Où voir les artistes ? Comment se renseigner sur leur travail ? Où acheter leurs œuvres ? Qu’est-ce qu’un premier et un second marché ? À l’occasion de la Fiac, L’Œil vous donne quelques bons conseils pour bien démarrer sa propre collection.
Au moment où Paris devient la capitale mondiale de l’art, avec la tenue de la Fiac sous la verrière du Grand Palais et la multiplication de ses foires satellites dans la capitale, il peut vous prendre l’envie de commencer une collection. Pourtant, la prudence est de mise, car le marché de l’art est l’un des derniers non régulés. Les records obtenus par certaines œuvres cédées aux enchères génèrent les fantasmes les plus fous. Mais ces prix extravagants peuvent aussi intimider le néophyte alors que, dans les faits, une vente sur deux concerne des pièces d’une valeur inférieure à 1 000 euros et neuf lots sur dix s’adjugent en dessous de 5 000 euros. L’art contemporain, segment en pleine ébullition et ultra-médiatisé, déforme lui aussi la perception du marché, car il s’avère beaucoup plus spéculatif que les autres spécialités. Si, à la bourse, le délit d’initié est sanctionné, dans l’art c’est une vertu ou du moins un sport largement pratiqué. Quelle est la réalité du marché au-delà du cercle restreint des méga-collectionneurs et de la poignée d’artistes qu’ils s’arrachent aux quatre coins de la planète ? Avec l’aide de quelques éminents spécialistes, voici quelques clés pour mieux décoder un univers qui fait beaucoup parler de lui mais ne pèse, à l’échelle mondiale, que 48 milliards d’euros, presque dix fois moins que l’industrie du luxe.
Conseil n°1 : Voir, voir et voir
Avant de commencer à acheter quelque pièce que ce soit, mieux vaut exercer son œil et « apprendre à regarder », dixit Frédéric Morel. Cela va de la lecture du magasine L’œil à la visite d’expositions, en passant par la tournée des galeries le week-end ou en vacances. Pour les Parisiens, un atout : ces marchands sont regroupés essentiellement dans le Marais pour les plus anciennes et à Belleville pour les plus récentes, sans oublier les artères du 8e arrondissement proches de Christie’s et Sotheby’s, les grandes maisons de ventes aux enchères. Ces maisons, tout comme l’hôtel Drouot qui s’est doté d’un espace de prestige, le 12 Drouot, exposent avant leurs ventes importantes les œuvres qui seront prochainement mises aux enchères. Incontournables, les événements non commerciaux, comme le Salon de Montrouge ou les accrochages des écoles de beaux-arts pour découvrir de jeunes artistes qui n’ont jamais exposé ou, surtout, la Biennale de Lyon, une manifestation d’envergure qui essaime dans la capitale rhônalpine et propose à la fois des noms connus et des découvertes. Laurence Dreyfus recommande même de « ne pas hésiter à se déplacer en France et à l’étranger » et « de s’engager dans un rapport étroit avec la culture au sens large pour mieux comprendre notre époque ». D’autant plus que l’art contemporain est de plus en plus pluridisciplinaire, incluant des technologies variées, des performances live, etc.
Conseil n°2 : Les clubs d'amis des musées
Pour « se former » plus rapidement, il peut être également très utile de devenir membre d’un club d’amateurs d’art. Chaque musée a ses amis, on peut donc choisir le sien en fonction de ses centres d’intérêt : arts premiers, arts asiatiques, art moderne, art contemporain, arts décoratifs, etc.
