La galerie londonienne Carpenters Workshop ouvre une antenne parisienne dans l’ancien espace de la Galerie de France.
PARIS - Il existe sans doute peu d’aventures professionnelles plus différentes que celle de Carpenters Workshop et de la Galerie de France. D’un côté, une jeune galerie d’« Art design » basée depuis 2006 à Londres, héraut d’une nouvelle niche du marché de l’art. De l’autre, une enseigne créée à Paris en 1942, par laquelle ont transité des artistes comme Jacques Villon, Hans Hartung, Eugène Leroy ou Martial Raysse. À priori, ces deux histoires n’étaient pas destinées à se croiser. Pourtant Carpenters Workshop inaugure, le 24 septembre, son antenne parisienne, dirigée par Aurélie Julien, dans les 600 m2 occupés jusque-là par la Galerie de France.
La galerie londonienne a cherché depuis près de deux ans un espace dans plusieurs quartiers, notamment à Saint-Germain-des-Prés et avenue Matignon, avant de signer, en décembre 2010, pour l’espace de la rue de la Verrerie (1). « Quand on rentre dans l’espace de la Galerie de France, on a l’impression d’arriver dans le temple de la création. Il y a quelque chose de solennel et puissant », remarque Julien Lombrail, codirecteur de Carpenters Workshop. Pourquoi avoir choisi une succursale à Paris, après avoir démarré à Londres et déménagé voilà trois ans dans le quartier très chic de Mayfair ? « Lorsqu’on a ouvert à Londres, on était dans les années délire, avec l’argent facile de la City. Il y avait une santé économique qui n’existait pas à Paris. On était au bon endroit au bon moment, indique Loïc Le Gaillard, codirecteur de Carpenters Workshop. Mais le marché de l’Art design est un mini-marché en train de se structurer. Nous voulons consolider ce que nous avons fait, et avoir une présence en France offre une autre visibilité. » Le duo, qui produit 80 % de ses éditions dans l’Hexagone, entend aussi capitaliser sur la nouvelle image de la capitale avec un objectif clair : conquérir le public français, mais également américain. Londres restera toutefois la porte d’accès aux nouveaux acheteurs russes, chinois, moyen-orientaux ou indiens, lesquels représentent 30 % de leur clientèle.
En cédant son espace à Carpenters Workshop, la directrice de la Galerie de France, Catherine Thieck, décide de clore définitivement un chapitre. Elle s’était déjà retirée par étapes, en confiant en 2007 les clés du lieu au marchand allemand Michael Werner pour sa « Saison à Paris ». L’année suivante, elle avait rebaptisé l’espace « New Galerie de France » et initié un partenariat avec la jeune galeriste Marion Dana.
Marché formaté
À l’instar de ses confrères Serge Le Borgne ou Frédéric Giroux, qui ont aussi choisi de baisser le rideau, Catherine Thieck ne masque pas sa lassitude devant les gimmicks du marché de l’art. « Je ne pouvais pas continuer à botter en touche alors que j’avais cessé de participer aux foires, hormis le Salon du dessin, déclare-t-elle. Tant que j’avais l’espace, il fallait continuer à l’habiter. Les espaces d’exposition sont fondamentaux pour moi, et j’en ai possédés qui me ressemblaient à tel point qu’il était difficile pour d’autres de les occuper. Je pensais que faire venir d’autres aventures chez moi pouvait me dégager de la première ligne du marché. Mais pour quitter le marché de l’art, il fallait quitter l’espace. Toute ma vie, j’ai pu travailler dans les marges et vivre comme cela, en m’attachant plus aux œuvres. Mais il n’y a plus de place pour des galeries qui se positionnent entre le phénomène Gagosian et celui des jeunes enseignes. Le formatage du marché ne permet plus de passer entre les gouttes. C’est réducteur sur le plan intellectuel, sensible, et sur le plan de la profession. Je ne veux pas passer dans la broyeuse. »
La Galerie de France se replie de fait dans un studiolo de 100 m2 situé à la même adresse et accessible uniquement sur rendez-vous. Une manière de reprendre à zéro, d’un pied plus léger, mais avec un bagage de trente ans de travail. Catherine Thieck n’arrêtera pas non plus d’organiser des expositions. Cette ancienne conservatrice de l’ARC/Musée d’art moderne de la Ville de Paris prévoit ainsi « Gisèle Freund, l’œil frontière », en octobre, à la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, à Paris. « Je ne veux pas finir ma vie en cavalcade, confie-t-elle. Je vois plus un “remix”, pour reprendre le mot de Georg Baselitz, c’est-à-dire me nourrir de ce que j’ai fait par le passé. »
(1) Carpenters Workshop, 54, rue de la Verrerie, 75004 Paris, ouverture le 24 septembre, tlj sauf dimanche et lundi 11h-19h
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°352 du 9 septembre 2011, avec le titre suivant : Changement de propriétaire