L’avocat général de la Cour de justice des Communautés européennes s’est prononcé pour la diversité culturelle des enchères.
Le premier avocat général de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a déposé le 23 mars 2006 des conclusions sur une question préjudicielle de la cour d’appel de Paris visant à l’éclairer dans un litige entre un ressortissant britannique et le Conseil des ventes volontaires.
Le détail des questions posées par la cour d’appel de Paris et les réponses de l’avocat général sont repris ci-dessous.
Dans ces conclusions, l’avocat général analyse la situation française, son histoire, et détaille les activités et missions du commissaire-priseur en France, pour, in fine, considérer que les garde-fous de la loi de réforme et de ses textes d’application sont conformes aux règles européennes en vigueur.
Une profession juridique
Parmi ses longs développements – vingt et une pages –, les conclusions les plus significatives sont peut-être celles consacrées aux missions du commissaire-priseur, justifiant selon l’avocat général son inclusion parmi les professions juridiques : « Il résulte des pièces du dossier que le directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques conseille et assiste chacune des parties contractantes, à savoir l’acheteur et le vendeur. Il lui appartient notamment d’informer les parties de l’état du droit en ce qui concerne la protection des biens culturels. En outre, il doit informer le vendeur sur les problèmes juridiques qui sont susceptibles de se poser relativement à l’origine du bien. S’ajoute à cela une obligation de renseignement sur le droit de la propriété intellectuelle, sur le droit fiscal, en particulier en ce qui concerne la TVA, ainsi que sur le droit des assurances sous l’angle du transport du bien.
En ce qui concerne la vente aux enchères, le directeur est tenu d’expliquer les questions juridiques relatives au droit de préemption de l’État, d’organiser la vente à défaut de paiement par l’adjudicataire et de dresser le procès-verbal de la vente aux enchères, lequel a des effets juridiques. »
L’importance de la partie juridique de l’activité en cause, que nous venons de mettre en exergue, se traduit par le placement de cette profession, selon l’article 56 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 au rang des « professions juridiques ».
De ces observations, l’avocat général déduit qu’il considère « comme exagéré le reproche fait à la France d’avoir qualifié, de manière contraire au droit communautaire, la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, de “profession impliquant la fourniture de conseils juridiques” à l’occasion de la transposition de la directive et d’avoir ainsi fait une utilisation abusive de la disposition dérogatoire ».
Enracinée dans une histoire garantie par les directives
Dans des termes qui raviront les professionnels français car, au-delà des questions posées, ils légitiment une réforme complexe dont la conformité aux principes communautaires était présumée, l’avocat général valide les exceptions tirées de l’histoire et de la culture :« D’autre part, il convient de bien garder à l’esprit l’objectif réel de ces directives, qui n’est pas, contrairement à ce qui est le cas pour de nombreuses directives sectorielles, d’harmoniser les législations nationales en matière d’organisation des professions, mais de garantir une reconnaissance mutuelle des diplômes. Cette reconnaissance est bien entendu subordonnée à certaines conditions lorsque les formations nationales diffèrent et que cette différence influe sur l’exercice de la profession dans l’État membre d’accueil. Les directives garantissent en outre le respect du système juridique de chaque État membre qui présente souvent – comme c’est ici le cas pour la France – de fortes particularités historiques et culturelles. Comme les directives donnent à tout État membre le droit de définir les activités relevant de chaque profession, il serait contraire à l’objectif des directives de comparer la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques à des professions similaires existant dans d’autres États membres pour en faire, aux fins du droit communautaire, une profession unique de commissaire-priseur qui servirait de référence aux professions nationales analogues. »
« La disposition française litigieuse concernant la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques s’est développée historiquement et juridiquement comme une partie particulière et autonome du droit français de l’organisation des professions et doit être acceptée en tant que telle. »
Certes, les avis des avocats généraux ne lient pas la Cour de justice, mais ils donnent sans doute une vision assez claire des orientations.
Si la Cour de justice des Communautés européennes reprend cette argumentation, il s’agira d’une consolidation importante du dispositif français, qui obtiendra d’une certaine façon un label de conformité communautaire, lequel, à l’origine, n’allait pas de soi. Restera aux intéressés à se mettre systématiquement à la hauteur des vastes missions que les plus éminents juristes européens leur octroient. Le rôle du Conseil des ventes s’en trouvera conforté en tant que certificateur de ces compétences et contrôleur de leur exercice.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°241 du 7 juillet 2006, avec le titre suivant : Adoubement européen