Gerhard Richter est aujourd’hui l’artiste vivant le plus cher du monde, un statut confirmé et consacré par la rétrospective actuellement présentée au Metropolitan Museum of Art de New York. Cet engouement ne doit rien au hasard.
LONDRES (de notre correspondant) - La cote de l’œuvre de Gerhard Richter a connu un essor fulgurant depuis qu’il est arrivé en Allemagne de l’Ouest en 1961. Elle a depuis augmenté sans discontinuité, tout d’abord lentement, avant d’effectuer un véritable bond à la fin des années 1990. Aujourd’hui, une œuvre majeure peut valoir 10 millions d’euros. Le MoMA a lui-même dépensé 17 millions d’euros pour l’acquisition de la série October. Gerhard Richter, qui vient tout juste d’avoir soixante-dix ans, a été l’un des peintres officiels du réalisme socialiste en Allemagne de l’Est, jusqu’en 1961, année où il a décidé de passer à l’Ouest, juste avant la construction du Mur. Il s’est ensuite inscrit à la Kuntsakademie de Düsseldorf où il a peint des photographies en noir et blanc, floues, tout droit sorties d’un album de famille. Son arrivée a coïncidé avec l’engouement dans l’Allemagne du début des années 1960 pour le Pop’ Art. Et très vite, il a été perçu comme le nouvel artiste pop allemand. Pourtant, à l’époque, ses prix restent extrêmement bas. En 1966, il peint un portrait du docteur Zander, un gynécologue allemand, pour seulement l’équivalent de 570 euros. Ce tableau s’est vendu 5,6 millions d’euros en novembre 2000. Au début des années 1970, il commence sa série sur les nuanciers de couleurs. L’une de ses premières œuvres à passer en vente publique est une pièce de 1972, Rouge-jaune-bleu, chez Finarte. Elle atteint 4 400 euros. La même année, Gerhard Richter représente l’Allemagne à la Biennale de Venise.
Reinhard Onnasch lui offre sa première exposition personnelle à New York en 1973 et Durand-Dessert le présente à Paris en 1976. Aujourd’hui, Marian Goodman est son principal marchand aux États-Unis. Dans les années 1990, Gerhard Richter est resté anticonformiste : tandis que de nombreux artistes sont revenus à un art figuratif, il peint des œuvres abstraites. Dès 1987, le prix de ses œuvres augmente considérablement et un paysage se vend 130 000 euros chez Sotheby’s Londres.
Alors que le prix des œuvres de Baselitz ont chuté depuis leur pic des années 1990, et que les Kiefer ont tout juste réussi à se maintenir, la valeur des pièces de Richter a été multipliée par sept. La tendance à la baisse amorcée au début des années 1990 n’a pas eu de conséquence sur le prix des Richter et ses œuvres, qu’il s’agisse des bougies, des peintures en noir et blanc ou des portraits, se vendent facilement entre 325 000 et 815 000 euros.
La dernière forte augmentation de sa cote date de 1989, lorsque Seestück est vendu 2,85 millions d’euros, pour une estimation entre 911 000 et 1,37 million d’euros, établissant un nouveau record. L’année dernière, chez Sotheby’s, ce record a été pulvérisé une nouvelle fois avec 5,58 millions d’euros atteint par Trois bougies.
Deux facteurs influencent le marché : le premier, en Europe, n’est autre que le propriétaire de Christie’s, François Pinault ; le second est la ferveur manifestée par les collectionneurs de la Côte ouest américaine. Les bougies sont la cible privilégiée des acheteurs californiens. Selon Anthony Meier, marchand à San Francisco, “si Richter a tellement de succès, c’est tout d’abord parce qu’il fait de la peinture, et ensuite parce que son œuvre est imprégnée d’un attrait tactile, viscéral. En raison de cette qualité intemporelle, elle peut s’apparenter aux maîtres anciens aussi bien qu’à l’art plus contemporain”. Le marchand proposait une œuvre abstraite de 1977 au prix de 1,54 million d’euros à Tefaf Maastricht, pièce qui, il y a cinq ans à peine, n’aurait pas valu plus de la moitié de cette somme. Anthony Meier signale également la présence d’un autre élément : l’offre. Même si sa production s’est ralentie, Gerhard Richter a aujourd’hui soixante-dix ans. Il peut donc s’appuyer sur une vie longue et fructueuse. Autre facteur, la diversité de son œuvre : de l’abstrait au figuratif, de la couleur au noir et blanc, des pièces photographiques aux paysages de rêve. “Je dis à mes clients : votre premier Richter ne sera jamais le dernier”, explique de son côté la galeriste new-yorkaise Barbara Mathes.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
70 bougies pour Richter
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°146 du 5 avril 2002, avec le titre suivant : 70 bougies pour Richter