Le marché de l’orfèvrerie Art déco reste en marge du boom du mobilier de cette période. La spécialité reste marquée du sceau de Jean Puiforcat, initiateur des lignes géométriques.
Qui dit orfèvrerie Art déco, pense à Jean Puiforcat (1897-1945). « Puiforcat a révolutionné l’orfèvrerie au xxe siècle autant que Thomas Germain au xviiie », souligne Thierry de la Chaise, spécialiste de Sotheby’s.
Lorsque Jean Puiforcat rejoint l’atelier paternel, le parisien est cantonné dans le pastiche de pièces duXVIIIe siècle. Homme d’affaires avisé, le père donne toutefois carte blanche à son fils pour
révolutionner les formes et doper les ventes. Une révolution qui s’exprime dans les lignes, sobres et géométriques, et dans des associations de matériaux inédits comme l’ivoire et les pierres comme le lapis-lazuli, l’ambre ou le jade.
Jean Puiforcat, le précurseur
Si l’orfèvrerie a longtemps manqué les grands rendez-vous de l’histoire de l’art, le stand de Jean Puiforcat à l’Exposition des Arts décoratifs et industriels de 1925 marque un tournant. Le designer exprime une sensibilité de sculpteur tout en ramenant l’objet à sa fonction utilitaire. « Le paradoxe des pièces d’orfèvrerie de Jean Puiforcat est de manifester une présence dénuée de lourdeur, de proposer une forme simple, lisible et de faire découvrir tout un jeu de perspectives possibles par le simple déplacement de l’angle de vue », écrit Françoise de Bonneville dans sa monographie sur l’artiste.
La production de Puiforcat se partage entre une foultitude de pièces courantes et des objets exceptionnels, de commande, lesquels portent la signature Jean E. Puiforcat en sus du poinçon de maître. D’autres maisons tenteront de le copier, mais elles auront toujours un train de retard. Ce hiatus s’exprime d’ailleurs dans les prix. Si un service à thé-café Art déco anonyme ou d’un orfèvre secondaire vaut dans les 4 000 à 6 000 euros, un service signé Puiforcat grimpe à 8 000-10 000 euros. Lors de la dispersion de la collection Karl Lagerfeld en mai 2003 chez Sotheby’s, une paire de chandeliers de table de forme cubiste par Puiforcat a été adjugée pour 30 000 euros.
Arthur Georg Jensen (1866-1935) fut aussi un des hérauts de l’orfèvrerie Art déco au Danemark. Dans son atelier ouvert en 1904, il donne une priorité aux services de table et aux couverts. En janvier 2005, Christie’s a organisé une vente commémorative des cent ans de ce créateur. Les estimations ont souvent été triplées. À cette occasion, une paire de candélabres à cinq bras s’est adjugée pour
la coquette somme de 204 000 dollars.
Jean Goulden, le cubiste
Goulden (1878-1946) s’est lui inspiré du travail des émaux byzantins. Avec Jean Dunand et François-Louis Schmied, il apprend la technique de l’émail champlevé, un art qui, après avoir fait florès au Moyen Âge et à la Renaissance, a connu une longue éclipse. C’est à Dunand qu’il doit de se plonger dans le style Art déco. « Cette épuration du style est nécessaire à Jean Goulden qui, sa vie durant, manquera souvent de verser dans un goût du poétique qu’illustreront ses peintures de Bretagne », peut-on lire dans la monographie qui lui est consacrée.
Ses objets, notamment des boîtes, dont on a répertorié près de quatre-vingt-dix modèles, et des pendulettes s’avèrent d’inspiration cubiste, le dessin tirant toujours vers l’abstrait. « C’est un travail qui dépasse le cadre de l’orfèvrerie, souligne Jean-René Delaye, spécialiste de Sotheby’s. Ce n’est pas de l’argenterie d’usage, mais de la sculpture. » La production de Goulden est extrêmement limitée, d’où la rareté de ses pièces sur le marché. En 2004, Sotheby’s a décroché le record de 142 400 euros pour une grande coupe en argent massif.
En marge de ces créateurs, la maison Christofle a aussi agi en pépinière de talents en faisant appel à des designers. Ces derniers n’eurent toutefois pas la même aura que les deux figures consacrées. Christofle a aussi produit plutôt du métal argenté, tandis que Puiforcat et Jensen se sont adonnés à l’argent massif.
Jean Puiforcat(1897-1945). Révolutionnaire de l’orfèvrerie, il développa des lignes sobres et géométriques, tout en utilisant des techniques anciennes, jadis cantonnées dans le domaine de l’art sacré comme l’utilisation de pierre dures ou précieuses. Jean Goulden(1878-1946). Ce créateur à part, tour à tour peintre et orfèvre, a su donner une seconde vie à la technique de l’émail en l’adaptant aux lignes sobres de l’Art déco. Christofle La maison créée en 1830 épouse le mouvement Art déco en collaborant avec les décorateurs André Groult, Louis Süe et André Mare. Christofle créa notamment la ligne d’orfèvrerie Transat pour le paquebot Normandie
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Ces orfèvres de l'Art déco
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°590 du 1 avril 2007, avec le titre suivant : Ces orfèvres de l'Art déco