Le 26 juin au château de Cheverny (Loir-et-Cher), la maison de ventes Rouillac présentera un rare et exceptionnel buste anatomique en terre cuite, datant du IIIe-IIe siècle avant J.-C. et provenant vraisemblablement de Canino, petite cité étrusque proche de l’antique Vulci, dans la province de Viterbe en Italie.
Il représente un jeune homme vêtu de la toga enveloppante marquée de plis. À l’avant du buste, une déchirure (amande) laisse apparaître de nombreux organes internes parfaitement identifiables : poumons, cœur, foie, rein droit, estomac, intestins et vessie. C’est ce qui attire le docteur Pierre Decouflé lorsqu’il découvre l’objet chez le marchand parisien Charles Ratton en 1960. Le médecin l’acquiert et l’emporte à Dakar où il est installé, pour l’étudier. « La statue trône dans son salon, et fait l’objet d’une correspondance soutenue avec les chercheurs et conservateurs du monde entier. Pierre Decouflé s’y penche avec le regard d’un médecin et identifie vingt-huit organes différents dans l’amande polyviscérale », rapporte l’expert Christophe Kunicki. Après sept ans de travail, il achève un Traité d’anatomie viscérale archaïque de 450 pages dans lequel il soutient que ce type d’objet n’est pas un ex-voto mais une terre cuite didactique visant à enseigner l’anatomie aux Étrusques. Une hypothèse qui n’est pas retenue par les archéologues. « Les ex-voto anatomiques en terre cuite se sont développés en Italie dans la région du Latium durant l’époque hellénistique. Des fouilles ont mis à jour des têtes, yeux, oreilles, mains, pieds, parties génitales féminines et masculines. Tous ont été retrouvés dans des temples où ils étaient offerts aux dieux, en prévention de maladie ou en remerciement d’une guérison », explique Christophe Kunicki. Une exposition sur ce sujet, organisée par l’université Justus-Liebig de Gießen, en Allemagne, s’est tenue au Musée allemand de l’histoire de la médecine à Ingolstadt en 2008. Y était présenté l’un des quatre autres bustes anatomiques connus dans le monde : celui d’une femme drapée, sans tête ni bras, avec une amande polyviscérale, appartenant à l’université allemande. Les trois autres bustes, également acéphales et sans membre (à l’origine ou parce que fragmentaires), sont conservés au Musée du Louvre à Paris, au Musée archéologique de Madrid et au Musée national étrusque de la villa Giulia à Rome. L’exemplaire du docteur Decouflé est non seulement d’une taille exceptionnelle (68 cm), contre une vingtaine de centimètres pour celui du Louvre, mais la combinaison de la figure humaine et des organes internes est unique. Son état de conservation est remarquable pour une terre cuite de cette taille : seule la tête séparée du tronc est recollée. Mentionné dans deux publications scientifiques en 1962 et 1994, ce buste devrait obtenir les faveurs d’une institution.
Datation : IIIe-IIe siècle av. J.-C.
Région : Latium, probablement Canino
Technique : terre cuite orangée
Dimensions : 68 cm de hauteur
État de conservation : cassure restaurée au niveau du cou
Provenance : collection du docteur Pierre Decouflé, acquis en 1960 et conservé dans la famille jusqu’à ce jour
Expert : Christophe Kunicki
Estimation : 50 000 à 80 000 euros
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Buste votif anatomique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°350 du 24 juin 2011, avec le titre suivant : Buste votif anatomique