Marquée par l’absence de véritables découvertes, la foire new-yorkaise a offert une atmosphère assagie et professionnelle.
NEW YORK - C’est assurément la clarté et la lisibilité qui marquent la dernière édition de l’Armory Show, qui s’est déroulée du 9 au 13 mars à New York. L’aspect brouillon et désordonné des précédentes années s’est estompé. Sans doute est-ce là le résultat d’une politique de réduction des effectifs, puisque 154 galeries ont été admises en 2006 contre 162 en 2005 et 189 en 2004. C’est aussi le gage d’un accueil plus professionnel, nécessaire pour résister aux États-Unis face au rouleau compresseur d’Art Basel Miami Beach.
Car pour une foire, être située à New York ne fait pas tout : pour pouvoir maintenir une force d’attraction suffisante envers les galeristes comme vis-à-vis des collectionneurs, des conditions d’accueil optimales sont devenues indispensables, outre la proposition d’œuvres de qualité. De ce point de vue, aucune révolution n’a été constatée, avec un niveau général moyen et peu de choses émergeant. Preuve que la multiplication des foires ne permet pas aux galeries de s’approvisionner constamment à niveau égal auprès des artistes qu’elles défendent.
Très activement recherchées, aux dires de plusieurs marchands qui, dès les premières heures d’ouverture, confirmaient l’intérêt des acheteurs, les pièces de grandes dimensions semblaient plus nombreuses cette année. Ce qui n’en faisait pas forcément de grandes œuvres. Alors que plusieurs galeries ont proposé des peintures récentes et peu trépidantes d’Alex Katz, Monica de Cardenas (Milan) a tiré son épingle du jeu avec un excellent Lincolnville, Labor Day de 1992, long de plus de 3 m, proposé à 600 000 dollars (504 000 euros). Exercice difficile dans une foire, Continua (San Gimignano, Pékin) a réussi à intégrer à son stand une petite installation avec miroirs de Daniel Buren (In situ, 2006).
Alors que la vidéo semble toujours en régression, on remarquait la présentation en grand format du Park (2002) d’Aernout Mik par The Project (New York), et l’hilarante mise en scène de Kalup Linzy chez Taxter & Spengemann (New York), où un duo formé par deux hommes très musclés entonne des refrains populaires avec des voix de faussets.
Côté français, deux approches contrastées se sont distinguées. Des galeries parisiennes telles Art : Concept (avec Richard Fauguet et Vidya Galtasdon), Frank Elbaz (Audrey Nervi, Marcelline Delbecq…) ou Chez Valentin (avec Mathieu Mercier ou Étienne Bossut), ont mis très nettement en avant leurs artistes français. Tandis qu’Emmanuel Perrotin, Praz-Delavallade, Nathalie Obadia ou Almine Rech (avec une sculpture intéressante de l’artiste portugais Miguel Palma), ont préféré jouer la carte de l’international.
Pause contemplative
L’absence de véritables découvertes constitue la principale source de frustration pour un salon se revendiquant comme celui du « new art ». Peut-on y voir un effet pervers d’institutionnalisation de la foire, qui tend à provoquer une unification des genres et, surtout, pousse à une réduction des risques afin d’amortir les coûts ? On pouvait toutefois relever les intéressants collages sur papier jauni de Dash Snow (entre 1 800 et 3 000 dollars) chez Rivington Arms (New York) et le parquet peint et mélaminé de Robert Melee, disponible pour 3 000 dollars le mètre carré chez Andrew Kreps (New York). Du sculpteur et musicien grec Athanasios Argianas, The Breeder (Athènes) présentait une étonnante combinaison d’un trépied en métal et d’une galette de vinyle décomposée. Chez Greene Naftali (New York), la collaboration entre Wade Guyton et Kelley Walker (sous l’identité Guyton/Walker) confirme sa fine efficacité sémantique, avec un Coconut Chandelier (2006) percutant d’un humour inédit.
Contexte commercial oblige, si certains stands ont frôlé la saturation, peu offraient en tout cas la sobre élégance de celui de Franco Noero (Turin). Délaissant le déballage mercantile, ce dernier a radicalisé sa présence avec un accrochage on ne peut plus dépouillé : une sculpture de Tom Burr, un tableau de Francesco Vezzoli et un fascinant mur où Steven Shearer a rassemblé, en une seule œuvre essentielle, quatre-vingt-dix cadres livrant comme une quintessence de son travail (Faces Inside of Me (Scrop #3), 2006, proposé pour 25 000 dollars). Tout aussi rare et réussi, le solo show du jeune peintre lituanien Janis Avotins chez IBID Projects (Londres, Vilnius), avec des œuvres oscillant entre 5 000 et 20 000 dollars, a offert une pause contemplative dans le tumulte.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Armory Show, l’âge de raison
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°233 du 17 mars 2006, avec le titre suivant : Armory Show, l’âge de raison