Véritables sculptures à porter sur soi, les bijoux d’artistes constituent un marché émergent et encore abordable fortement mis à l’honneur en cette rentrée.
A Paris, les bijoux sans grosses pierres ni carats sont à l’honneur. Jusqu’au mois de mars 2014, Ateliers d’art de France présente des « Circuits bijoux » : une quarantaine d’expositions dans des galeries et musées de la capitale. Une occasion de s’intéresser à ces parures créées par les artistes, dont la valeur tient rarement au prix des matériaux.
La preuve ? « Un petit bijou en fer réalisé par Calder avoisine les 100 000 euros. Ce sont des exemplaires uniques, de véritables mobiles miniatures. On en dénombre aujourd’hui près de mille huit cents, conservés par les musées ou dans de grandes collections privées, et qui apparaissent très rarement sur le marché », constate l’historienne du bijou Marguerite de Cerval, auteur du Dictionnaire international du bijou aux Éditions du Regard et consultante pour Artcurial.
En 1928, le sculpteur américain est d’ailleurs le premier artiste à fabriquer des bijoux, avec sa pince et son marteau. À sa suite, depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui, les artistes, de Picasso à Anish Kapoor, ont été de plus en plus nombreux à se lancer dans la création de bijoux, en dessinant des pièces en général exécutées par des orfèvres.
Parmi ces derniers, François Hugo, arrière-petit-fils de l’écrivain, qui s’est rendu célèbre en réalisant à partir de 1956 les « sculptures portables » de Pablo Picasso. Ou plus tard, à partir de 1967, en Italie, Giancarlo Montebello – artisan interprète des croquis de Lucio Fontana, Pol Bury ou Man Ray – dont l’atelier milanais occupe pas moins de six artisans.
Il faut dire que l’exposition « International exhibition of modern jewellery » du Victoria and Albert Museum, à Londres, en 1961, a propulsé cette nouvelle discipline artistique, jusque-là souvent confidentielle, sur le devant de la scène. « Quand Andy Warhol, en 1988, édite une montre avec cinq vues de New York en deux cent cinquante exemplaires, toute la série se vend en une année », rapporte Beatriz Defeo, qui a présenté une de ces pièces chez Piasa le 18 juin dernier, adjugée 5 500 euros. Cependant, une seule maison de ventes, Piasa, consacre depuis 2008 une vente annuelle aux seuls bijoux d’artistes. Sotheby’s, Christie’s et Artcurial présentent ces œuvres miniatures dans les ventes d’art contemporain ou alors de joaillerie… pour l’instant ?
Galerie minimasterpiece, 16, rue des Saints-Pères, Paris-7e, www.galerieminimasterpiece.com
Piasa, une vente annuelle, en juin. www.piasa.fr
Artcurial, dans les ventes « importants bijoux », en juillet et décembre, www.artcurial.com
Circuits bijoux, plus de 60 expositions et 400 créateurs à Paris, de septembre à mars. www.circuitsbijoux.com
Rares sont les artistes qui ont réalisé eux-mêmes leurs bijoux. Parmi eux, Calder, César (qui comprimait notamment des bijoux apportés par des clientes, heureuses de repartir avec des compressions à leurs oreilles) et Arman. Cette Colère de montre, pièce unique, véritable sculpture miniature concentrant l’univers de l’inventeur des « accumulations » et constituée de montres démontées et découpées, de rubans entrelacés soulignés de diamants et de pierres, a été mise en vente en même temps que dix autres pendentifs de la même collection. Tous ont été acquis.
Le prix d’un bijou tient avant tout à la cote de l’artiste qui l’a conçu… Mais aussi à l’artisan qui l’a fabriqué. En 1956, Picasso, à l’affût de nouvelles formes d’expression, fait appel à l’orfèvre François Hugo pour transformer en bijoux les plats en céramique qu’il a modelés. Hugo collaborera ensuite avec Derain, Arp, Ernst ou encore Cocteau. Son atelier sera repris par son fils Pierre. Ce pendentif en or a été validé par l’artiste de son vivant : Picasso exerçait un contrôle important sur ses bijoux, qu’il ne destinait pas, à l’origine, au commerce.
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Bijoux d’artistes, l’art porté en miniatures
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Abonnez-vous dès 1 €De Louise Bourgeois à Jeff Koons, les artistes s’expriment beaucoup à travers le bijou. « Pour fixer un prix en accord avec l’artiste, on prend en compte sa notoriété, mais aussi le design de la pièce et le coût de fabrication », indique la galeriste Esther de Beaucé. La valeur de cette broche en argent extrêmement graphique signée par Bernar Venet tient aussi à la notoriété des bijoux créés par le sculpteur pour son épouse, Diane Venet. Celle-ci, collectionneuse de bijoux d’artistes, a exposé ses parures d’Athènes à New York en passant par La Piscine de Roubaix. Il s’agit de la première édition de parures conçues par Venet pour le commerce.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°660 du 1 septembre 2013, avec le titre suivant : Bijoux d’artistes, l’art porté en miniatures