PARIS
C’est par sa production des années 1980 que la Galerie Templon entend rendre hommage au peintre italien Valerio Adami.
Paris. Intitulée « Les années 80 », l’exposition de Valerio Adami (né en 1935) fait immédiatement se poser deux questions : 1) Pourquoi montrer cette période-là plutôt que des œuvres récentes ? 2) Quelle est l’évolution de l’artiste entre la décennie évoquée et ce qu’il fait aujourd’hui ? À la première question, Anne-Claudie Coric, la directrice générale de la Galerie Templon répond que « depuis que nous avons ouvert notre deuxième espace, nous avons la volonté de donner un peu de profondeur historique à la création contemporaine et de créer un lien entre les générations. Prune Noury étant actuellement présentée dans la galerie de la rue du Grenier Saint-Lazare, nous avons eu envie de faire un bond en arrière et de montrer cette période comme nous l’avons fait il y a quelque temps avec Anthony Caro, Jules Olitski ou Robert Motherwell. » Elle ajoute en outre que « l’on croit bien connaître cette époque de la création d’Adami alors qu’on ne la connaît pas vraiment ». Ce qui est à la fois vrai et faux. Vrai, parce que cela fait effectivement plus de trente ans que ces œuvres n’ont pas fait l’objet d’un tel regroupement. Faux, parce que c’est précisément le moment où Valerio Adami se voit commander les fresques de la gare d’Austerlitz, ainsi que du Théâtre du Châtelet (toujours visibles) et qu’il se voit consacré par une exposition, en 1985, au Centre Pompidou.
Pas de quoi passer inaperçu. Mais qu’importe : sur les murs, l’ensemble est d’une grande qualité et révèle que les dix toiles ici réunies n’ont pas pris une ride. On pourrait même les croire plus récentes ! Cela répond d’ailleurs, en partie, à la seconde question. Non, la peinture de Valerio Adami n’a pas vraiment changé. D’ailleurs, pourquoi l’aurait-il souhaité, tant il affirme là une écriture forte depuis déjà de longues années et précisément depuis la fin des années 1970, où il s’est libéré de sa période Figuration Narrative.
La différence la plus frappante avec sa production actuelle se situe sans doute dans la plus grande densité aujourd’hui des lignes et des figures. Mais peut-être faut-il y voir tout simplement le fait que dans les années 1980, avec ses importantes commandes, Adami s’habitue aux grands espaces et aux vastes aplats. Ceux que l’on retrouve ici dans de nombreuses toiles, elles-mêmes de grandes dimensions, et notamment avec des lignes d’horizons lointaines et des surfaces de ciels importantes, qui plus est de couleurs inattendues, comme ces jaunes très marqués dans plusieurs toiles. « Si je fais ainsi des ciels en jaune, c’est parce que pour moi, c’est une couleur plus tragique qu’un ciel bleu azur. Il y a, en effet, quelque chose dans mon travail qui repose sur une conception tragique des choses. Avec toujours le corps comme point de départ », indique l’artiste. L’Ascension (de 1985) en est un bel exemple : un ciel jaune, un personnage de dos avec un sac chargé d’un temple grec (la tragédie…) s’apprêtant à gravir au loin une montagne. « La distance entre les ciels, l’arrière-plan et les figures est indispensable pour que la toile ne ramène pas tout au premier plan. » Et la montagne, le mont Cervin, correspond à la vue qu’il a de son atelier à Meina sur le lac Majeur, en Italie. « Mes tableaux sont des détails de mon autobiographie », rappelle Adami. D’où la présence dans trois d’entre eux de la figure de la barque, elle aussi en rapport avec celles du lac devant chez lui.
Dans toutes les œuvres, on retrouve évidemment ce trait, cette ligne noire, si caractéristique de son écriture, véritable image de marque, qui lui permet de définir ses figures et, en même temps, de les imbriquer les unes dans les autres, tantôt de façon simple, tantôt de façon volontairement plus complexe, entre puzzle et rébus. Cette fameuse ligne – qu’on pourrait appeler « la ligne Adami », qui lui permet de cerner les plages destinées à étaler la couleur, toujours en aplat. « Tout part du point qui devient ligne et revient au point, ce qui est une conception complètement différente, en peinture, entre une forme close et une forme ouverte », précise l’artiste. Une ligne qui lui permet ces rimes formelles, notamment la rime de la courbe, à l’exemple, encore dans L’Ascension, du sac rond et des cercles de roues. Sans parler, bien sûr, des compositions et rythmes savamment étudiés des courbes des corps.
Entre 100 000 et 130 000 euros, les prix, eux, ne riment pas avec bon marché. Mais ils se justifient, d’une part, par l’importante taille des œuvres (195 x 265 cm, par exemple) ; d’autre part, par leur pedigree puisqu’elles ont, pour la plupart, été exposées dans d’importantes rétrospectives muséales et proviennent de belles collections. Enfin, ce type de toiles est rare sur le marché. Plusieurs d’entre elles ne sont d’ailleurs ici pas à vendre, issues de collections privées ou de celle de l’artiste. Une cote élevée donc, mais qui n’a rien d’extravagant, comparée à celles d’autres artistes, allemands ou américains, par exemple, de la même génération, voire de plus jeunes.
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Adami en lac majeur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°530 du 4 octobre 2019, avec le titre suivant : Adami en lac majeur