Entretien

Adriana Friedman, directrice de la galerie DeLorenzo à New York spécialisée dans le mobilier Art déco

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 22 septembre 2006 - 656 mots

 Comment voyez-vous évoluer le marché des arts décoratifs du XXe siècle ?
Depuis cinq ans, c’est l’escalade des prix. Il devient de plus en plus difficile de trouver des pièces de qualité musée qui sont disputées autant par les marchands, les maisons de ventes que par les collectionneurs. Je constate également que les musées ont une influence majeure sur le marché haussier de l’Art déco. En juin 2004 par exemple, au moment de l’exposition « Ruhlmann, génie de l’Art déco » au Metropolitan Museum of Art à New York, étaient présentées deux grandes lampes de table de Ruhlmann, en bronze argenté avec leurs abat-jour à rideaux de perles de verre. Dans le même temps, Christie’s proposait une lampe de ce même modèle dans sa vente du 15 juin 2004 à New York. Nous l’avons achetée 420 000 dollars (330 000 euros) alors que nous pensions l’emporter pour environ 200 000 dollars. Dans la même vacation, nous nous sommes portés acquéreurs de la chaise Gonse de Ruhlmann pour 250 000 dollars, d’une paire de tabourets de Pierre Legrain pour 900 000 dollars et des fauteuils aux poissons en bronze, créés par Rateau pour la piscine de George et Florence Blumenthal à New York, pour 970 000 dollars. Au final, nous avons dépensé bien plus que nous ne l’avions imaginé. Nous avons, depuis, revendu toutes ces pièces, à l’exception des fauteuils de Rateau dont un autre exemplaire de la collection Dray est parti pour 1 580 000 euros le 8 juin à Paris chez Christie’s.

En quoi la vente de la collection Dray était-elle un événement sur le marché international de l’Art déco ?
Après de nombreuses années de collection, M. et Me Dray ont pu réunir un nombre considérable de pièces majeures ainsi que des œuvres très décoratives de qualité intermédiaire. On n’avait pas vu depuis longtemps un ensemble aussi prestigieux aux enchères. L’importance des lots majeurs de la collection Dray nous a tous séduits, y compris les collectionneurs qui n’avaient pas été actifs ces six-huit dernières années. Cette vente a élevé le marché de l’Art déco à un nouveau niveau de prix. Nous sommes ravis d’y avoir acheté quelques pièces importantes, notamment la commode en galuchat vert par André Groult adjugée 1 244 000 euros. Et dans cette même vente, nous avons aussi conseillé des clients à l’achat.

Avez-vous une activité très soutenue en galerie à New York ?
Les affaires ont marché très fort en 2005 et cela continue en 2006. Nos ventes progressent régulièrement de 20 % chaque année depuis cinq ans. En août 2005, nous avons vendu le cabinet Donkey & Hedgehog de Ruhlmann à un prix jamais atteint pour un meuble de ce décorateur. Ce cabinet avait été prêté au Victoria & Albert Museum, à Londres, en 2003 dans le cadre de l’exposition « Art déco 1910-1939 ». Le musée avait recréé le salon Ruhlmann tel qu’il était dans l’exposition de 1925 et ce meuble en était la pièce phare. C’est un autre exemple de l’influence des institutions sur le marché.

Pensez-vous que Paris soit un centre important pour le marché de l’Art déco ?
Oui, il est très fort. Les marchands et collectionneurs français sont de tenaces enchérisseurs dans les ventes et sont tout aussi efficaces pour les transactions privées. L’Art déco est également bien défendu par les galeries à la Biennale des antiquaires de Paris où ce secteur a une place significative.
La réouverture à Paris du Musée des arts décoratifs va-t-elle dans ce sens ?
Absolument. Je pense que cette réouverture aura une influence non négligeable sur le marché, non seulement auprès des marchands et des collectionneurs, mais aussi sur le public en général. Les collections d’Art déco de ce musée sont importantes et concernent les plus grands designers de la période. Je sais que beaucoup de nos clients étaient impatients de le visiter. Personnellement, je me réjouis de redécouvrir l’appartement privé que Rateau a réalisé pour Jeanne Lanvin.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°243 du 22 septembre 2006, avec le titre suivant : Adriana Friedman, directrice de la galerie DeLorenzo à New York spécialisée dans le mobilier Art déco

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