Des lieux privés comme la Maison rouge ou des espaces sans collection propre comme le Palais de Tokyo sont très actifs et proposent à leurs centaines de membres, de nombreuses sorties, voyages, pour découvrir des ateliers d’artistes, des collectionneurs, des musées, dans des conditions privilégiées, ainsi que des rencontres avec des experts de haut vol, français ou étrangers. Rien de tel pour élargir son champ de vision, notamment à ce qui se passe à l’international. C’est aussi bien évidemment l’occasion d’échanger avec d’autres collectionneurs sur leurs expériences, leurs bonnes adresses, etc. Ce que Frédéric Morel recommande chaudement : lui-même fait partie d’Art Collector, un club lancé par Évelyne et Jacques Deret, d’autres « accros » à l’art qui invitent régulièrement des artistes à exposer au Patio Opéra. Au Palais de Tokyo, par exemple, il en coûte 100 euros par mois pour faire partie des amis, et cela donne accès à 4 à 8 rendez-vous mensuels.
Conseil n°3 : Distinguer les marchés
« Il est indispensable de bien comprendre le fonctionnement du marché et ses acteurs », souligne Frédéric Morel, conseiller en art. Les galeries constituent le premier marché. Elles vendent des œuvres originales des artistes qu’elles représentent. Les bonnes galeries sont les premières à découvrir de nouveaux talents et à prendre le risque de miser sur eux en achetant leurs œuvres. Elles font un travail de promotion, essayant de présenter leurs protégés aux collectionneurs, aux directeurs de musées ou de centres d’art qui, s’ils les exposent à leur tour, légitimeront leur travail. De plus en plus, les galeries participent à des foires : ce sont des manifestations commerciales rassemblant des dizaines d’entre elles, ce qui offre un large choix. Mais sur certaines, comme la Fiac, le coût du stand est très cher et cela renchérit le prix des pièces proposées. Autre art advisor reconnu, Laurence Dreyfus estime que « les foires sont d’excellents moyens de détecter les tendances du moment ». Les maisons de ventes aux enchères, quant à elles, sont des acteurs du second marché au sens où elles adjugent des œuvres en quelque sorte « d’occasion », dont les propriétaires décident de se séparer. Ces maisons empiètent de plus en plus sur le travail des galeries en organisant des expositions et des ventes privées qui mettent en rapport un acheteur et un vendeur en toute discrétion. La mise aux enchères au plus offrant est censée représenter le prix du marché à un moment donné. Il faut y ajouter les frais acheteurs qui peuvent représenter 25 % du prix marteau. Toujours sur le second marché, les Puces de Saint-Ouen constituent aussi un incontournable, mais « pas pour l’art contemporain », estime Laurence Dreyfus.
Conseil n°4 : S'entourer d'un conseiller
Pourquoi collectionner ? Êtes-vous amateur d’art ou souhaitez-vous investir dans l’art pour diversifier vos placements ? Dans le second cas, les recommandations d’un gestionnaire de patrimoine spécialisé peuvent vous faire gagner du temps. Dans le premier cas, ou encore si vous souhaitez à la fois assouvir une passion tout en espérant faire une plus-value, un « art advisor », conseiller en art, peut vous guider vers des artistes prometteurs, des galeries sérieuses, et la constitution d’une collection homogène. Généralement, la prestation comporte l’accompagnement sur le terrain et la négociation du prix. Ces conseillers ont en outre leurs entrées et peuvent ainsi vous permettre d’accéder, en avant-première, à certaines pièces.
Les tarifs vont de plusieurs centaines d’euros à plusieurs milliers d’euros la journée, auxquels s’ajoute un pourcentage dégressif sur les achats (10 à 20 %). Donc mieux vaut se renseigner au préalable pour être sûr de jouer dans la bonne cour. Ainsi Laurence Dreyfus travaille essentiellement pour des collectionneurs disposant d’un budget annuel de 100 000 à 200 000 euros. Dans tous les cas, Frédéric Morel recommande de « s’entourer de gens compétents et de créer des relations de confiance avec des professionnels du secteur ».
