PARIS [19.09.13] - Remis en mai 2013 à Aurélie Filippetti, le rapport d’Alain Seban, sur les moyens à mettre à œuvre pour une meilleure circulation des collections publiques a nourri quelques réflexions énoncées par la ministre lors de sa récente conférence. Si le directeur du Centre Pompidou préconise des opérations « hors les murs », il recommande surtout un redéploiement des collections publiques, malicieusement conditionné à un élargissement du public.
Il a fallu donc attendre la conférence de presse de la ministre de la Culture et de la Communication, sur le patrimoine, vendredi 13 septembre, au musée Guimet, pour connaître les propositions du rapport d’Alain Seban qu’il lui a remis en mai dernier.
Jusqu’ici, le contenu de ce rapport a été soigneusement tenu secret. Les institutions elles-mêmes sollicitées pour cette enquête l’ont découvert en même temps que les journalistes, ce qui n’a pas été sans en froisser certaines. Au cœur de ce rapport, et comme Alain Seban le souligne en introduction : « la nécessité des musées à sortir d’eux-mêmes et d’aller aux devants des Français qui ne vont jamais aux musées, soit environ un tiers de la population. »
Redéployer les collections nationales
Le rapport préconise en premier lieu « une véritable politique des dépôts des collections nationales », appelant à une « intervention renforcée de l’État ». Pour se faire, il propose « un redéploiement des dépôts, réalisé par vagues quinquennales successives », autrement dit une rotation des œuvres mises en dépôt plus rapide, une mobilité accrue afin « de répondre mieux aux besoins », mais surtout « de mettre un terme à des dépôts qui tendent à devenir permanent. » Aussi préconise-il d’« étoffer les missions de la commission de récolements des dépôts d’œuvres d’art » qu’il suggère de rebaptiser « Haut conseil des dépôts d’œuvres d’art. »
Ce Haut conseil pourrait ainsi se voir confier la centralisation des données sur les dépôts et les prêts, y compris celles qui lui échappent tels celles concernant le Musée national d’art moderne et le quai Branly, mais aussi ceux du Fonds national d’art contemporain, du Mobilier national et de la Manufacture de Sèvres. Cette centralisation, certes bienvenue, permettrait de faire « un récolement général des dépôts » et de dresser un état des lieux, une cartographie précise pour les futurs redéploiements des collections nationale.
Alléger les assurances entre prêteurs
Le rapport justifie en partie la contraction récente des prêts par les difficultés économiques et l’importance du coût de l’assurance dans les budgets d’expositions, « un des principaux freins à la circulation des œuvres » effectivement régulièrement mentionnés par les musées.
La dispense d’assurance qu’Alain Seban envisage, et vers lequel le ministère entend s’engager, est cependant conditionnée dans le rapport « à un prêt de longue durée » (soit un an maximum) et « dans le cadre d’un partenariat qui fait une politique de prêt soutenue sur la durée une substitution à un politique de mise en dépôts. » Le ministère ira-t-il jusqu’à cette conditionnalité s’inscrivant dans la perspective de réduire la distinction entre dépôt et prêt ? Rien n’est encore définitivement tranché dit-on Rue de Vallois.
Cette conditionnalité peut en effet dériver vers un « rapport de force » déséquilibré en faveur des grands établissements publics, tel le Musée national d’art moderne, et au détriment de certains musées en région. Si le Musée national d’art moderne a de fait tout intérêt à voir se réduire la distinction entre dépôt et prêt, est-ce le cas du musée Matisse du Cateau-Cambrésis ? Musée Matisse du Cateau-Cambrésis, objet par ailleurs de reproche de la part d’Alain Seban, après le refus de prêt de ce musée d’une œuvre de Matisse, dépôt du MNAM, pour l’étape à Cambrai du Centre Pompidou Mobile, au motif que le projet était « dénué de tout intérêt scientifique. »
Conditionner les prêts et dépôts à une meilleure médiation
Il est une autre conditionnalité du rapport que devrait être examinée plus en profondeur par Laurence Sigal, ancienne directrice du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, missionnée par Aurélie Filippetti « pour établir un plan de mis en œuvre de ces objectifs. » Celle visant à subordonner prêts et dépôts en fonction de l’engagement des musées « dans des expériences de médiations originales dans et hors ses murs ». Développer les projets hors les murs comme un levier pour aider à la démocratisation culturelle est de fait l’autre grand volet du rapport d’Alain Seban qui consacre à ce titre nombre de pages aux actions en la matière du Centre Pompidou, en particulier au Centre Pompidou Mobile. Ce qui crée un déséquilibre fâcheux et questionne sur l’impartialité de certains jugements, raisonnements émis et propositions.
Si la mobilité est effectivement devenue un enjeu important pour « montrer le chemin des musées aux public moins familiers des institutions culturelles », les modèles économiques, les moyens et les écosystèmes varient d’une structure à une autre. Ce que n’analyse pas le rapport. C’est ce qui fait d’ailleurs sa grande faiblesse surtout dans cette partie consacrée aux actions de médiation hors les murs à développer, et par ailleurs déjà menées par d’autres depuis longtemps avec des moyens bien en deçà de ceux du Centre Pompidou Mobile.
Les actions à mener dans les hôpitaux, les centres de détentions, les mairies, et que le rapport étend aux centres commerciaux (en excluant les écoles), et le ministère aux entreprises, ne sont pas nouvelles ; elles demandent surtout une inscription longue et patiente dans le temps. Et le rapport d’oublier à cet égard que ces actions ne peuvent réellement devenir efficaces à long terme que si elles sont accompagnées d’un renforcement de l’enseignement culturel et scolaire tout au long d’une scolarité.
Peut apparaître donc comme une opération gadget ou événementielle, la proposition retenue par le ministère « d’une opération nationale de présentation d’œuvres hors les murs sur la base de neuf œuvres par un musée partenaire présentée pendant un jour dans trois lieux différents sur une durée de neuf mois », la première édition s’appuyant sur le réseau des musées nationaux avec la RMN-Grand Palais chargée d’en assurée la coordination.
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Le rapport Seban préconise un redéploiement conditionné des collections publiques
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Alain Seban - © Centre Pompidou