Comment conçoit-on un espace d’exposition dédié à l’histoire ?
Pour l’Historial Charles-de-Gaulle, aux Invalides, nous avons conçu un musée sans objets, uniquement à partir d’images car le musée d’histoire est avant tout un lieu de mémoire. La muséographie doit permettre de transmettre la connaissance, de rendre présents les événements du passé. Nous avons ainsi imaginé trois niveaux de lecture qui sont trois strates, trois ambiances et trois manières d’envisager la connaissance : une salle de cinéma dans laquelle le spectateur est passif devant les images d’archives ; un anneau de l’histoire qui raconte les contingences de l’époque et, enfin, des alcôves pour approfondir différents sujets à partir du point de vue des historiens. L’Histoire ne peut pas se raconter de manière linéaire.
Un musée d’histoire devrait-il donc être dépourvu d’objets ?
Oui car la beauté des objets prend souvent le pas sur l’Histoire. Un musée d’histoire est un musée d’événements et ceux-ci ne peuvent pas s’expliquer de manière univoque. Il ne peut s’agir d’une suite de vérités assénées. C’est ce déplacement de point de vue, rendu possible par le multimédia, qui est intéressant. Le musée doit être accepté et lu de manière plurielle car les images d’archives sont déjà, en elles-mêmes, des points de vue : il serait d’ailleurs intéressant de les analyser pour y déceler la part de communication et de manipulation politique. Le musée d’histoire doit être un environnement complexe et évolutif et le type de médiation choisi influe inévitablement sur l’accès à la connaissance.
Quels sont les écueils à éviter pour ce projet de musée de l’histoire de France ?
Le projet peut être intéressant si un accord est trouvé sur la volonté de transmettre des idées abstraites. Il faut éviter d’y énoncer des poncifs et des vérités mais raconter les événements. Internet est aujourd’hui un grand kiosque dans lequel tout le monde peut piocher. Le musée d’histoire peut être, au contraire, un lieu de stratification de la connaissance. Il faut donc inventer un nouveau lieu, et parler de musée, c’est peut-être déjà se tromper. Il faudrait aussi éviter de construire un monument, une grande architecture, au profit d’un « monument invisible », c’est-à-dire inventer un lieu abstrait, loin de tout et déconnecté.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Alain Moatti, scénographe, avec Henri Rivière, de l’Historial Charles-de-Gaulle à l’hôtel national des Invalides et de la Cité de la dentelle à Calais
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°316 du 8 janvier 2010, avec le titre suivant : Alain Moatti, scénographe, avec Henri Rivière, de l’Historial Charles-de-Gaulle à l’hôtel national des Invalides et de la Cité de la dentelle à Calais