Organisée pour la première fois et dans une forme condensée au Carrousel du Louvre, la Biennale internationale des antiquaires a pourtant brillé par la qualité des objets présentés et l’importance des affaires conclues. Celles-ci ont montré une véritable reprise par rapport à la dernière édition de 1992.
PARIS - Les sombres couloirs gris de l’architecte Jean-Michel Wilmotte présageaient du pire, mais les stands brillaient par la qualité des objets et, parfois, par celle des décors – de splendides boiseries 1920 de Maurice Dufrêne et des plaques murales de Rateau chez la marchande parisienne d’Art déco Anne-Sophie Duval, par exemple, ou une ambiance de "wunderkammer", faite de nombreux objets d’art et de bibliothèques, chez l’antiquaire anversois Axel Vervoordt. Le pari d’organiser la 17e édition de la Biennale des antiquaires dans le Carrousel du Louvre, du 10 au 24 novembre, faute d’un Grand Palais fermé pour travaux, a été pleinement gagné.
Soulagement, donc, chez la plupart des marchands, qui avaient envisagé cette Biennale condensée (elle ne comptait, sur des stands bien plus petits qu’au Grand Palais, que cent marchands, contre cent quatre-vingt il y a deux ans) comme un mauvais et long moment à passer, mais qui en sont sortis finalement ravis d’avoir fait de bonnes affaires.
Le salon a montré de réconfortants signes de reprise. Les membres du groupe "Les Antiquaires à Paris", par exemple, qui proposaient des meubles et objets d’art exceptionnels à des prix qui ne l’étaient pas moins, ont tous bien vendu, ce qui n’avait pas été le cas en 1992. Michel Meyer, dont la moitié du stand était décorée de 12 mètres d’un papier peint chinois (vers 1720) à 900 000 francs, a vendu une paire de bibliothèques Louis XIV en placage d’ébène marqueté de cuivre sur fond d’écaille, portant les estampilles de Nicolas Sageot et Jacques Dubois. Didier Aaron s’est séparé, entre autres, d’un imposant canapé à confidente, long de trois mètres, de Jean-Baptiste Lebas, et d’une paire de fauteuils de Nicolas Heurtaut.
Bijoux de tribus barbares
Non seulement de nombreux collectionneurs d’Europe et des États-Unis étaient au rendez-vous du Louvre, mais aussi les conservateurs de musée. "Je n’ai jamais connu une Biennale aussi réussie pour la qualité de la clientèle" s’est enthousiasmé Nicolas Kugel, qui a vendu l’ensemble de vingt-quatre émaux XVIe siècle de la collection d’Hubert de Givenchy à un collectionneur européen.
Bernard Blondeel, d’Anvers, a négocié une suite de trois tapisseries de Bruges du XVIe siècle, Le triomphe de César, avec un musée français. Chez le marchand d’art médiéval Brimo de Laroussilhe, un collectionneur européen s’est offert l’objet vedette, une magnifique Vierge et Enfant en ivoire, parisienne, du XIIIe siècle. Un musée allemand et le Musée de Bourges se sont beaucoup intéressés à une tête d’ange sculptée en pierre, du XVe siècle, et le département des Sculptures du Louvre s’est réservé une Vierge et Enfant lorraine, du XIVe siècle, en pierre.
Un autre musée français convoitait une étonnante sculpture rhénane en bois du XVe siècle, Enlèvement du corps du Christ par des anges, chez le marchand parisien Bresset, qui a vendu un albâtre de Nottingham, l’Arbre de Jessé au Musée diocésain de Cologne. Dany Kornfeld, d’Ariadne Galleries de New York, présente pour la première fois à la Biennale avec une importante collection d’antiquités classiques et des bijoux de tribus barbares, s’est étonnée des connaissances des amateurs parisiens.
Traditionnellement réputée pour son mobilier, la Biennale s’est avérée cette année tout aussi remarquable pour la qualité de ses peintures. Pour les œuvres fin dix-neuvième siècle, les galeries d’Huguette Bérès, François Perreau-Saussine, Brame & Lorenceau et la galerie de La Scala ainsi que Stoppenbach & Delestre de Londres ont toutes enregistré un nombre encourageant de ventes. Waring Hopkins, de la galerie parisienne Hopkins-Thomas, qui a vendu plusieurs œuvres de Vuillard, Maillol et Cézanne, trouvait que les amateurs s’intéressaient plus que de coutume à des tableaux "plus sophistiqués et moins décoratifs".
"Le tableau de la Biennale"
Emmanuel Moatti, spécialisé dans la peinture plus ancienne, a vendu plusieurs dessins importants et, pour les tableaux, une nature morte de Cristoforo Munari qu’il avait montrée, sans trouver preneur, au Salon de Maastricht en mars dernier. Colnaghi, dont le stand était dominé par un imposant Saint Blaise couronné du XVe siècle, de l’artiste de Saragosse Martin Bernat, à 1,5 million de francs, a vendu plusieurs toiles non-religieuses, dont Bacchus et Ariane de Solimena, Les pins parasols d’Hubert Robert et deux petits
Caprices avec paysans de Francesco Guardi. Bob Haboldt s’est séparé de plusieurs œuvres, mais Giovanni Sarti de Londres avait du mal à trouver preneur pour un certain nombre de très beaux tableaux primitifs italiens, dont un splendide triptyque de Simonde des Crocefissi (vers 1370), pour lequel il demandait 6 millions de francs.
Hazlitt, Gooden & Fox, de Londres, qui partageaient un stand avec le marchand de dessins parisien Bruno de Bayser, demandaient environ 24 millions de francs pour le très mélancolique portrait de Madame Félix-Bienaimé Feuardent par Millet. "Le tableau de la Biennale !" s’est extasié l’un des plus éminents conservateurs français. Ils ont vendu un dessin de Goya, Vieil homme fou, qui n’avait pas été vu sur le marché depuis quarante ans, ainsi qu’un Turner, Bateaux à vapeur au large de Margate, aquarelle et gouache (vers 1830-1835), qui avait appartenu à Ruskin.
Si, chez les marchands de tableaux, les affaires étaient plutôt bonnes, celles réalisées par les spécialistes d’art ancien chinois, Michael Goedhuis et Christian Deydier, de Londres, et Gisèle Croës, de Bruxelles, ont été spectaculaires. Gisèle Croës a vendu "beaucoup plus de pièces, et des pièces plus importantes qu’il y a deux ans", dont un ornement de l’époque des "Royaumes combattants" en bronze et bronze doré incrusté d’argent, à un musée d’Extrême-Orient.
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Biennale : moins d’espace mais plus d’acheteurs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°9 du 1 décembre 1994, avec le titre suivant : Biennale : moins d’espace mais plus d’acheteurs