Communication - Le patchwork patrimonial d’Aurélie Filippetti

Aurélie Filippetti met les bouchées doubles

La ministre a annoncé un ensemble disparate de mesures en faveur du patrimoine, dont une loi qu’elle espère présenter en Conseil des ministres en décembre

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 17 septembre 2013 - 1292 mots

Rentrée chargée pour la ministre de la Culture. Celle-ci a annoncé une série de mesures concernant le patrimoine bâti. Une « grande » loi devrait être présentée au Parlement avant l’été 2014, modifiant notamment le régime des espaces protégés. Aurélie Filippetti a également détaillé son plan pour l’éducation artistique et culturelle.

PARIS - Comme chaque année ou presque, les Journées du patrimoine sont l’occasion pour le ministre de la Culture de rappeler l’importance du patrimoine et d’annoncer quelques mesures de plus ou moins grande envergure. L’an dernier, Aurélie Filippetti avait choisi une ville de sa région, Metz, pour prononcer son discours ; cette année c’est le Musée Guimet à Paris qui l’a accueillie, façon de rappeler la nomination en plein cœur de l’été d’une femme, Sophie Makariou, à la tête de l’établissement. Malgré la rhétorique de la ministre qui n’a pas lésiné sur les critiques à l’égard de ses prédécesseurs, il ne s’agit pas d’une nouvelle politique patrimoniale, mais d’un patchwork de mesures qui vont du recrutement de dix nouveaux architectes en chef des Monuments historiques à un texte de loi sur la réorganisation des espaces protégés. Elles comprennent la confirmation de projets lancés avant son arrivée (la « Maison des cultures et des mémoires » en Guyane, l’accueil du Louvre) et la participation à un projet interministériel de gestion des archives numériques. La seule véritable nouveauté d’importance concerne l’installation des réserves du Louvre à Lens (Pas-de-Calais).

Le cœur des mesures consiste en un toilettage du droit relatif aux espaces protégés. Le texte est prêt (non communiqué) et doit être adressé aux ministères concernés dans les prochains jours pour une présentation en Conseil des ministres avant la fin de l’année. La ministre espère un vote en mai ou juin 2014. Cette présentation a également été l’occasion pour Aurélie Filippetti de marquer à nouveau son autorité dans la reprise en main du Louvre-Abou Dhabi. Le départ d’Henri Loyrette a manifestement redistribué les cartes entre le musée et le ministère. La ministre n’a cependant pas précisé comment les Émiriens allait être dédommagés après l’annulation de l’engagement de renommer le pavillon de Flore en « pavillon Cheikh-Zayed » (du nom du fondateur des Émirats arabes unis). De même, Aurélie Filippetti est restée muette sur le budget 2014 du Patrimoine, laissant peu de doutes sur sa prochaine baisse. De sorte que ces annonces apparaissent comme un lot de consolation pour des déceptions à venir.

Jean-Christophe Castelain


Espaces protégés, un régime modifié
Les principales dispositions du projet de loi en préparation visent à fusionner les secteurs sauvegardés issus de la loi Malraux, les ZPPAUP (zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) et les AVAP (aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine), qui devaient se substituer aux ZPPAUP en 2015 via un nouveau statut dénommé « Cité historique », régi soit par un plan local d’urbanisme (PLU), soit par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV). Par ailleurs, le périmètre de protection des abords des monuments historiques, aujourd’hui d’un rayon de 500 m, pourrait être modulé « intelligemment », tandis que les contraintes liées au label « Patrimoine mondial » de l’Unesco seraient inscrites dans le droit français. Deux dispositions particulières ne manqueront pas de faire débat : l’élaboration des règles des PLU et des PSMV, laquelle reviendrait aux communes (et comprendrait un examen en commission régionale où siège le préfet) et l’unification des délais de réponse des architectes des Bâtiments de France, qui restent le pivot du dispositif.
Jean-Christophe Castelain


