Sotheby’s annonce la dispersion à Paris, le 16 avril, d’objets ayant appartenu à un collectionneur européen éclectique qui a eu, il y a un demi-siècle, le bon goût d’orienter ses achats vers l’art africain.
PARIS - Le 16 avril, Sotheby’s mettra en vente à Paris une collection privée européenne, celle d’un homme qui découvrit l’art africain dans les années 1950. Notre collectionneur, décédé l’an dernier – et dont l’anonymat a été préservé par les descendants –, était déjà amateur de beaux objets avant sa rencontre déterminante avec l’Afrique. “Son domaine de prédilection s’était porté sur le Moyen Âge ; il avait constitué une belle collection d’objets d’art médiéval, de meubles Haute Époque ainsi que d’instruments scientifiques, raconte Jean Fritts, l’expert international du département Art tribal de Sotheby’s. C’est au hasard d’un voyage au Congo, au milieu des années 1950, que ce collectionneur ressentit un attrait immédiat et profond pour l’Afrique. Ses affaires axées sur l’import-export le conduisirent à y vivre une année entière puis à y retourner très fréquemment. Tout en conservant les objets qu’il avait déjà en sa possession, il délaissa l’art européen et se tourna radicalement vers l’art africain.” Outre ses acquisitions choisies d’instinct au cours de ses voyages sur le continent noir, sa collection d’objets africains s’enrichit grâce aux conseils éclairés de son ami le marchand belge Jef Van der Straeten. “En 1980, il se rendit pour la première fois au Mexique et eut un coup de foudre aussi fort que celui qu’il avait eu pour l’Afrique, poursuit Stacy Goodman, spécialiste en art précolombien. Il retourna maintes fois au Mexique, découvrit le Guatemala et fit l’acquisition d’objets précolombiens auprès de marchands de New York.”
La vente comprend 176 lots d’objets d’art africain, océanien, précolombien, du mobilier et des objets d’art Haute Époque, de l’argenterie et deux sculptures khmères. Mais le cœur de la collection concerne l’art africain et océanien (et plus timidement l’art précolombien), une spécialité que Sotheby’s tient à développer à Paris tant le marché s’y porte bien. Une majestueuse statue d’ancêtre d’homme Hemba du Congo, de 71 cm, est la pièce phare de la vacation. Estimée 150 000 à 250 000 euros, de style classique Niembo, l’un des plus fameux de tous les ateliers Hemba, la sculpture est caractérisée par des traits raffinés avec un nez aquilin et des yeux baissés sous des sourcils délicats. Un tabouret Luba, à patine claire et foncée, dont l’assise repose sur une caryatide parée de colliers en perles de verre, est estimée 30 000 euros. Un masque-heaume de la tribu Mambila (nord de la province de Sardauna au Nigéria), particulièrement impressionnant, de forme massive et anthropomorphe, attestant d’années d’utilisation, est estimé 30 000 euros. Sa large mâchoire supérieure découvre une série de dix-neuf dents, les yeux gigantesques sont enfoncés dans deux cavités sous un crâne arrondi, et les oreilles animales sont couchées vers l’arrière. Une statuette en terre cuite Djenne du Mali montre un personnage agenouillé aux épaules démesurément larges et à l’abdomen concave. Il porte autour de son cou épais un pendentif sur lequel court un serpent et présente sur le ventre et le dos une double ligne de scarification en forme de zigzag. Son estimation est de 40 000 euros.
Est aussi à retenir une intéressante chaise de chef Tschokwé, originaire d’Angola, estimée 15 000 à 20 000 euros. Copiée d’après un modèle de chaise européenne du XVIIe siècle, elle est décorée de motifs représentant la vie quotidienne en Afrique : un chef porté par deux hommes, une femme fumant une pipe à eau, une autre accouchant ; le dossier ajouré est orné d’une vache sacrée, de deux tortues, de cinq grenouilles et de multiples inclusions de clous en laiton.
Dix-sept poupées Dowayo du Cameroun, vendues en quatre lots estimés 5 000 à 7 000 euros chacun, forment un ensemble rare, en raison de leur ancienneté et de leur bon état de conservation. Selon la tradition, les femmes Dowayo ayant des difficultés à avoir des enfants révéraient ces poupées, qui devenaient des enfants de substitution. Elles transportaient sur leur dos ces “bébés”, souvent recouverts de perles, de coquillages, de pendentifs, symboles ultimes d’une possible maternité.
Parmi les objets océaniens, est à noter un masque de Nouvelle-Guinée, estimé 30 000–50 000 euros, de la rivière Bas-Sépik, au long nez sculpté se terminant par une tête d’oiseau stylisée et dont l’arête centrale mène à un petit lézard accroché sur le haut du front.
Vente le 16 avril à 17 heures, Sotheby’s, galerie Charpentier, 76 rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 53 05 53 05, www.sothebys.com, exposition du 11 au 15 avril 10h-18h (samedi 12 et dimanche 13, 12h-18h).
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Collection d’un précurseur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°168 du 4 avril 2003, avec le titre suivant : Collection d’un précurseur