Organisé du 5 au 8 mars, l’Armory Show a accusé un net ralentissement dans les transactions.
NEW YORK - Par comparaison au vernissage sinistre de la foire de l’Art Dealers Association of America (ADAA) deux semaines plus tôt, l’inauguration de l’Armory Show, à New York le 4 mars, semblait incroyablement animée. Mais l’énergie restait de surface tant les affaires étaient dilatées et la qualité en berne.
L’extension de la foire au secteur moderne tournait au bric-à-brac au point que l’on s’interrogeait sur la notion même de moderne. Qu’y a-t-il de commun entre un stand aussi exceptionnel que celui d’Edelman Arts (New York), dominé par un Robert Morris en plomb de 1964, et la batterie de mauvaises pièces de Julian Opie chez Alan Cristea (Londres) ? Le sens faisait décidément défaut à ce salon tiraillé entre plusieurs directions. Or c’est bien du sens que cherchaient les collectionneurs désorientés ou ankylosés. D’une certaine façon, l’Armory Show fut une métaphore du désarroi ambiant. Idem pour sa foire off officielle, VOLTA, au sous-titre éloquent : « L’âge de l’anxiété ».
Nous sommes en tout cas à l’âge du questionnement, comme le montre le néon de Joseph Kosuth, And what, for example, am I now seeing ? (Et qu’est-ce qui, maintenant, se présente à mes yeux ?), exposé par Lia Rumma (Milan). La réponse était donnée incidemment chez Yvon Lambert (Paris, New York) avec les boîtes cartonnées de Stefan Brüggemann sur lesquelles on pouvait lire « Nothing » (Rien). Une certaine nostalgie était diffuse, perceptible dans le titre de cette œuvre d’Allen Ruppersberg chez Greengrassi (Londres) : « As the crow flies or how I miss the avant-garde » (Quand le corbeau vole, ou comme l’avant-garde me manque). Ce regret du bon vieux temps a fait sortir du placard quelques artistes d’âge canonique. Hauser & Wirth (Zurich, Londres) a ainsi vendu d’emblée plusieurs pièces d’un vénérable octogénaire, Hans Josephsohn. Tandis que certains galeristes tentaient d’établir avec leurs clients un nouveau mode d’échange, fondé sur la dérision. Ce fut le cas de Massimo De Carlo (Milan) avec Everyone is broke (Tout le monde est fauché), sentence gravée dans un marbre cassé par Elmgreen & Dragset. L’ironie de Paola Pivi fut payante pour son galeriste parisien Emmanuel Perrotin. Celui-ci a rapidement vendu le néon Stop the complaint, we just bought it (Cessez de vous plaindre, nous venons de l’acheter).
« Je n’en ai pas besoin »
Excepté quelques marchands comme Andrée Sfeir-Semler (Hambourg, Beyrouth), Mehdi Chouakri (Berlin) ou Praz-Delavallade (Paris), rares ont été les exposants à avoir joué sur l’élégance ou la consistance. Et pourtant aujourd’hui plus que jamais, seul l’effort paye. Frank Elbaz (Paris) a ainsi cédé l’exposition monographique de Gyan Panchal au collectionneur et lobbyiste de Washington Tony Podesta. Hervé Loevenbruck (Paris) a lui vendu une installation de Børre Sæthre au collectionneur du Kentucky Steve Wilson.
Sans être inexistantes, les transactions furent globalement poussives. « On nous demande des réductions de prix de 35 %. Toute la société américaine est tournée autour de l’argent et elle est touchée au cœur avec la crise », remarquait le galeriste bruxellois Edmond Francey. Comme nombre de ses confrères, celui-ci n’est pas rentré dans ses frais. « Habituellement, on vend à 90 % à des New-yorkais, confiait pour sa part Glenn Scott Wright, directeur de la galerie Victoria Miro (Londres). Cette année, à part deux œuvres, on a tout vendu en dehors des États-Unis. » Moralité ? « Les Américains sont passés de l’ère du “je le veux” à celle du “je n’en ai pas besoin” », concluait Silvia Karman Cubiñá, directrice du Bass Museum of Art à Miami.
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Attentisme à l’américaine
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°299 du 20 mars 2009, avec le titre suivant : Attentisme à l’américaine