Un « Patrimoine du XXe » réactivé
Le label « Patrimoine du XXe », mis en place en 1999 par le ministère de la Culture pour signaler les édifices récents d’intérêt, sera reconnu dans la loi sur le patrimoine. La direction régionale des Affaires culturelles devra être informée de toute demande de permis de construire, de démolir ou d’aménager le site. La ministre souhaite que ce label, qui sera réservé à des bâtiments de moins de 100 ans et privilégiera le patrimoine industriel, soit attribué plus largement. Cependant, l’immeuble labélisé reviendra dans le droit commun au centième anniversaire de sa construction s’il n’a pas été inscrit ou classé. En revanche, aucune mesure particulière ne sera prise pour les églises en régions, non classées ou inscrites, dont les destructions ont récemment fait l’actualité. Il revient aux élus, parties prenantes, de prendre les dispositions nécessaires dans leur PLU.
Margot Boutges


L’accueil au Louvre et au Musée de Cluny améliorés
Longtemps évoqué puis revu à la baisse, le « projet Pyramide » du Musée du Louvre est confirmé. Billetterie, vestiaires et accueil des groupes seront déplacés en périphérie, afin d’alléger l’espace d’accueil du musée, saturé en permanence. Estimé à 60 millions d’euros, le projet sera financé grâce aux fonds engendrés par le Louvre-Abou Dhabi. La ministre a également annoncé qu’une partie de l’aile Richelieu serait consacrée aux enfants. Par ailleurs, l’État financera le projet de la « Maison des cultures » de la Guyane à hauteur de 30 %, et entend redonner un second souffle au Musée national de la voiture à Compiègne (Oise). La vraie nouveauté réside en l’annonce d’une extension au Musée de Cluny à Paris pour y installer un accueil adapté à sa fréquentation : le musée devrait également bénéficier des financements du Louvre-Abou Dhabi (une nouveauté) pour un démarrage de chantier début 2015.
Francine Guillou


L’Inrap aidé dans ses missions
Si, en juin 2012, la ministre avait semblé vouloir remettre en question le monopole des fouilles, ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) devrait recevoir une subvention d’exploitation pour compenser le déficit causé par le cadre concurrentiel des fouilles lucratives. La prochaine loi sur le patrimoine devrait obliger les opérateurs privés à soumettre aux services régionaux de l’archéologie leurs réponses scientifiques, pour avis, afin d’éviter que les aménageurs se prononcent au seul regard des prix proposés. Par ailleurs, 160 agents de l’Inrap, actuellement en CDD, seront recrutés en CDI d’ici à 2016, une manière de concrétiser les promesses de la ministre afin de lutter contre la précarité dans l’établissement.
Francine Guillou



Les réserves du Louvre à Lens

L’annonce de l’installation des réserves du Musée du Louvre dans le périmètre du Louvre-Lens enterre définitivement le projet pharaonique du « Centre national de conservation, de restauration et de recherches patrimoniales », initialement prévu à Cergy-Pontoise. D’ici à 2016, c’est donc l’ensemble des réserves du musée, menacées par le risque de crue centennale, qui emménagera dans ce centre de 23 500 mètres carrés conçu exclusivement pour la conservation des œuvres et la recherche. Coût de la construction : 60 millions d’euros, contre 200 millions pour Cergy. Le financement sera à parts égales entre la Région Nord - Pas-de-Calais et le Louvre (sur les fonds du Louvre-Abou Dhabi). Reste à décider avant la signature de la convention, prévue d’ici à la fin octobre, qui de Liévin ou de Lens accueillera le bâtiment. S’agissant des autres musées en bordure de Seine, la ministre a finalement considéré qu’il n’y avait plus de risque (!).

Ont également été annoncés la construction en 2014 à Metz du « Centre de conservation et d’étude de Lorraine » pour accueillir le produit des fouilles archéologiques, et le lancement de l’étude de faisabilité pour un centre de conservation et d’étude des vestiges archéologiques subaquatiques et sous-marins à Marseille.
Christine Coste


La circulation des collections publiques facilitée
Parmi les propositions du rapport d’Alain Seban sur « les voies et les moyens d’une amplification de la circulation des collections publiques sur le territoire national », le ministère retient plus des pistes de réflexion à prolonger qu’il ne prend de décisions. Réflexion sera notamment menée sur la dispense d’assurances pour les prêts entre musées. Les prêts hors les murs (entreprises, centres commerciaux, hôpitaux) seront favorisés ce qui implique une modification législative.
Christine Coste
 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°397 du 20 septembre 2013, avec le titre suivant : Aurélie Filippetti met les bouchées doubles

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