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PHILATÉLIE

Comment sont choisis les timbres philatéliques

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 7 mars 2025 - 1346 mots

Chaque année, Philaposte émet une cinquantaine de timbres philatéliques, vendus dans les bureaux de poste pour affranchir un courrier ou pour être collectionnés. Une programmation qui obéit à des règles.

Le timbre des Glaneuses de Millet est tiré à 610 200 exemplaires. © La Poste
Le timbre des Glaneuses de Millet est tiré à 610 200 exemplaires.
© La Poste

France. Le 20 janvier dernier, La Poste a émis le timbre Des Glaneuses de Jean-François Millet (voir ill.) à l’occasion du 150e anniversaire de la mort du peintre. D’autres tableaux célèbres avant lui ont fait l’objet d’un timbre dit « philatélique », Le Radeau de la Méduse de Géricault, par exemple, l’an dernier. Ces timbres font partie du programme annuel d’environ 50 timbres produits par Philaposte, la direction du groupe La Poste en charge de la production et de l’impression des timbres pour le marché français. Ce programme est lui-même décliné en six thématiques (histoire, actualité et société, patrimoine et tourisme, art et culture, industrie, science et technique, environnement et nature) et obéit à des règles précises, à commencer par celle ouvrant la possibilité à tout un chacun de proposer un sujet de timbre.

« Cette proposition peut être effectuée à n’importe quel moment de l’année, mais ne pourra aboutir qu’environ deux ans après, le temps nécessaire à la validation du sujet, puis à la conception et à l’impression du timbre », souligne Frédéric Morin, directeur adjoint de Philaposte. « Nous recevons environ 400 projets par an, et les demandes émanent de tous les publics : institutionnels, professionnels et particuliers. Chaque dossier doit être documenté et accompagné d’une garantie de soutien des institutions concernées », précise-t-il. Le timbre Des Glaneuses de Millet est ainsi issu d’une proposition d’une association philatélique.

Timbre à l'effigie de Jacques Chirac. © La Poste
Timbre à l'effigie de Jacques Chirac.
© La Poste

Une première sélection est ensuite établie avant d’être soumise à la commission consultative, qui se réunit deux fois par an au siège du groupe La Poste, sous la présidence de son PDG. Leur choix aboutit à une liste validée par ce dernier. « La sélection tient compte de l’intérêt, de l’originalité, de la neutralité, de la parité hommes-femmes et de l’équilibre territorial du programme, explique Frédéric Morin. Les personnes vivantes ou disparues au cours des cinq dernières années sont exclues des propositions, excepté pour les présidents de la République. Un timbre sur Jacques Chirac a ainsi été émis en 2020, un an après sa disparition. (voir ill.)» Cette commission est composée d’une vingtaine de personnalités issues des musées, du monde politique, d’artistes, de graveurs, d’experts philatéliques et de postiers, ainsi que d’invités du monde de l’art, de l’histoire, du patrimoine ou encore du tourisme. Leur identité n’est pas divulguée.

Le timbre Pokémon, émis en 2024 à 705 000 exemplaires, a été épuisé en quelques semaines. © La Poste
Le timbre Pokémon, émis en 2024 à 705 000 exemplaires, a été épuisé en quelques semaines.
© La Poste
Le timbre «Pokemon» épuisé en quelques semaines

Quoi qu’il en soit, chaque année apporte ses nouveautés. Une grande diversité prédomine parmi les cinquante timbres philatéliques, tirés entre 500 000 et 900 000 exemplaires selon le potentiel de vente estimé. Depuis Des Glaneuses, ont été émis, entre autres, les timbres Juliette Gréco, Pierre Dac et Lucie Randoin, ce dernier étant illustré par un portrait de la physiologiste de la nutrition et deuxième femme à entrer à l’Académie de médecine en 1946. Sont également programmés les timbres Maurice Ravel et Emmanuel Mounier, ainsi qu’un carnet «Astérix ». D’autres porteront sur la commémoration de la Libération de 1945 ou sur les 50 ans de Radio France. Les commémorations sont légion dans la programmation, mais pas uniquement.

Pour séduire les plus jeunes, le programme se modernise et s’est ouvert, entre autres, à la biodiversité et au manga. L’an dernier, le timbre « Pokémon », émis à 705 000 exemplaires, a été épuisé en quelques semaines, et le timbre sur la baguette de pain, réalisé dans le cadre de son entrée au patrimoine de l’humanité et tiré à 594 000 exemplaires, s’est écoulé en trois mois. « Ces timbres ont d’abord une vocation de vulgarisation et de diffusion du patrimoine français dans toute sa diversité », rappelle Frédéric Morin. L’an dernier, le carnet de timbres « Autour des 150 ans de l’impressionnisme avec le Musée d’Orsay » s’inscrivait dans cette vocation, à l’instar du timbre Des Glaneuses de Millet, imprimé à 610 200 exemplaires et vendu à 2,78 € pièce, ainsi que des autres peintures ou sculptures figurant au catalogue de Philaposte dans la série « Artistique ».

