Dispersion de la bibliothèque théâtrale de Louis Jouvet et de quelques souvenirs personnels provenant de sa fille décédée l’an dernier.
PARIS - Voilà une vente qui devrait divertir les amateurs de théâtre et les bibliophiles : celle de la bibliothèque de Louis Jouvet (1887-1951), homme de cinéma (pour ses rôles dans Hôtel du Nord ou Knock), mais personnage de théâtre avant tout. Responsable du département Inventaires & Successions, Henri-Pierre Teissèdre, arrivé depuis un an chez Piasa, est en charge de la vacation : « Il s’agit de la succession de Lisa Jouvet, le dernier des trois enfants de Louis Jouvet, décédée l’an dernier sans descendance. L’immense bibliothèque de Louis Jouvet avait été divisée en trois. Anne-Marie et Jean-Paul ont hérité des livres modernes et des archives comprenant des bandes magnétiques, un ensemble qui a fait l’objet d’une dation à la Bibliothèque nationale de France. La part de Lisa Jouvet se compose des ouvrages anciens et des livres reliés, laquelle est essentiellement consacrée au théâtre. Lisa a également conservé la mémoire de son père. » La vente démarrera ainsi par quelques souvenirs personnels de Jouvet avant le plat de résistance que constitue cette belle bibliothèque théâtrale de 300 lots, estimée 150 000 à 200 000 euros. Ces objets personnels comprennent notamment une série de projets de décors par Christian Bérard, décorateur attitré de Jouvet, et d’autres dessins pour le théâtre de Pavel Tchelitchev, soit un ensemble de gouaches, pastels ou esquisses à l’encre de Chine à partir de 300 euros pièce. Estimé 10 000 euros, Personnage en pied, un dessin à l’encre de Chine de Giambattista Piranèse, dédicacé par Giraudoux « À Louis Jouvet et avec l’affection de la Comédie italienne et celle du théâtre français » et offert au comédien à l’occasion de la création d’Amphitryon 38 au Théâtre de l’Athénée en octobre 1934, est un des lots les plus importants de la vente. Mais « il y a aussi des objets touchants mais sans valeur pécuniaire », précise le commissaire-priseur. Ainsi le collier porté par Till, le chien offert en cadeau d’amour à Jouvet par sa maîtresse Monique Mélinand, estimé 100 euros, ou encore un lot de trois cantines portant l’inscription « Théâtre Louis Jouvet », utilisées pour les tournées à partir de 1941 et estimées 150 euros chacune.
La bibliothèque se divise en trois parties. Un grand nombre d’ouvrages concernent les deux auteurs préférés de Jouvet : Molière et Jean Giraudoux. Le comédien, qui vouait une grande admiration à l’auteur de Tartuffe, possédait plus d’une quinzaine d’éditions anciennes différentes des œuvres de Molière. Citons un recueil de 1682, soit une première édition complète, également première illustrée, comprenant Don Juan, l’une des pièces fétiches de Jouvet ; il est estimé 15 000 euros. Son recueil d’Œuvres de 1863 estimé 7 500 euros comprend plusieurs pièces portant des annotations et croquis de Louis Jouvet. Son exemplaire de travail de L’Avare pour le Théâtre du Vieux-Colombier est attendu pour 1 000 euros. Le nom de Jouvet est aussi associé à celui de Giraudoux. Leur collaboration était presque fusionnelle : metteur en scène et acteur principal d’un grand nombre de ses pièces, Louis Jouvet a réuni « un ensemble exceptionnel d’éditions originales de pièces de Giraudoux sur grand papier, la plupart imprimées spécialement pour [lui] et enrichies d’envois chaleureux de l’auteur », précise l’expert Dominique Courvoisier. Le manuscrit autographe complet de 44 pages de l’Impromptu de Paris, estimé 5 000 euros, porte un envoi qui résume à lui seul les liens unissant les deux amis : « Pour Jouvet, pour Louis Jouvet, pour Louis ». Mais les amateurs se tourneront aussi vers les pièces de théâtre phares, tel l’exemplaire sur japon d’Ondine imprimé pour Louis Jouvet avec un envoi de Giraudoux, estimé 750 euros, ou Amphitryon 38, imprimé pour le comédien avec également un envoi de Giraudoux, estimé 500 euros. Une deuxième partie de la bibliothèque est consacrée aux auteurs dramatiques des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, connus et moins connus, de Plaute à Labiche en passant par Racine, Marivaux et Shakespeare, dont la première édition en français des œuvres (1776-1782) dans sa reliure d’origine a été estimée 1 000 euros. Enfin, la dernière partie comporte des ouvrages techniques du XVIIIe siècle sur l’art dramatique et la mise en scène.
Et quelques souvenirs provenant de la succession de Lisa Jouvet, vente le 1er avril, à Drouot-Richelieu, Piasa, 5, rue Drouot, 75009 Paris, tél. 01 53 34 10 10, expert : Dominique Courvoisier, tél. 01 45 48 30 58, exposition : le 31 mars 11h-18h et le 1er avril 11h-12h.
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De L’hôtel du Nord à l’hôtel Drouot
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°211 du 18 mars 2005, avec le titre suivant : De L’hôtel du Nord à l’hôtel Drouot