La communauté juive internationale qui séjourne l’été à Tel Aviv a, pendant dix ans, apporté son soutien à Sotheby’s. Christie’s fait son entrée le 25 septembre, avec une vente qui s’inscrit dans l’esprit de ce marché particulier.
TEL AVIV - Le 25 septembre, Christie’s ajoutera un nouveau lieu de vente à son palmarès en organisant ses premières enchères à Tel Aviv, consacrées à des peintures, dessins et sculptures des XIXe et XXe siècles.
Pour le marché de l’art, Tel Aviv n’a rien d’un territoire inconnu. En avril dernier, Sotheby’s a organisé sa dixième vente à Tel Aviv, atteignant un certain nombre de prix record jamais égalés par des artistes israéliens, et réalisant un chiffre global de 3,22 millions de dollars (17,5 millions de francs environ). Le Vase de fleurs de Reuven Rubin, estimé à 100 000-150 000 dollars (environ 540 000-800 000 francs), a été adjugé pour 200 500 dollars (1,1 million de francs), record mondial pour une œuvre d’art israélienne vendue aux enchères. En plus d’œuvres d’art moderne, Sotheby’s est également spécialisée dans l’art traditionnel juif, un domaine dans lequel Christie’s ne s’est pas encore aventurée.
Pourquoi Christie’s s’est-elle donc tenue si longtemps à distance de Tel Aviv ? "Une simple question d’investissement de temps et d’argent", explique Matthijs Erdman, en charge de la vente de Christie’s. Si son retard peut sembler important, Christie’s a néanmoins un avantage : elle profite de l’expérience de sa rivale. Ainsi, toutes les deux organiseront leurs ventes pendant la semaine de Sukoth, dans des hôtels de bord de mer. De même, Christie’s, à l’exemple de Sotheby’s, compte moins sur les Israéliens, qui ne forment guère que 30 % des acheteurs, que sur la communauté juive internationale. M. Erdman estime ainsi que près de 50 % des ventes quittent le pays.
Ce phénomène a un effet certain sur la nature même des ventes : l’influence profonde de l’École de Paris sur l’art juif du milieu du XXe siècle se traduit par une large place réservée aux œuvres de Moise Kisling, Mane-Katz, Pascin et Chagall, qui restent prédominantes. L’art contemporain israélien des années 80 comporte pourtant des œuvres admirables, surtout celles d’inspiration particulièrement juive, faisant référence, par exemple, à la guerre israélo-arabe ou à l’Holocauste. Mais M. Erdman regrette que cet art ne semble pas avoir encore acquis suffisamment de valeur marchande.
Les peintres israéliens, qui ont reçu le soutien partiel ou total du marché juif, sont parvenus à maintenir leur valeur marchande dans une très large mesure, alors que nombre d’impressionnistes et autres artistes modernes ont vu leur côte s’effondrer. Les œuvres d’André Masson, par exemple, ont perdu jusqu’à 90 % de leur valeur, celles de Kisling et Chagall, en partie grâce aux nouveaux acheteurs d’Asie du Sud-Est, n’ont perdu que 10 à 20 % de leur valeur maximale.
Christie’s a tenu à organiser une première vente aux dimensions volontairement modestes : 110 lots environ (Sotheby’s en présente à peu près 200), et une majorité d’œuvres dans une fourchette de 10 000 à 100 000 dollars. Parmi lesquelles un Kisling, Miriam – portrait d’une jeune femme rescapée d’un camp de concentration –, estimé à 250 000-350 000 dollars (1,3-1,9 million de francs), ainsi qu’une toile de Mane-Katz, représentant une fête de la Torah, don du Carmen College (Angleterre), et estimée à 140 000-180 000 dollars. Les peintres du XIXe siècle sont représentés par Isidor Kaufman avec Les Garçons de la Yeshiva, et les contemporains par Mordechai Ardon et Avigdor Arikha.
Il n’est pas difficile de prédire l’évolution du marché. Avec 13 000 dollars par an et par habitant, les Israéliens ont un revenu semblable à celui des Irlandais ou des Espagnols. Il semble peu probable que le marché connaisse d’importants changements dans les années à venir : Chagall et quelques grands peintres resteront en tête des ventes.
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Christie’s à Tel Aviv
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°6 du 1 septembre 1994, avec le titre suivant : Christie’s à Tel Aviv