Initiée en 1961 par André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles du général de Gaulle, cette série annuelle récurrente a été inaugurée avec des tableaux de Georges Braque, Henri Matisse, Paul Cézanne et Roger de La Fresnaye. Depuis, ce « musée imaginaire » s’enrichit chaque année de grands classiques et, depuis 1974, de commandes passées par Philaposte à des artistes contemporains. Joan Miró a été le premier. On relève également Victor Vasarely, Zao Wou-Ki, Claude Viallat, Pierre Soulages, Niki de Saint Phalle et, parmi les plus récents, Annette Messager, Valérie Belin, Mohamed Bourouissa, Dominique Issermann, Françoise Pétrovitch, Fabienne Verdier ou Prune Nourry. « Chaque nouvelle œuvre contemporaine doit être originale et intégrer la collection du Musée de La Poste », précise-t-on à Philaposte. Les collections philatéliques du musée rassemblent toutes les archives de la fabrication des timbres-poste émis depuis 1849, date de l’émission du premier timbre-poste en France, soit neuf ans après le premier émis au Royaume-Uni.

Dans la production annuelle de timbres philatéliques, on trouve également des institutions culturelles, comme, l’an dernier, le Musée Robert Tatin et le Facteur Cheval avec son Palais idéal, ou encore la Fondation Louis Vuitton dans le cadre des 10 ans de son ouverture. Le timbre philatélique s’avère ainsi être un autre moyen de communication.

Un marché vieillissant qui cherche à se rajeunir  


Philatélistes. La durée de commercialisation d’un timbre philatélique est de douze mois à partir du jour de son émission, son lancement en avant-première s’organisant toujours à Paris, au Carré d’Encre, boutique de La Poste dédiée à la vente de timbres et à l’écrit. Son prix s’aligne sur le tarif en vigueur pour un courrier en France ou à l’international, variable selon le poids de la lettre : de 1,39 € pour les timbres Juliette Gréco ou Pierre Dac à 2,78 € pour le timbre Des Glaneuses. Un an après, il est retiré des bureaux de La Poste et du site de Philaposte, et rejoint le marché du timbre.

Pour les cotes et prix de ces timbres, comme pour l’ensemble des timbres français ou d’un autre pays, le catalogue Yvert & Tellier est la référence en France et à l’international. La fourchette des prix de la série « Artistique » s’échelonne ainsi de 10 € pour le bloc des quatre premiers timbres émis en 1961 à 23,80 € pour la série de 2023 comprenant Alphonse Mucha, Tamara de Lempicka, Eva Gonzalès et Dominique Issermann. Des prix naturellement plus bas que celui du timbre 1 franc vermillon, premier timbre-poste français émis le 1er janvier 1849 et désormais le plus recherché sur le marché en raison de sa durée de commercialisation courte. Dans le catalogue Yvert & Tellier 2024, sa cote en neuf avec une languette adhésive dite charnière est de 130 000 €. La rareté est le facteur déterminant du prix.

Paolo Salvatori, président de la Chambre syndicale française des négociants et experts en philatélie, estime le nombre de collectionneurs en France à environ 200 000. Mais si le timbre reste un objet très collectionné en France comme à l’international, notamment au Japon et en Chine, la population des philatélistes vieillit, du moins dans l’Hexagone. Selon une étude CSA commandée en 2019 par Philaposte, les philatélistes confirmés sont majoritairement des hommes (70 %) et l’âge moyen est de 67 ans ; pour la catégorie des collectionneurs amateurs, la moyenne descend à 51 ans, et la proportion de femmes est de 39 %. Pour séduire les plus jeunes, surtout dans un contexte où le courrier s’effondre, Philaposte poursuit donc sa modernisation des thématiques. Depuis mars 2024, des vitrines philatéliques affichant les sorties de timbres ont été installées dans près de 5 000 bureaux de poste sur les près de 7 000 comptabilisés au total. L’été prochain, des présentoirs devraient être mis en place.

La validité de ces timbres philatéliques pour envoyer un courrier est permanente s’il ne comporte pas de mention de valeur. Et ce quels que soient les changements de tarif. Si le timbre indique une « valeur faciale » en euros, il faut s’assurer qu’elle corresponde au tarif ou changement de tarif sinon il faut faire un complément.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°650 du 28 février 2025, avec le titre suivant : Comment sont choisis les timbres philatéliques

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