La 31e foire internationale d’art de Bâle, qui s’est tenue du 20 au 26 juin, a tenu ses promesses. Les collectionneurs, emportés par une fièvre qui les pousse aujourd’hui à se décider très rapidement, sont venus en nombre des États-Unis, mais aussi de France. Le secteur « Art Unlimited », l’une des attractions de l’édition 2000, a fait des débuts prometteurs malgré quelques erreurs de jeunesse.
BÂLE - “C’est tout à fait étonnant, les gens se sont jetés sur les œuvres : nous sommes revenus dans une période d’euphorie du marché”, s’exclame sur son stand Denise René. Il n’aura fallu en effet qu’une heure ou deux pour que les galeries réalisent d’importantes ventes tôt le matin le jour du vernissage. En effet, contrairement aux autres années, les organisateurs de la foire avaient pratiquement interdit aux amateurs l’accès le lundi, jour de l’accrochage des stands, à la suite de plaintes des galeries qui ne souhaitaient plus voir les collectionneurs scruter avec intérêt l’ouverture des caisses et autres cartons et faire leur marché avant même que les pièces aient eu le temps de rejoindre les cimaises. Peu nombreux étaient donc les collectionneurs présents ce jour-là, à tel point que François Pinault, qui ne pouvait rester à Bâle pour le vernissage, s’est définitivement retrouvé bloqué à la porte de la manifestation sans avoir pu parcourir les allées du Hall 2, au grand dam de nombreux galeristes qui criaient au scandale.
Traditionnellement la mieux fréquentée des foires, l’édition 2000 n’a pas dérogé à la règle, d’autant plus que le nombre d’invitations avait été réduit de 20 % par rapport à l’année dernière. Les allées étaient ainsi moins et mieux garnies, puisque l’on y croisait toutes les plus grandes collections américaines, parfois accompagnées de leur batterie de conseillers. Fait inhabituel, de très nombreux collectionneurs français avaient fait le déplacement, à tel point que la langue de Molière était l’une des plus usitées dans la foire. La santé de l’économie française n’est peut-être pas étrangère à cet engouement. Également, l’envolée des prix lors des dernières ventes aux enchères donne aujourd’hui l’opportunité de trouver dans les galeries des pièces à des prix moindres, renversant ainsi un rapport très défavorable aux marchands au cours des années quatre-vingt-dix. Revers de la médaille, le rez-de-chaussée de la foire, traditionnellement réservé à l’art moderne, était peut-être moins spectaculaire que d’autres années. Les collectionneurs sont sans doute davantage tentés de confier actuellement la vente de leurs œuvres à Christie’s ou à Sotheby’s qu’aux galeries du second marché. Néanmoins, comme les autres années, la qualité était au rendez-vous, les professionnels réservant souvent leurs meilleures pièces pour l’occasion.
“Art Basel” est ainsi l’occasion de découvrir les dernières créations des artistes, à l’image des petits paysages recouverts de peinture de Gerhard Richter, et qui sont rapidement partis à 10 000 dollars sur le stand de la galerie Goodman. L’apparition sur le marché des écrans plats permet aujourd’hui aux artistes de véritablement proposer des vidéos/tableaux, à l’image des créations de Jeremy Blake (Feigen) ou de Jason Rhoades (Zwirner), ce dernier poussant même la logique du cadre jusqu’à utiliser une marie-louise. La foire autorise aussi une “remise à niveau” quand l’on n’a pas pu se rendre dans toutes les expositions : le coupe-œuf de Mona Hatoum (Jay Jopling) a par exemple été présenté à Reims ; la palme revenant de ce point de vue au nouveau secteur “Art Unlimited”, avec un Bruce Nauman (Sperone Westwater) actuellement montré à Sydney ou un Chen Zhen (Art & Public) tout juste revenu d’Albi. Ce secteur, accueilli dans une nouvelle halle, proposait un ensemble inédit dans une foire d’installations et surtout de vidéos. Revendiquant le statut d’exposition, avec ses deux commissaires extérieurs, l’ensemble péchait par sa mise en espace, certaines sculptures restant encore confinées dans des lieux clos. Cependant, si ce secteur doit encore se bonifier, il propose en tous cas une alternative intéressante pour les pièces de grandes dimensions principalement destinées aux collections publiques.
Du côté de la jeune création, le secteur “Statements” restait l’un des points forts. Le prix artistique de La Bâloise, d’un montant de 25 000 francs suisses, y était décerné aux Hollandais Jeroen De Rijke et Willem De Rooij (Buchholz), et au Thaïlandais Navin Rawanchaikul (Satani). Ce secteur réunissait encore les dessins de Claudia et Julia Müller (Kilchmann) et les meubles éclatés de Mathieu Mercier (Chouakri). La Liste 2000, franchement alternative, proposait aussi un beau stand d’Alain Declercq et une installation de Vincent Epplay et Pierre Giner au fond d’une cave : l’endroit idéal pour échapper à la fièvre ambiante accentuée par la canicule bâloise.
Les responsables de la foire de Bâle ont annoncé l’organisation, du 12 au 16 décembre 2001, de la première édition de « Art Basel Miami Beach » qui se tiendra en Floride. La direction de « Art Basel » a signé en juin un contrat pluriannuel avec la ville de Miami Beach et le Miami Beach Convention Center. Cette nouvelle foire d’art contemporain hivernale réunira de cent à cent cinquante galeries d’Amérique du Nord, d’Amérique latine et d’Europe. L’utilisation de différents espaces dans la ville est déjà envisagée, en privilégiant une architecture art déco très présente à Miami. L’espace urbain devrait accueillir des containers maritimes dans lesquels des artistes seront invités à développer des projets spécifiques. Les musées seront associés à la foire durant laquelle seront organisées des manifestations culturelles aussi bien dans les domaines de la musique, de la mode, du cinéma, du design que de l’architecture.
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Bâle dans la fièvre de l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°108 du 30 juin 2000, avec le titre suivant : Bâle dans la fièvre de l’art