L’ artiste d’origine tamoul intègre à ses œuvres de petits tableaux achetés sur Internet auprès d’artistes sri-lankais peu connus .
Paris. De toute évidence, l’approche du travail de Christopher Kulendran Thomas n’est pas des plus faciles. Pour tenter de le comprendre, il faut tout de suite se mettre deux choses en tête. La première : l’artiste est né en 1979 à Londres (où il vit aujourd’hui en partie, de même qu’à Berlin) de parents sri-lankais, des Tamouls ayant fui la guerre civile qui opposa, des années 1980 à 2009, le gouvernement de l’île aux Tigres séparatistes (les Tamouls). Ce qui laisse des traces. La seconde : l’artiste fait partie de cette génération dite « post-Internet » qui ne travaille pas nécessairement ou uniquement avec des médias sociaux mais plutôt sur la façon dont les images sont partagées, c’est-à-dire sur leur statut, leur diffusion, leur pouvoir. Les tableaux de Christopher Kulendran Thomas en sont un bel exemple : ils encastrent une petite toile, achetée sur Internet à d’autres artistes sri-lankais généralement jeunes, prometteurs, peu ou pas encore connus. Tout est dans le « encore » puisque, grâce à la notoriété de leur aîné, ceux-ci ont la chance de voir leur œuvre mieux diffusée – au risque que leur cote dépasse peut-être un jour celle du maître, lequel envisage alors la destruction de ses propres œuvres au profit de la récupération physique de ces petites toiles.
Christopher Kulendran Thomas propose donc une réflexion sur l’identité, sur la circulation de l’image, sa récupération, son appropriation, son détournement, sa valorisation (ou non), et pose une question au marché de l’art et surtout au commerce planétaire (une vidéo évoque d’ailleurs l’activité du géant de la distribution Amazon). Chaque petit tableau est volontairement utilisé comme un matériau, au même titre que les grandes lignes et traits de peinture qui composent chaque œuvre, pour un subtil jeu abstrait avec les fonds et des filets de pêche ajourés qui recouvrent l’ensemble. Malgré un parfum « air du temps » prononcé, le résultat est, indéniablement, plastiquement réussi. Il en est de même pour cette autre série d’œuvres qui juxtaposent aussi des images réalisées par d’autres artistes à des tee-shirts Nike, pour là encore soulever les questions de la marque, de la consommation, du capitalisme effréné. Avec en évidence cette citation extraite d’un entretien réalisé par Aude Launay pour la revue Zérodeux : « Mon travail opère une sorte de translation machinique au travers de ces flots de données bio-culturelles ». À méditer.
Situés entre 2 500 et 12 000 euros, les prix des œuvres sont abordables (c’est la politique de la galerie), d’autant qu’ils concernent un artiste à la « notoriété grandissante », selon l’expression consacrée très à la mode. Il a effectivement participé à l’exposition « Co-Workers : Network As Artist » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 2015-2016, et aux Biennales de Berlin et de Gwangju (Corée du Sud) en 2016.
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Christopher Kulendran Thomas, ce coucou
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°483 du 7 juillet 2017, avec le titre suivant : Christopher Kulendran Thomas, ce coucou