Le salon suisse se pose décidément en leader mondial, témoignant à nouveau,
lors de l’édition 2015, d’un commerce soutenu avec des prix en millions d’euros.
BALE - Certains voient la vie en rose et d’autres en orange. À l’image de Daniel Steegmann Mangrané, qui sur le stand d’Esther Schipper (Berlin) avait installé un espace autonome fermé par des parois transparentes de cette dernière couleur, manière de laisser le quotidien se regarder différemment, et dans lequel il était possible de confectionner du jus… d’orange. Mais d’autres l’ont plutôt vue en rose en effet, ainsi un grand nombre de galeristes présents lors de la 46e édition d’Art Basel, qui du 18 au 21 juin a rassemblé 284 galeries.
« Achats réfléchis »
Les participants ont tous décrit un commerce solide, avec pour beaucoup des débuts sans précipitation mais plutôt conduits avec réflexion. Selon Niklas Svennung chez Chantal Crousel (Paris), les comportements des collectionneurs tendent à se modifier : « Les deux premiers jours ont été très intenses, mais les gens se sont renseignés avant, ils ont préparé leur foire, ce qui nous confronte à des achats réfléchis et non à des choix inattendus. Les achats “coup de cœur” sur des découvertes viennent désormais plutôt dans la deuxième moitié de la semaine », relevait-il ainsi. La galerie a notamment cédé des œuvres de Jean-Luc Moulène, de Danh Vo ou d’Heimo Zobernig, des artistes qui bénéficient tous actuellement d’une visibilité, à Venise notamment, ce qui une fois encore dénote une forme de suivisme chez certains amateurs.
Les prix eux aussi ont été solides, la foire bâloise reste l’un des rares endroits où des œuvres se cèdent à des prix très élevés. Une magnifique toile de Joan Mitchell datée de 1957 proposée à 6 millions de dollars (5,2 millions d’euros) chez Cheim & Read (New York) ? Vendue ! Un très beau et minimal Christopher Wool de 1989 affiché 3,5 millions d’euros chez Almine Rech (Paris) ? Vendu également ! La liste serait longue… Wool, omniprésent sur le salon, chez sa galerie Luhring Augustine (New York) bien entendu, mais chez bien d’autres également, démontre que la spéculation autour de certains noms très en vue continue de nourrir un second marché en pleine forme, alimenté par des collectionneurs se séparant de pièces en échange desquelles ils espèrent tirer une confortable plus-value.
Les découvertes sont de moins en moins au rendez-vous à Art Basel, hormis sur le secteur « Statements ». Comme à l’accoutumée, celui-ci s’est révélé très inégal avec de nombreux ratages mais aussi quelques réussites, à l’exemple de Mathieu K. Abonnenc chez Marcelle Alix (Paris), stand lauréat du prix La Bâloise, ou de Zhao Zhao chez Platform China (Pékin). Saillante était d’ailleurs la présence d’une clientèle asiatique, plus visible en nombre mais aussi plus audacieuse qu’auparavant, démontrant là un manifeste « effet Hongkong » : « Ils sont moins timides, font des recherches et tentent de connecter les choses entre elles », pointait un marchand.
D’un point de vue qualitatif, le niveau global, chez les plus contemporains situés à l’étage, a manifestement gravi un nouvel échelon, tant dans les pièces proposées que dans la manière de construire les stands, et rares étaient encore les vilains accrochages à touche-touche. Ainsi chez BQ (Berlin) le stand a-t-il été conçu par Matti Braun, qui avait recouvert sol et cimaises d’une toile de jute. Codirectrice de la galerie, Yvonne Quirmbach évoquait ainsi une « atmosphère » : « J’ai vu beaucoup de jolis stands, ce qui rend intéressant de travailler dans ce contexte et crée aussi une certaine émulation. » « C’est compliqué de garder sa place ici. Tout le monde a peur et fait des efforts », renchérissait pour sa part la fondatrice d’une grosse enseigne. Une attitude que certains se croient peut-être fondés à ignorer, à l’instar de Gagosian (New York) dont le stand surchargé enchaînant les œuvres sans la moindre subtilité aucune était navrant.
« Unlimited », édition pour une fois réussie
Une fois n’est pas coutume, « Unlimited » a fait plutôt bonne impression. Cela à condition de passer sur l’ennuyeuse performance de Julius von Bismarck faisant son lit ou lisant installé dans une parabole en rotation, à 200 000 dollars tout de même pour un artiste peu connu (Marlborough, New York). À condition encore d’ignorer la grotesque sculpture en roues de bicyclette par Ai Weiwei (Continua, San Gimignano) comme la curieuse réadaptation en version trois écrans – pour faire art contemporain ? – du film de Kenneth Anger Inauguration of the Pleasure Dome (1954) (Sprüth Magers, Berlin). De belles œuvres étaient alors à découvrir, de Martin Boyce (The Modern Institute, Glasgow ; Eva Presenhuber, Zürich), Marcia Hafif (Fergus McCaffrey, New York) Gianni Colombo (A Arte Invernizzi, Milan), sans oublier l’enthousiasmante ligne d’horizon créée par Hans-Peter Feldmann à l’aide de croûtes acquises aux puces (Mehdi Chouakri, Berlin ; Massimo Minini, Brescia). Une œuvre qui permettait de prendre une bienvenue hauteur de vue.
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Art Basel en très grande forme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°439 du 3 juillet 2015, avec le titre suivant : Art Basel en très grande forme