Ils ont pour nom Doisneau, Boubat, Cartier-Bresson, Izis, Bovis, Ronis et connaissent, depuis quelques années, un succès croissant auprès du public comme en témoigne la multiplication des livres et expositions qui leur sont consacrés. Leur cote ne cesse de progresser en vente publique comme en galerie.
PARIS - Ils ont immortalisé dans les années 1950-1960, comme le dit Boubat, “les moments où il ne se passe rien sauf la vie de tous les jours”. Issus d’une même génération, ces photographes aux personnalités pourtant différentes, travaillant souvent pour les mêmes journaux, nous offrent leur vision du monde, tendre et touchante, personnelle et intime. Actuellement tête d’affiche dans les librairies à l’occasion de la sortie de deux ouvrages, Willy Ronis (1910) s’est toujours voulu discret, photographiant en retrait les sujets de la vie quotidienne. La presse illustrée le demande dès 1945. Entre 1947 et 1954, le XXe arrondissement de Paris devient son centre d’intérêt. Sa cote explose depuis deux ans en vente publique : un tirage valait autour de 4 000 francs en 1999. Aujourd’hui, les enchères dépassent les 10 000 francs.
Édouard Boubat (1923-1999) qui expose en 1951 aux côtés de Brassaï, Doisneau et Izis à la galerie La Hune, se fait remarquer par le directeur artistique de la revue Réalités. Son premier sujet, Les Artisans de Paris, précède une série de reportages autour du monde. Son objectif fixe les gens, les paysages, la vie avec une douceur qui lui vaut d’être appelé par Prévert “correspondant de paix”. Le prix de ses tirages, peu nombreux sur le marché, a beaucoup monté.
Aujourd’hui, un cliché des années 1950 en vintage ou tirage postérieur descend rarement en dessous de 10 000 francs, le prix plafond atteint en vente publique il y a cinq ans. Marcel Bovis (1904-1997), l’un des plus grands illustrateurs de Paris de son temps, immortalise L’Enfant à la colombe en 1933, considérée comme l’une des premières photographies humanistes. Le Vert Galant enneigé, Paris 1950 est la seule pièce à être passée aux enchères depuis un an. Le 19 décembre 2000, l’image a atteint 5 000 francs à Drouot, une cote qui stagne depuis 1995. L’artiste serait-il sous-coté ?
Henri Cartier-Bresson (1908) compte parmi les photographes les plus célèbres de sa génération. Il a portraituré ses contemporains, peintres et écrivains. Après avoir cofondé l’agence Magnum en 1947 avec Capa, Seymour et Rodger, il parcourt les cinq continents pour les plus grandes revues de reportage. Ses œuvres se vendent en France sous son contrôle en tirages postérieurs d’exposition entre 10 000 et 40 000 francs. Les vintages et les tirages de presse d’époque s’arrachent partout ailleurs pour le même prix, voire plus. Séville, Espagne, 1933, une rarissime épreuve originale, a trouvé preneur à 600 000 francs le 12 octobre 2000 chez Christie’s à New York. L’œuvre de Robert Doisneau (1912-1994) est reconnue du grand public et adulée depuis les années 1970. En 1946, il entre à l’agence Rapho et s’intéresse à Paris et ses banlieues en se posant comme intime spectateur des hommes dans leur vie ordinaire.
Scènes de la vie parisienne
Après avoir illustré de nombreux ouvrages sur Paris, il est à présent considéré comme le représentant de l’humanisme photographique en France. Ses scènes de la vie parisienne partent aux enchères entre 10 000 et 60 000 francs. Certaines images moins vibrantes se négocient encore autour de 4 000 francs. Mais l’œuvre est abondante et circule beaucoup en vente publique, ce qui explique des écarts de prix importants dus à la qualité inégale des tirages et des sujets.
Marc Riboud (1923) rejoint Cartier-Bresson au sein de l’agence Magnum en 1953, date de sa prise de vue du Peintre de la tour Eiffel, la plus mondialement connue pour avoir été publiée dans Life. Près de 20 tirages postérieurs de ce cliché édité à 36 exemplaires sont passés dans les salles de ventes depuis dix ans, dans une fourchette de prix plutôt croissants, entre 6 000 et 35 000 francs. Depuis 1955, le photo-reporter ne cesse de voyager, saisissant des lieux avec le calme d’un contemplatif. Ses clichés d’Asie, de Chine ou du Japon, des années 1950-1960, atteignent à peine 4 000 francs dans les mêmes ventes. René-Jacques (1908) dont les vues citadines sont à la fois pérennes et fragiles, n’est pas très coté pour l’instant. Ses photographies de Paris plafonnent à 8 000 francs. Elles ont tout de même doublé en six ans.
Installé définitivement à Paris après la Libération, Izis (1911-1980) parcourt la ville fasciné. Photographe indépendant, son premier livre Paris des rêves, ne trouve pas tout de suite d’éditeur. Il est pourtant lancé peu de temps après, en 1949, par Paris-Match. L’aventure durera vingt ans et il restera libre de ses choix. Son sujet de prédilection : les Parisiens des quartiers populaires. Les prix du photographe sont très irréguliers : la plupart partent autour de 6 000 francs. Mais un tirage de 1975 de Manège au jardin des Tuileries (1945) a atteint 26 100 francs en 1996, une épreuve originale de 1946 d’un Quai de Seine à Paris est montée jusqu’à 35 000 francs en 1998 et une vue d’époque du Jardin des Tuileries de 1951 a été adjugée 14 300 francs chez Sotheby’s Amsterdam en juin 2000. “Il est encore temps, selon la galeriste Agathe Gaillard, de dénicher des images merveilleuses que l’on ne trouvera certainement plus dans dix ans.” Du moins peut-être pas à ces prix.
- Expertiser
Paul Bennaroche
26 rue Aumône-Vieille
13100 Aix-en-Provence
tél. : 04 42 52 30 60
Viviane Esders
40 rue Pascal 75013 Paris
tél. : 01 43 31 10 10
Alain Paviot
57 rue Sainte-Anne 75002 Paris
tél. : 01 42 60 68 08
- Acheter en galerie
Galerie Agathe Gaillard
3 rue du Pont-Louis-Philippe
75004 Paris
tél. : 01 42 77 38 24
Galerie Thierry Marlat
2 rue de Jarente 75004 Paris
tél. : 01 44 61 79 79
Galerie Françoise Paviot
57 rue Sainte-Anne 75002 Paris
tél. : 01 42 60 10 01
- Lire
l Doisneau La Fête, Paris, édition Tana, collection “Des images au mur�?, 28 p., 2001, 139 francs, ISBN 2-8456-7029-X
l Willy Ronis, Derrière l’objectif, Photos et Propos, éditions Hoëbeke, 160 p., 2001, 148 francs, ISBN 2-8423-0123-4
l Willy Ronis pour la liberté de la presse, Reporters Sans Frontières, 119 p., 2001, 38 francs, ISBN F-0101-2871-9
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Des « correspondants de paix » de plus en plus cotés
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°130 du 29 juin 2001, avec le titre suivant : Des « correspondants de paix » de plus en plus cotés