une exception près – se sont vendus largement au-dessous des estimations basses. Cet insuccès s’explique en grande partie du fait de l’état moyen des œuvres proposées et d’estimations trop fortes. Car les quelques feuilles de qualité, décoratives et élégantes, ont en revanche réalisé de bons résultats. Signalons toutefois des dessins italiens intéressants : un Zuccaro notamment (Un homme barbu assis de profil) (2), estimé 80-120 000 dollars et vendu 211 500 dollars, ainsi qu’un Véronèse (La déposition) vendu 156 000 dollars. Le Zuccaro était spectaculaire. Quand l’œuvre est belle et élégante, elle suscite rapidement l’enthousiasme, en raison du faible nombre de dessins de qualité qui passent sur le marché.
Une très belle feuille décorative peut se vendre très cher, car plusieurs enchérisseurs passionnés entrent en concurrence et font monter les prix. Là, on se trouve vraiment dans le domaine d’une vente publique, d’une véritable enchère. Les dessins atteignent alors quelquefois des prix inattendus.
En revanche, lors de dispersions de dessins peu intéressants, un lot n’attire parfois l’attention que d’un seul amateur. De ce fait, les prix ne dépassent pas leur estimation, et le client ne se trouve pas véritablement dans une vente publique mais plutôt dans la situation qu’il connaîtrait chez un marchand, avec un prix imposé. Il a donc l’illusion trompeuse d’être dans une vente.
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Dessins moins sûrs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°54 du 13 février 1998, avec le titre suivant : Dessins moins sûrs