Hans-Juergen Moesch, âgé de 42 ans, a quitté Baden-Baden il y vingt ans pour monter le Programme d’études de Sotheby’s à Londres. Depuis cinq ans, il œuvre dans les coulisses de la scène londonienne, conseillant collectionneurs et musées du monde entier sur l’art des XIXe et XXe siècles, principalement – mais pas exclusivement – allemand. Il commente la vente de Christie’s du 8 octobre.
LONDRES - En dépit de la morosité qui règne actuellement dans le monde financier et politique, et de la rumeur d’un recul imminent du marché de l’art, la vente monstre – plus de 250 lots – organisée à Londres par Christie’s, le 8 octobre, a totalisé près de 180 millions de francs. Une preuve éclatante que le marché de l’art allemand du XXe siècle fonctionne selon des règles et une dynamique qui lui sont propres.
Un marché des valeurs en crise et l’arrivée d’un nouveau gouvernement en Allemagne semblent avoir renforcé la motivation des enchérisseurs pour les œuvres de premier plan. La clientèle internationale qui se pressait dans la grande salle des ventes de Christie’s a démontré qu’en ces temps d’instabilité, les tableaux de qualité représentent le meilleur investissement. Les collectionneurs et marchands allemands s’étaient rendus à Londres avec la ferme intention d’acquérir l’une des œuvres expressionnistes, modernes ou abstraites de l’après-guerre que Christie’s avait rassemblées.
Les œuvres vedettes provenaient de la collection Hans Ravenborg. Parmi les tableaux modernes figuraient le chef-d’œuvre avant-gardiste d’Oskar Schlemmer, Grosse Sitzendengruppe (1931), une belle œuvre dadaïste de Max Ernst exécutée vers 1923, un Kandinsky peint à Murnau en 1909, ainsi que des peintures inédites du groupe Blaue Reiter provenant principalement de collections privées allemandes. Les héritiers de la légendaire collection Rothermundt, à Dresde, ont proposé à la vente une rareté : un paysage néo-impressionniste de Vassili Kandinsky dont on avait depuis longtemps perdu la trace. Mais également un somptueux paysage peint par Alexej von Jawlensky à Murnau vers 1910, acheté par un collectionneur de Düsseldorf dans les années cinquante, un très bel ensemble de petits formats de Gabrielle Munter, acquis auprès de l’artiste par un collectionneur suédois en 1923, lorsqu’elle vivait en Suède, et Hochzeitsreisenden (1908) de Lyonel Feininger, qui était conservée dans une collection privée à Heidelberg depuis les années vingt. Rote Rehe I (1910) de Franz Marc – marquant un tournant stylistique décisif dans l’œuvre de l’artiste – a autrefois appartenu à l’un des premiers grands collectionneurs américains de l’Expressionnisme allemand, Arthur Jerome Eddy (1859-1920), avocat à Chicago.
Plus avant-gardistes – elles ont introduit en Allemagne le Suprématisme/Constructivisme russe, au début des années vingt –, étaient également dispersées de rares œuvres d’El Lissitzky provenant du Musée de Mannheim et du Musée Folkwang d’Essen, des collages Proun et deux portfolios complets de gravures, Kenstnermappe et Sieg über die Sonne, exécutées par Lissitzky en Allemagne en 1923.
Avec des œuvres d’une telle qualité, le succès de la vente était assuré. Mais le climat d’incertitude économique actuel aurait pu empêcher le prodige de l’an dernier de se renouveler. En effet, la vente avait réalisé 52 millions de dollars (environ 312 millions de francs), le tableau de Gustav Klimt, Schloss Kammer am Attersee II, s’étant envolé à 23 millions de dollars. Après la vente, l’expert et commissaire-priseur Jussi Pylkkanen exprimait sa satisfaction : “Les résultats d’aujourd’hui confirment que la vente d’art allemand et autrichien de Christie’s est l’un des événements du calendrier international”.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
180 millions de francs pour l’art allemand du XXe
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°70 du 6 novembre 1998, avec le titre suivant : 180 millions de francs pour l’art allemand du XXe