Conseil n°5 : S'informer sur l'artiste
Si un artiste vous intéresse, il est bon de s’informer sur son parcours. Un catalogue peut avoir été réalisé sur son travail par sa galerie ou parfois à l’occasion d’une vente aux enchères, d’une foire ou d’une exposition. Certaines œuvres sont plus majeures, plus fortes, que d’autres dans la globalité du travail d’un artiste. Mais il est vrai qu’une pièce peut aussi avoir une résonance particulière pour vous. Donc, de nouveau, il convient de s’interroger sur ses motivations. Là encore un conseiller en art peut vous aider à faire le distinguo entre une toile de qualité muséale et une autre avec laquelle on va se sentir tout simplement heureux. « Pour vivre avec une œuvre sur la durée, sans se lasser, il faut qu’elle tienne la route. Il ne faut pas se précipiter, se méfier du contexte dans lequel on achète et toujours rechercher les qualités intrinsèques d’une œuvre ou d’un artiste », souligne Katia Raymondaud, qui avait lancé un module spécialisé dans le conseil en art à l’Institut d’études supérieures des arts (IESA). « Il faut rechercher et sélectionner le meilleur du travail de l’artiste », renchérit Frédéric Morel. « Ne jamais acheter sans se renseigner sur la réputation du marchand », ajoute Laurence Dreyfus.
Conseil n°6 : Incontournable Internet
Pour s’informer sur les artistes et leur marché, Internet est devenu incontournable. Laurence Dreyfus recommande de « consulter tous les sites internet d’art. Artsy.net est particulièrement bien fait : c’est à la fois un réseau, un site d’information et de vente en ligne. » Le marché est mondialisé et il est de plus en plus facile d’acheter en ligne. Les adjudications des maisons de ventes, même en province, sont de plus en plus retransmises en direct sur la toile et on peut y participer. Christie’s fait même des ventes « on line only ». eBay, après s’être allié à la maison de ventes américaine Butterfield, collaborera à la fin de l’année avec Sotheby’s. Le canal Internet séduit un nombre croissant d’amateurs, surtout ceux que les salles de vente intimident. Les galeries elles aussi commercialisent des œuvres en ligne. Un site comme Artsper propose sur la toile une sélection d’œuvres de marchands partenaires. Certaines d’entre elles ne sont même présentes que sur Internet. Quant au site d’Interenchères, qui fédère une centaine de commissaires-priseurs, il retransmet un grand nombre de ventes live de manière ludique. Un bon moyen de s’initier, confortablement installé dans son fauteuil !
Conseil n°7 : Comprendre comment se forme une cote
Avant d’acheter, il est bon de regarder si l’artiste convoité est coté ou non. Pour cela, il existe des bases de données comme Artprice qui compilent les résultats de ventes aux enchères dans
le monde. Ce sont celles-ci qui permettent d’établir la cote d’un artiste. Bien sûr la cote est volatile, surtout dans l’art contemporain, plus spéculatif. Elle se construit au fil du temps et dépend des modes, des expositions consacrées à cet artiste, de sa médiatisation, de la concurrence éventuelle à laquelle se livrent des collectionneurs pour acquérir ses œuvres. « Dans l’art contemporain récent, on manque de recul pour garantir le moindre prix, ni même à dix ans. Je préfère ne pas parler d’investissement à propos d’art, plutôt d’amplificateur de vie ; et c’est une bonne surprise si, en plus, on gagne de l’argent », met en garde Katia Raymondaud. « Selon que l’achat est spéculatif ou patrimonial, on ne choisira pas les mêmes artistes. Dans le second cas, on misera sur des valeurs contemporaines sûres déjà acquises par des musées, dans le premier sur des artistes plus jeunes mais déjà repérés, on achète pas cher, on attend, on vend en moyenne deux ans après. » Quant à Frédéric Morel, il recommande de se donner du temps et de commencer par développer son goût en achetant des choses que l’on aime, à des prix accessibles.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
7 conseils pour réussir sa collection
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°673 du 1 novembre 2014, avec le titre suivant : 7 conseils pour réussir sa collection