L’art asiatique est à la mode. Poussés par la reprise économique, les acheteurs se font nombreux et des vocations de collectionneurs naissent. A l’étranger, on l’a compris depuis longtemps : deux Asian Week se déroulent chaque année à Londres (novembre et juin) et une à New York (avril). Ces deux capitales sont devenues la plaque tournante du commerce de l’art d’Asie. Paris a longtemps fait pâle figure. Mais, depuis 1998, à la demande des conservateurs du Musée Guimet, deux marchands parisiens, Christian Deydier et Jacques Barrère, organisent un Automne asiatique. En poussant la porte des grands marchands, le public apprend à se repérer dans un domaine très éloigné de la culture occidentale. « Il était urgent, dit Antoine Barrère, de faire bouger les choses, de former et d’informer les acheteurs et de moraliser le marché ». Moraliser ? Le terme n’est pas trop fort car en matière d’archéologie, un secteur en plein essor, la marchandise est importée de Hong-Kong par containers entiers. En provenance de Chine populaire, elle arrive dans l’ancienne colonie britannique avec le tampon de la douane chinoise et la quitte en toute légalité. Or on y trouve le meilleur et le pire. De 1945 au milieu des années 80, rien ne sortait de l’Empire du Milieu, le marché étant alimenté par les collections anciennes réunies avant guerre. L’archéologie chinoise était alors extrêmement chère.
Ces dernières années, les fouilles ont permis d’exhumer un nombre important de pièces et les prix ont chuté à l’exception, bien sûr, des chefs-d’œuvre réservés à quelques happy few. L’acheteur modeste a désormais ses chances mais risque fort d’être grugé. « Il existe plusieurs sortes de faux, explique Christian Deydier. Les copies récentes, certaines d’une rare perfection, les objets recomposés à partir d’éléments anciens que plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires, séparent et les terres cuites naturelles savamment et tout récemment polychromées ». Les anomalies stylistiques sont alors évidentes pour le professionnel. Pour le particulier, il en va tout autrement. Côté galeries, il faut donc éviter les marchands généralistes, conseille Christian Deydier. « Ils proposent des chevaux Tang, des dames de cour Han à des prix attractifs, 10 ou 20 000 F. Or il s’agit souvent d’une pacotille de bazar vendue comme authentique. Ces professionnels ne sont pas toujours complices, assure-t-il, parfois seulement incompétents ». Côté enchères aussi la prudence est de mise. Des dispersions organisées par de soi-disant experts sont de véritables scandales. Comment savoir ? Tout simplement en observant la composition de la vente. « Si elle comporte uniquement des pièces d’archéologie, explique Antoine Barrère, elle risque fort d’être montée, l’expert et le vendeur étant quelquefois une seule et même personne, laquelle disparaît sitôt l’affaire terminée, laissant l’acheteur sans recours ». Des noms ? Christian Deydier et Antoine Barrère n’en donneront pas. En revanche, en cas de doute, ils suggèrent de s’adresser à des experts spécialisés indiscutables : Thierry Portier ou Guy Raindre, par exemple.Malgré ces mises en garde, la partie n’est pas perdue. Chez les spécialistes de l’art d’Asie, on peut trouver des objets abordables. Aux alentours
de 50 000 F, il y a de belles terres cuites Han, Tang ou Weï. Chez Deydier, une petite vache Han est étiquetée à 10 000 F. Les deux marchands ne manquent pas de projets. Ils voudraient à l’avenir sélectionner avec encore plus de rigueur les exposants de l’Automne asiatique. D’après eux, certains ont montré des objets de qualité inégale. Ils voudraient aussi voir les galeries d’art japonais se joindre au mouvement. Leur but ? Faire de Paris, qui possède avec Guimet le plus beau musée du monde, le phare culturel et marchand d’un art en pleine ascension.
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Art asiatique : pour le pire et le meilleur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°523 du 1 février 2001, avec le titre suivant : Art asiatique : pour le pire et le meilleur