Le délicat travail de l’expert devrait être jugé devant un tribunal cette année ; les parties concernées sont Sotheby’s et le Dr Rudolph Leopold, l’un des meilleurs experts et collectionneurs de l’œuvre de Schiele.
LONDRES - En décembre 1983, Sotheby’s Londres a vendu un dessin en couleurs de Schiele, une Femme accroupie, daté de 1918 (lot 328). L’œuvre a été acquise par l’avocat londonien William T. Stockler. La description du catalogue de vente reproduisait un commentaire autorisé du Dr Leopold, qui a récemment vendu sa collection principale au gouvernement autrichien.
Ce commentaire était en fait extrait d’un avis plus circonstancié, rédigé par l’expert pour un précédent propriétaire qui lui avait présenté l’œuvre à Vienne. Le Dr Leopold se charge d’expertises gratuites pour les ventes aux enchères ; il donne également des consultations payantes pour les collectionneurs privés et intervient comme expert agréé auprès des tribunaux. Ses relations professionnelles avec les galeries et des maisons de vente sont très étroites.
L’expertise sur ce dessin faisait état, en particulier, de certains rehauts blancs que le Dr Leopold estimait d’une authenticité douteuse ; cette partie du commentaire avait été omise par Sotheby’s dans son catalogue. L’œuvre avait été nettoyée, et les éléments douteux n’existaient plus lorsque Me Stockler l’avait acquise. Après la vente, ce dernier a réussi à se procurer une copie du texte complet de l’expertise. Il a alors demandé une compensation financière à Sotheby’s et un nouveau certificat au Dr Leopold. Celui-ci s’exécuta d’autant plus volontiers que les éléments douteux avaient disparu ; en avril 1984, il rédigea une note confirmant l’authenticité de l’œuvre.
En 1993, Me Stockler voulut mettre en vente un lot d’œuvres, dont le dessin de Schiele, chez Sotheby’s. Entre temps, un autre grand expert, Jane Kallir, avait publié son catalogue raisonné de l’œuvre de Schiele, en émettant des doutes sur le dessin de Me Stockler. Sotheby’s renvoya le dessin au Dr Leopold, à Vienne, pour obtenir un nouveau certificat. L’expert découvrit que la pièce avait été "nettoyée" si radicalement que la couleur d’ensemble était détériorée ; même si le dessin était au-dessus de tout soupçon, l’authenticité ne pouvait plus être garantie, et le Dr Leopold refusa de signer un certificat. Sotheby’s confia alors la pièce à Mme Kallir, qui répondit à peu près dans les mêmes termes.
Me Stockler a intenté une action en justice pour récupérer la différence entre la valeur actuelle du dessin sans certificat (25 000 livres, soit 217 500 francs) et la valeur donnée lors de l’achat (85 000 livres, soit 739 500 francs). Il a assigné le Dr Leopold pour ses variations de jugement entre la deuxième et la troisième consultation. Le procès aura lieu au début de l’année prochaine, et les auditions préliminaires ont commencé.
La future décision de justice est appelée à connaître un grand retentissement dans le domaine des relations entre les salles de vente et les experts extérieurs.
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Contestations sur l’expertise d’un dessin de Schiele
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Contestations sur l’expertise d’un dessin de Schiele