Les ventes d’art contemporain à New York ont obtenu des résultats tout juste satisfaisants. Le marchand d’art new-yorkais Andrew Fabricant donne son analyse des récentes vacations organisées dans sa ville. Alors qu’il était le premier assistant de Larry Gagosian, il a surpris le marché au début de l’automne en s’alliant au marchand de Chicago Richard Gray et en devenant son associé à New York.
NEW YORK. Le marché a abordé avec confiance les ventes d’art contemporain qui ont eu lieu chez Sotheby’s et chez Christie’s, les 19 et 20 novembre dernier. Un ensemble de lots confiés à Christie’s par la succession Boris Leavit était attendu avec fébrilité et, grâce au prix remarquable atteint par le chef-d’œuvre de De Kooning, Woman (1949), les résultats obtenus ont été, selon Christie’s, très satisfaisants. Cinquante-trois des soixante et un lots ont trouvé preneur, le total des transactions s’élevant à 33,92 millions de dollars (176 millions de francs). Des toiles de Joseph Albers, Philip Guston et Hans Hoffman ont également battu de nouveaux records aux enchères.
Chez Sotheby’s, en revanche, le catalogue était bien moins étincelant, et la vente n’a été sauvée que par l’introduction d’un grand nombre de peintures de la succession Robert Rowan. Pour pallier le manque d’œuvres de qualité, il avait été décidé d’inclure dans la vente des dessins et des peintures mineures. Mais ceci s’est révélé un mauvais calcul. Sur les cinquante-neuf lots proposés, quarante-deux se sont vendus, pour un total de 11,2 millions de dollars (58 millions de francs), soit un résultat à peine supérieur à celui enregistré à Londres pour une vente d’art contemporain de qualité moyenne.
Willem de Kooning, Woman ; Christie’s, lot 7 ; estimation non publiée 8-10 millions de dollars, adjugé 14,2 millions de dollars (74 millions de francs).
Ce chef-d’œuvre incomparable, l’une des treize peintures de la succession Boris Leavitt, est l’œuvre d’art contemporain la plus importante et la plus chère qui soit mise sur le marché depuis sept ans. Elle a dépassé toutes mes espérances en partant à 14,2 millions de dollars au bénéfice d’un acquéreur non identifié opérant par téléphone, contre le directeur de C&M Arts, Robert Mnuchin, et un autre amateur présent dans la salle, qui a renchérit jusqu’à plus de dix millions de dollars. Le fait que le tableau n’ait eu qu’un seul propriétaire ajoutait encore à sa rareté. Leavitt l’avait acquis auprès de la galerie Sidney Janis, en 1952, pour moins de 2 500 dollars. Sur le plan historique, cette œuvre compte peut-être moins que Woman I-VI, la série qu’elle annonce, mais c’est tout de même la peinture la plus significative de De Kooning demeurée en mains privées.
Philip Guston, Beggar’s Joy ; Christie’s, lot 4 ; estimé 900 000-1,2 million de dollars, adjugé 1,55 million de dollars (8 millions de francs).
Aucune œuvre aussi importante de Guston n’avait été mise aux enchères depuis 1990, et je n’ai pas été surpris par le prix qu’elle a fait, un record pour cet artiste. Il s’agit d’une bonne peinture, la plus grande composition abstraite de cette période de sa carrière. Au moins quatre collectionneurs américains présents dans la salle ont rivalisé pour l’emporter. C’est Susan Dunne de la galerie PaceWildenstein qui l’a achetée, pour le compte d’un collectionneur privé de Saint Louis (Missouri). Les peintures de la période expressionniste abstraite de Guston sont plus rares et mieux cotées que ses œuvres figuratives ultérieures. Pourtant, à mon sens, ces dernières sont tout aussi intéressantes, même si le prix qu’elles ont atteint lors de cette vente ne reflètent pas mon opinion.
Cy Twombly, Bolsena, Sotheby’s, lot 25 ; estimé 1-1,5 million de dollars, adjugé 1,3 million de dollars (6,7 millions de francs).
Cette belle composition a appartenu à l’acteur Steve Martin. Mais il est possible qu’elle soit devenue la propriété de Sotheby’s à la suite d’un accord complexe, conclu après l’échec subi par Woman as Landscape de De Kooning, mise en vente par l’acteur il y a six mois. Martin souhaitait à l’époque régler ses dettes auprès de Norman Granz pour l’achat d’un portrait de Dora Maar par Picasso. La composition de Twombly était bien connue du marché, puisqu’elle avait été proposée à la Foire de Bâle par C&M Arts, en juin 1996, pour un prix voisin de 1,7 million de dollars.
Andy Warhol, Campbell’s Soup Can (Beef Consommé) ; Christie’s, lot 31 ; estimé 200 000-300 000 dollars, adjugé 340 000 dollars (1,7 million de francs).
Je m’attendais à ce que cette toile, peinte à la main, fasse beaucoup plus, étant donné les 15 millions de dollars que le MoMA aurait déboursé pour acquérir en octobre dernier, auprès d’Irving Blum, une série de trente-deux boîtes de soupe de taille et de qualité identique, ainsi que les prix élevés atteints la veille, chez Sotheby’s, pour des œuvres du début de la carrière de Warhol. Confié à la vente par Donald Christal, sa provenance était excellente puisque le tableau avait été présenté lors de la première exposition de l’artiste sur la Côte Ouest, à la Ferus Gallery, en 1962.
Cindy Sherman, Untitled Film Still No. 48 ; Sotheby’s, lot 46 ; estimé 48 000-60 000 dollars, adjugé 58 000 dollars (300 000 francs).
L’énorme succès commercial de la série des Film Stills de Cindy Sherman est un phénomène de mode que je ne parviens pas à m’expliquer. Mais il faut se rendre à l’évidence devant le prix d’un million de dollars payé pour une série complète de quatre-vingts images mise en vente par le MoMA, car figurant en double dans sa collection. Il y a dix ans, elle aurait coûté moins de 1 000 dollars.
Roy Lichtenstein, Tex! ; Christie’s, lot 32 ; estimé 2,5-3,5 millions de dollars, adjugé 3,6 millions de dollars (18,7 millions de francs).
Peinte en 1962, cette image de bande dessinée est une composition un peu académique et un peu courte d’inspiration. Elle a été exécutée un an trop tôt dans la carrière de Lichtenstein pour pouvoir être considérée comme l’un des chefs-d’œuvre du Pop Art. Mise en vente par la succession Ted Power, elle était bien connue du marché pour avoir été proposée à la vente et présentée dans diverses foires depuis cinq ou six ans, à plus de cinq millions de dollars. Waddington et Gagosian l’avaient tour à tour exposée récemment. Elle a été acquise par un enchérisseur au téléphone, contre Anthony d’Offay.
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De Kooning sauve la mise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°32 du 1 janvier 1997, avec le titre suivant : De Kooning sauve la mise