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Belleville, dernier eldorado des jeunes galeries ?

Le vrai visage de Belleville

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 20 janvier 2010 - 732 mots

Le quartier de Belleville, à Paris, s’impose comme le terreau de nouvelles jeunes galeries radicales

PARIS - Pour beaucoup de Parisiens, Belleville se résume à un quartier populaire, doté d’un grand pourcentage de logements sociaux. Les étrangers, eux, le voient comme l’équivalent de Brooklyn ou du Lower East Side à New York, ou encore de l’East End londonien. Ces derniers ont bien senti la fibre artistique d’un périmètre où résident de nombreux critiques d’art et curateurs, et où se sont agrégées plusieurs jeunes galeries pointues, attirées par la présence du FRAC Île-de-France/Le Plateau.

L’installation du galeriste Jocelyn Wolff en 2003 et celle de Cosmic (aujourd’hui Bugada & Cargnel) en 2005 ont préparé le terrain pour Castillo/Corrales, Balice Hertling, Gaudel de Stampa, ou encore Suzanne Tarasiève et son Loft19. « Je n’avais pas envie d’ouvrir une galerie dans le contexte très marqué du quartier du Marais. C’est bien qu’une galerie naissante participe à l’évolution d’un quartier, indique Denis Gaudel, directeur de Gaudel de Stampa. Les collectionneurs pointus, qui s’intéressent à des formes d’art radicales, se préoccupent aussi des questions d’urbanisme, d’évolution de la ville. »

Impératifs économiques
Plus que la mixité sociale ou ethnique, ce sont bien souvent les impératifs économiques qui ont amené les jeunes structures à choisir Belleville. La plupart d’entre elles n’ont pas eu à payer de reprise de bail ou de pas-de-porte. Depuis novembre dernier, deux jeunes galeries, Marcelle Alix et Crèvecœur, ont pris place dans des boutiques jumelles rue Jouye-Rouve. Toutes deux profitent de l’effet de vase communicant avec leurs confrères précédemment établis. Bien qu’elle existe depuis un an et demi, Crèvecœur jouit d’une visibilité dont elle ne bénéficiait pas dans son ancienne localisation à Oberkampf. « Je sors du no man’s land, confie son directeur Axel Dibie. Mon espace est plus petit, mais il s’agit d’un développement. »

En 2005, le déménagement de la galerie Cosmic, d’un hôtel particulier dans le Marais pour un très bel espace à Belleville, lui avait permis de gagner une vraie réputation auprès des collectionneurs. « Selon le contexte, la même exposition peut paraître plus bourgeoise ou beaucoup plus radicale », confie Frédéric Bugada, codirecteur de la galerie. Pour Daniele Balice, cofondateur de la galerie Balice Hertling, l’absence de pression économique permet de monter des événements où les questions artistiques priment sur les commerciales. « J’ai senti une réponse immédiate des artistes qui se sentent plus libres de s’exprimer », observe-t-il. Si chaque galerie cultive sa propre identité, toutes affichent un point commun : l’ancrage international de leurs artistes et une capacité à développer des réseaux à l’étranger.

Un lieu d’incubation
Bien que la fréquentation soit moins importante que dans le Marais, les enseignes constatent, depuis le mois de septembre, un intérêt accru des amateurs parisiens, grâce notamment aux visites orchestrées par les groupes d’Amis du Centre Pompidou et du Jeu de paume. « On a atteint une masse critique qui fait qu’on ne peut plus ignorer Belleville, indique Frédéric Bugada. Bien sûr, je continue à jouer le GPS vivant pour certains collectionneurs, mais quand les gens viennent ici, ils prennent plus de temps, ils sont plus attentifs. On a des chances de montrer une vidéo en entier. »

L’attraction du quartier est telle que certaines galeries étrangères, comme Karma International (Zurich), songeraient à y ouvrir une antenne… Néanmoins, Belleville risque de rester un lieu d’incubation. Faute d’opportunités immobilières intéressantes pour des grands espaces, les enseignes désireuses de quitter le quartier désolé de la rue Louise-Weiss, dans le 13e arrondissement, ne lorgnent pas vers le 19e. La logique voudrait aussi que, avec sa stature actuelle, Jocelyn Wolff rejoigne ses confrères du Marais, de la même façon qu’il a quitté la Cour carrée du Louvre pour le Grand Palais lors de la dernière édition de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), à Paris. « Le quartier est un lieu idéal pour commencer, car le public prospectif est au rendez-vous. Après, pour travailler avec une clientèle qui descend au Ritz pendant deux jours, est-ce un obstacle insurmontable ? Non. Est-ce un obstacle, oui », constate l’intéressé, qui n’entend toutefois déménager que dans de bonnes conditions. Le départ du poisson pilote risquerait de faire un trou dans le paysage bellevillois. Passé l’engouement médiatique actuel, le buzz ne pourrait-il d’ailleurs pas retomber ? « On n’est qu’au début de la tendance, note Isabelle Alfonsi, codirectrice de Marcelle Alix. Le quartier n’est pas encore l’eldorado bobo. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°317 du 22 janvier 2010, avec le titre suivant : Belleville, dernier eldorado des jeunes galeries ?

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