Düsseldorf

Coup de frais au Kunstpalast

Par Julie Portier · Le Journal des Arts

Le 23 mai 2011 - 733 mots

Pour sa réouverture, le musée municipal allemand tente de reconquérir son public. Sa singularité reste toutefois à construire.

Düsseldorf - « Kunst befreit ! » (« L’art libéré ! »). Impossible de passer à côté de l’information : fermé depuis deux ans pour travaux, le Museum Kunstpalast, à Düsseldorf, en Allemagne, rouvre. Dans les rues, les jardins publics, sur les rives du Rhin, des silhouettes en carton échappées des collections rameutent elles-mêmes le public. L’opération de communication est à la mesure des ambitions d’un musée qui tente de renouveler son image pour s’imposer parmi les nombreuses institutions, parmi lesquelles le Kunstsammlung NRW (« K20 »), qu’offre la capitale rhénane. Après rénovation, l’édifice de pur style « objectif » des années 1920 (construit pour abriter une foire sur la santé) accueille un nouvel accrochage des collections signé Beat Wismer. Ce dernier a pris la direction du musée en 2007, succédant au Français Jean-Hubert Martin.  

Confrontations
Le parcours traduit le souci pédagogique de Wismer en suivant un ordre purement chronologique qui s’autorise toutefois quelques bifurcations anachroniques. Ainsi de la reconstitution, dans une salle adjacente à la galerie Renaissance, de l’exposition « Hommage à Fontana » du groupe Zéro pour la Documenta de Cassel de 1964. Mais le voisinage détonant des bas-reliefs du XVIe siècle avec l’installation de sculptures mécaniques et lumineuses de Günther Uecker, Otto Piene et Heinz Mack ne semble viser que de la distraction du visiteur – de peur de l’ennuyer ?  L’exercice muséographique est plus convaincant lorsqu’il confronte la peinture néoclassique et le mobilier formé de ruines antiques en polyuréthane de Piero Gilardi (1971). 

L’effet « coup de jeune » du Kunstpalast est en grande partie assuré par la couleur des cimaises. D’un courant historique à l’autre, les murs passent du rouge groseille au vert menthe, simulant une désinvolture qui vient compenser une sélection plutôt conservatrice quand elle ressort du placard la peinture académique du XIXe siècle à Düsseldorf.  L’accrochage, enfin, joue la carte de la mise en scène narrative, comme dans la salle consacrée aux chefs-d’œuvre de la collection du prince électeur Jean-Guillaume de Neubourg-Wittelsbach et son épouse Anna Maria Luisa de Médicis. Leurs bustes en marbre rococo par le sculpteur Gabriel de Grupello trônent de chaque côté de la salle qui accueille en son centre une Assomption de Rubens, rapportée par le prince esthète d’une église de Belgique. La pointe d’ironie siéra davantage au public que l’outrageuse mise en scène du temps de Jean-Hubert Martin, où les bustes princiers tournaient le dos au public. Arrivé en 1999 dans un musée fréquenté par les amateurs de verre (dont le Kunstpalast rassemble la troisième plus grande collection au monde), celui-ci avait mis la collection sens dessus dessous en confiant l’accrochage à deux artistes de Düsseldorf, Bogomir Ecker et Thomas Huber. L’expérience suscita la controverse. 

Ces violentes critiques illustrent l’attachement des habitants à « leur » musée, historiquement lié aux artistes et aux collectionneurs qui, depuis le XIXe siècle, nourrissent ses réserves. Ainsi l’exceptionnelle collection d’art informel récemment léguée par la famille Kemp pourrait-elle embarrasser son récipiendaire qui, en recevant les donations, signe une promesse d’exposition des œuvres. Cette collection riche de 1 200 œuvres, dont un échantillon est présenté dans l’aile réservée aux expositions temporaires, devrait rejoindre le musée. Wismer réfléchit à l’idée de creuser une extension dans le sous-sol. Ses choix témoignent donc de certaines concessions aux attentes du public et des mécènes dont avait délibérément fait fi son prédécesseur. 

Salle « Cream cheese »
S’il révèle l’hétérogénéité et les lacunes de la collection, l’accrochage chronologique dévoile de beaux ensembles, comme les bois sculptés de la première Renaissance ou les peintures expressionnistes des Kirchner, Nolde ou Jawlensky, rescapées de la campagne nazi menée contre les arts dits « dégénérés ». La salle consacrée au « Cream cheese » (le bar qui fut le repaire de l’avant-garde étudiant à la Kunstakademie de Düsseldorf), réunissant Gerhard Richter, Joseph Beuys ou Nam June Paik, est une belle surprise. Malheureusement, la photographie objective née dans la lignée de Berndt et Hilla Becher est presque absente du musée. Même à représenter la scène locale, qui put un temps constituer son atout, le musée municipal souffre la comparaison avec le K20 implanté à peine plus loin dans une sublime architecture récemment agrandie pour abriter, entre autres, des œuvres monumentales de Beuys. 

Stiftung Museum Kunstpalast
Kulturzentrum Ehrenhof, Ehrenhof 4-5, Düsseldorf, tlj sauf lundi 10h-18h, 11h-21h le jeudi, www.smkp.de 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°348 du 27 mai 2011, avec le titre suivant : Coup de frais au Kunstpalast

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