La collection de Bernard Blondeel, antiquaire installé rue de Lille à Paris depuis 1996, comprend notamment une centaine de tapisseries anciennes du XVe au XVIIIe siècle, flamandes et françaises pour la plupart, et quelques pièces allemandes, anglaises et italiennes. Il s’agit d’une des plus importantes collections privées au monde. Voici un aperçu de cet ensemble à travers quelques-unes de ses plus belles pièces.
PARIS - “À vrai dire, c’est un artisanat extrêmement lent, qui rendrait flegmatique l’homme le plus impatient. Un art parfaitement adapté au flegme flamand”, écrivait en 1610 le cardinal Guido Bentivoglio, nonce dans les Pays-Bas espagnols, à Bruxelles, au cardinal Scipion Borghèse, secrétaire d’État et neveu du pape Paul V à Rome à propos d’une série de tapisseries consacrées à la vie du héros biblique Samson et commandées par ce dernier. “Sous l’Ancien Régime, les tapisseries furent considérées comme des œuvres d’art de haut niveau. Leurs sujets contenaient parfois des références à leur propriétaire”, souligne Guy Delmarcel dans son ouvrage La Tapisserie flamande (éditions Lannoo). Est-ce le cas de La Lune et ses compagnes, une tapisserie des Pays-Bas méridionaux datant des années 1500-1530 ? Cette grande pièce en laine et soie (170 x 465 cm) représente la lune, souvent identifiée à Diane, déesse de la chasse et de la nature, accompagnée de ses suivantes, les Napées, nymphes des fontaines et des sources, les Amadryades, nymphes des bois et les Dryades, illustrant la force des forêts. Campée sur son char, Diane tient un arc dans la main gauche tandis que la droite répand de l’eau autour d’elle. L’iconographie provient d’un recueil mythographique du XIIe siècle et illustre la transition de l’idée médiévale de la prédestination vers l’ordre cosmologique des temps nouveaux. Une étude de l’astrologie sous un angle mythique.
La Fontaine de vie est une autre tapisserie flamande du début du XVIe siècle (190 x 270 cm). Réalisée à Tournai, le fragment de la collection représente, sur fond de feuillage d’acanthe à grandes fleurs rouges exotiques, une fontaine à deux plans d’eau, celle qui donne la jeunesse et est source de vie. Le Musée des arts décoratifs, à Paris, possède un fragment de la fin du XVe siècle, où, près d’une fontaine, un couple se tient par la main. Plus tardive (1550-1600) est cette verdure à feuilles stylisées en laine et soie. Ce type de pièces, improprement appelées “feuilles de choux”, étaient la spécialité des lissiers d’Audenarde (Oudernaarde en Belgique), d’Enghien et de Grammont. Un exemplaire comparable à cette tapisserie est conservé dans les collections du château de Langeais. Tissée à Bruxelles dans le dernier quart du XVIe siècle, cette autre verdure (208 x 255 cm) décrit un combat d’animaux – un griffon attaque un bouc, un éléphant, un rhinocéros tandis qu’un serpent s’approche de sa proie – alors qu’apparaît, en arrière-plan, une vue panoramique de la ville d’Anvers avec ses embarcadères sur les rives de l’Escaut et des bâtiments religieux dont la cathédrale Notre-Dame. Le combat de l’éléphant avec le rhinocéros évoque la lutte entre le Bien et le Mal, la nature corrompue par le péché.
La collection de Bernard Blondeel comprend aussi des tapisseries françaises des manufactures de Beauvais et des Gobelins. L’Audience de l’Empereur (340 x 455 cm), tissée à Beauvais à la fin du XVIIe siècle ou au début du XVIIIe, appartient à la série de l’histoire de l’Empereur de Chine.
L’ambassadeur du roi de Siam
Ce thème exotique connut un franc succès à partir de 1684, date à laquelle le roi de Siam, Phra Narai, envoya une ambassade à Versailles qui séduisit beaucoup la cour. Quelque temps plus tard, Louis XIV envoya à son tour une ambassade au Siam accompagnée de frères jésuites. Cette pièce, en partie dessinée par Jean-Baptiste Monnoyer, montre l’Empereur assis sous un impressionnant dais rouge et or, quatre visiteurs agenouillés devant lui. D’autres versions de ce thème sont conservées au Metropolitan Museum à New York, au Musée national à Compiègne et à l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Moins exotique est cette tapisserie des Gobelins datée de 1770, Les Semailles, qui fut offerte par Louis XV à l’archevêque de Turin à l’occasion du mariage du comte d’Artois et de Marie-Thérèse de Savoie. Cette tenture en laine et soie appartient à la série des Mois de Lucas, représentant chacune un mois de l’année associé à un signe zodiacal. La suite ayant été brûlée en 1797, elle fut copiée sur la série bruxelloise.
- Guy Delmarcel, La Tapisserie flamande, Tielt, éditions Lannoo, 1999.
- Guy Delmarcel, Los Honores. Flemisch tapestries for the Emperor Charles V, SDZ Pandora, 2000.
- Fabienne Joubert, Amaury Lefébure, Pascal-François Bertrand, L’Histoire de la tapisserie en Europe du Moyen Âge à nos jours, Paris, Flammarion, 1995.
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Au royaume de la lice, des Flandres au Bassin parisien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°127 du 11 mai 2001, avec le titre suivant : Au royaume de la lice, des Flandres au Bassin parisien