La foire Artissima a entamé sa révolution du 9 au 11 novembre.
TURIN - « On avait besoin d’un miracle à Turin !», lançait Andrea Bellini, nouveau directeur de la foire Artissima au lendemain du vernissage le 9 novembre. Sans partager ce sens très latin de l’hyperbole, on admettra que la foire turinoise a fait son aggiornamento en redressant sérieusement le niveau. Outre l’arrivée de quelques galeries branchées américaines, cette édition s’est distinguée par la part belle faite à la vidéo, brillamment représentée par le travail de Victor Alimpiev chez Regina (Moscou). La photographie a joué aussi la récurrence, jusqu’à l’overdose. Chez Prometeo Gallery (Milan), la Guatémaltèque Regina José Galindo faisait un bon usage des deux médiums en transformant son corps en arme militante, douloureuse et désobéissante, dans un esprit proche des actionnistes viennois. L’accrochage d’Albion (Londres) autour des documents servant aux performances de Vito Acconci valait enfin à lui seul le détour.
Le tam-tam effectué ces six derniers mois par Bellini a porté ses fruits auprès des amateurs italiens, jusque-là circonspects. Le commerce s’est toutefois révélé mitigé pour les exposants étrangers. Si Elaine Levy (Bruxelles) a fait feu de tout bois en vendant le lit de Jota Castro, Leche y ceniza, à la collection La Gaia, et un coffret vidéo des Goldiechiari à l’Américain Tony Podesta, d’autres participants guettaient l’acheteur. De fait, certaines œuvres d’artistes très hot outre-Atlantique, comme les dessins proches du journal intime de Beth Campbell chez Nicole Klagsbrun (New York), restaient disponibles au terme du salon alors qu’elles auraient été prises d’assaut à Londres ou New York. « Il y a des options, mais il faudrait qu’elles se confirment. Les Italiens réfléchissent beaucoup, prennent leur temps », remarquait Ruth Phaneuf de la galerie Nicole Klagsbrun. D’après Andreas Lange, de la galerie Schleicher Lange (Paris), « c’est une foire qu’il faut faire plusieurs fois pour construire une relation. L’organisation est impeccable, aux petits soins, et ces gestes-là font la différence. » Comme à l’ARCO à Madrid, les institutions locales ont mis la main au portefeuille, palliant ainsi la lenteur des privés. Le Castello di Rivoli a emporté une maison dont l’intérieur était dessiné par Franz Ackerman chez Gió Marconi (Milan) et une vidéo de Marijke Van Warmerdam présentée par Van Gelder (Amsterdam). De son côté, le GAM, le musée d’art moderne et contemporain turinois, a jeté son dévolu chez S.A.L.E.S. (Rome) sur l’installation Where Flamingo Flys d’Euan MacDonald, tout empreinte de mélancolie.
Fort de ses débuts prometteurs, Andrea Bellini compte réduire encore la taille de la foire en supprimant vingt stands. Il accueillera aussi l’an prochain les Chalets de Tokyo. « J’imagine Artissima comme un élastique que j’aimerais tirer dans toutes les directions, indique le maître d’œuvre. Je veux montrer qu’une foire n’est pas un produit statique, et proposer une aventure intellectuelle. » Les artistes italiens ne sont-ils toutefois pas trop absents de l’« aventure » ? À quelques exceptions près comme Marco Boggio Sella chez John Connelly (New York) ou Andrea Nacciarriti, dont une œuvre a été achetée par le collectionneur Antoine de Galbert chez Francosoffiantino (Turin), ces derniers se faisaient discrets sur les stands. En s’ajustant au goût international, Andrea Belllini devra veiller à ne pas oublier les créateurs du cru, lesquels souffrent d’un gros déficit de visibilité à l’étranger.
Une fois n’est pas coutume, l’Italie prend la France pour modèle. Le Piémont vient de s’inspirer de nos Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) en lançant à l’occasion d’Artissima le « Fondo régionale arte contemporanea ». La commission d’achat, composée cette année du curateur Francesco Bonami ; de Christine Macel, conservatrice au Centre Pompidou ; et d’Augustin Pérez Rubio, du Musac de León (Espagne), disposait d’un budget de 150 000 euros à dépenser sur la foire. Son choix s’est porté sur la vidéo Repulsion de Keren Cytter chez Ellen de Bruyne (Amsterdam), une pièce d’Evariste Richer chez Schleicher Lange (Paris), une petite maison sous cloche de Jimmie Durham auprès de Christine König (Vienne), et une vidéo de Cyprien Gaillard chez Cosmic (Paris). De son côté, le programme « Nuovi Committenti » de la Fondation Adriano Olivetti emprunte beaucoup aux Nouveaux commanditaires de la Fondation de France. Cette réplique italienne lancée en mars a déjà passé commande aux artistes Massimo Bartolini et Lucy Orta, dont les œuvres se sont intégrées au quartier de Mirafiori.
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Bon tournant
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°269 du 16 novembre 2007, avec le titre suivant : Bon tournant