PARIS
Daniel Filipacchi, installé aujourd’hui aux États-Unis, est surtout connu pour être un grand patron de presse. Les amateurs d’art connaissent sa passion précoce pour le surréalisme.
À l’âge de quatorze ans, il achète son premier ouvrage surréaliste le Revolver à cheveux blancs d’André Breton. Ce penchant pour un mouvement littéraire alors méconnu et vaguement déprécié se poursuit auprès des libraires Jean Hugues, Jean Petithory ou encore, pour citer un galeriste bien vivant, Marcel Fleiss. Daniel Filipacchi et Marcel Fleiss se rencontrent en 1952 autour de leur passion commune, le jazz. Vingt ans plus tard, c’est leur intérêt pour le surréalisme qui les rapproche. Un survol du catalogue de sa collection de peintures exposée au Guggenheim en 1999 témoigne d’un goût prononcé pour Dali, Magritte, Tanguy, Bellmer ou encore Brauner. L’annonce par Christie’s de la vente de la collection de livres de Filipacchi est une première. Jusqu’à présent, le patron de presse n’avait cédé que des doublons et, en 1995, vingt-huit manuscrits de René Char enluminés par des artistes. À cette occasion, vingt-quatre manuscrits furent préemptés pour 9,6 millions de francs. Filipacchi semblait même actif lors de la vente Breton, plus volontiers dans la section livres que dans celle des tableaux d’après les observateurs. Chose inédite, Christie’s fait appel à un expert extérieur, le libraire Jean-Claude Vrain, comme Sotheby’s l’avait précédemment pratiqué avec le libraire Claude Oterelo pour la vente surréaliste Pierre Leroy.
Cette vente homogène, qui couvre en plus de deux cents lots la jeunesse et l’explosion du surréalisme, n’est que le premier opus d’une dispersion en trois volets. Estimée autour de 5 millions d’euros, la mise en bouche offre un grand choix de superbes livres illustrés. En proue de cette session, on remarque La Prose du Transsibérien et la Petite Jehanne de France, fusionnant en 1913 le poème de Blaise Cendrars aux images de Sonia Delaunay. Un exemplaire de ce livre fortement apprécié par les amateurs a réalisé 56 500 livres dans la vente Renaud Gillet chez Sotheby’s en 1999. Christie’s en demande cette fois 180 000/220 000 euros, pour un livre qui se négocie pourtant dans les 38 000/40 000 euros dans le commerce. « Les estimations sont solides, pas trop exagérées, pas trop basses », défend pourtant Jean-Claude Vrain. Un manuscrit du Trésor des jésuites, pièce surréaliste écrite à deux mains par Louis Aragon et André Breton, figure en bonne place dans le catalogue. L’estimation pour ce lot combinant le manuscrit original et le tapuscrit corrigé est de 35 000/45 000 euros. Un des ensembles les plus surprenants combine un des quinze exemplaires originaux sur papier Hollande d’Ubu Roi dans une reliure de Paul Bonet, et une peinture originale d’Alfred Jarry représentant Ubu, la seule connue de ce personnage (entre 160 000 et 180 000 euros). La pièce de résistance ne vient qu’en fin de catalogue, avec le manuscrit des lettres autographes de guerre de Jacques Vaché, autour de 300 000 euros. Mort d’une overdose d’opium en 1919, ce précurseur du dadaïsme et du surréalisme laisse une empreinte indélébile sur l’œuvre de Breton.
Collection Filipacchi, vente le 29 avril chez Christie’s Paris, tél. 01 40 76 85 85.
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Collection de Filipacchi chez Christie’s
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°557 du 1 avril 2004, avec le titre suivant : Collection de Filipacchi chez Christie’s