Polémique

Chinoiseries entre marchands

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 6 mai 2008 - 791 mots

Les galeristes Enrico Navarra et Pierre Huber prévoient des actions contre la foire d’art contemporain de Shanghai ShContemporary.

PARIS - Le coup de sang du marchand parisien Enrico Navarra contre les organisateurs de la foire d’art contemporain de Shanghai ShContemporary, dont la prochaine édition aura lieu du 10 au 13 septembre, n’est pas prêt de s’arrêter (lire le JdA n°273, 18 janvier 2008). Le galeriste compte intenter deux nouvelles procédures contre les organisateurs du salon, l’une à Hongkong pour rupture de contrat, l’autre à Genève pour dénigrement. Les deux plaintes devraient être déposées d’ici une dizaine de jours. Pourquoi un tel acharnement ? « C’est une question de principe, déclare le marchand. Depuis le 27 septembre 2008, Pierre Huber en sa qualité d’associé et de directeur artistique de la foire, comme Lorenzo Rudolf et les organisateurs de BolognaFiere n’ont jamais répondu aux questions que je posais, basées sur des faits attestés, documentés, voir filmés, même s’ils ont, au travers de communiqués, reconnu le problème que posait un curateur unique dans la section Best of. Ils se sont bornés à faire état de dettes faussement comptabilisées, de la rupture de contrat entre Pierre Huber et [le collectionneur] Christophe Laurent, prétextant que c’est ce qui motivait ma prise de position. » Son argumentation, qui invoque une « campagne de dénigrement » à son encontre, reste pour le moins surprenante. Selon lui, la moitié du temps de ses employés a été consacrée ces derniers mois à la gestion de ces problèmes et de leurs conséquences, générant un retard dans les travaux de sa galerie du Muy (Var) et la suspension du développement de certains projets. Enrico Navarra, qui a confié à son expert comptable et à un expert financier auprès des tribunaux une mission d’évaluation des dommages économiques, estime qu’il faudra plus de deux ans pour rétablir la marche normale de son activité.

La réalité des faits
Pour Lorenzo Rudolf, directeur de ShContemporary, la démarche d’Enrico Navarra est aussi étrange qu’irrecevable. « Je ne comprends pas le sens de ces histoires, je ne vois pas une seule chose qui pourrait lui permettre de nous attaquer, indique-t-il. Pierre Huber ne joue plus aucun rôle dans ShContemporary. Avec toutes les rumeurs, il ne pouvait plus être actif, opérationnel. On ne l’a pas jeté dehors, on lui a offert un partnership qu’il a refusé. » La foire a d’ailleurs envoyé le 19 février une mise au point faisant suite aux doutes émis le 5 février par Pierre Huber sur la pérennité du salon : « Les organisateurs de ShContemporary veulent ici rétablir la réalité des faits et préciser le rôle de Pierre Huber, dans le cadre de ShContemporary, dont il est l’un des trois cofondateurs. Il a signé un contrat avec les deux autres cofondateurs de la foire : Lorenzo Rudolf et BolognaFiere. À ce titre, il ne peut détenir à lui seul le droit de statuer sur l’existence de ShContemporary, ni sur son concept. Les clauses financières du contrat qu’il a signé ont été respectées et dans le cadre de ce même contrat, Pierre Huber est astreint à une clause de non-concurrence, ayant pour conséquence l’impossibilité de créer un événement concurrent avec ShContemporary, même en cas d’interruption de la collaboration. Toutefois, il n’a jamais été exclu en tant qu’actionnaire de la société qui est appelée à continuer à gérer les futurs développements de ShContemporary. »

Les relations entre Pierre Huber et la direction de BolognaFiere ne sont pas pour autant soldées. Le 25 avril, le marchand genevois a déposé à la Chambre d’arbitrage nationale et internationale de Milan un dossier réclamant des dommages et intérêts à BolognaFiere. « J’ai voué trois ans de ma vie à ce projet, j’ai perdu beaucoup d’argent en ne m’occupant pas de ma galerie. Je ne vais pas rester les bras croisés », observe-t-il. La bataille juridique l’opposant, sur un terrain commercial cette fois, à Enrico Navarra se poursuit également. Une autre procédure pénale lancée contre Navarra et le journaliste Josh Baer devant le Tribunal de Genève a été classée le 7 novembre 2007, la compétence des autorités genevoises sur la question paraissant douteuse. Un recours, déposé le 19 novembre, a finalement été rejeté le 27 février.

Pendant que les affaires continuent en coulisse, ShContemporary entame sa commercialisation. La direction artistique de la prochaine édition a été confiée finalement à dix personnalités asiatiques, notamment le curateur indépendant Huang Du pour la Chine et la critique d’art Deeksha Nath pour l’Inde. L’artiste Zhou Tiehai, dont le réseau chinois avait largement profité à la foire, s’est lui retiré des commandes stratégiques. « Je lui ai toujours dit que les portes sont ouvertes, que je pourrais l’intégrer dans le pôle stratégique », confie Lorenzo Rudolf. « Mais il doit savoir ce qu’il veut », conclut-il.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°281 du 9 mai 2008, avec le titre suivant : Chinoiseries entre marchands

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