Parmi les sociétés qui réalisent des ventes aux enchères sur l’Internet et se battent pour conquérir une partie des 101 millions d’usagers surfant sur la toile, la société américaine Artnet.com connaît une progression très rapide. Le montant total des transactions effectuées sur son site devrait atteindre 5 millions de dollars en 1999, contre 2 millions en 1998. Artnet.com, qui propose plusieurs autres services sur le Net, se distingue de Sotheby’s et de Christie’s par le taux réduit des commissions qu’elle prélève.
FRANCFORT - Hans Neuendorf, PDG d’Artnet.com, a levé 46 millions d’euros sur le nouveau marché de la Bourse de Francfort. Sa société offre une variété de services liés au marché de l’art : organisation de ventes aux enchères, publication d’une banque de données recensant les résultats des ventes publiques de 1989 à nos jours, parution d’un magazine en ligne dont les informations sont actualisées tous les jours, vente de livres et d’estampes. Vingt-trois pour cent des actions d’Artnet.com ont été cédés aux investisseurs à la Bourse de Francfort au cours de 48 dollars. Ce dernier s’est immédiatement envolé pour atteindre, après quelques jours de cotation, une capitalisation s’élevant à 260 millions de dollars (1,5 milliard de francs). Beau résultat initial pour une entreprise qui ne devrait commencer à engranger des profits qu’en l’an 2001 ou 2002 et qui a enregistré environ 8,5 millions de dollars de pertes lors de ses trois premiers exercices.
Parmi les nombreuses sociétés qui se sont lancées dans l’organisation de ventes sur l’Internet, telles Teletrade, Interactive collector, Artcollector.com, la plus dynamique est sans nul doute ebay. Toutes se battent pour conquérir une partie des 101 millions d’usagers réguliers d’Internet, dont le nombre pourrait dépasser les 300 millions en 2002. La moitié d’entre eux passent actuellement deux heures et quarante minutes en ligne par semaine, et 10 % ont déjà participé à au moins une vente sur l’Internet.
Pour Hans Neuendorf, le succès d’eBay et la multiplication des maisons de ventes aux enchères ont révélé un potentiel de millions de clients qui, jusqu’à maintenant, boudaient les maisons de vente traditionnelles dont le coût des transactions est élevé.
“Je suis convaincu qu’au cours de ces deux ou trois prochaines années, les achats sur l’Internet vont se multiplier de façon phénoménale et que le monde sera complètement différent de ce que nous connaissons aujourd’hui”, soutient Hans Neuendorf, qui investit des sommes considérables dans ce secteur. Les 46 millions d’euros collectés grâce à la vente de 23 % de son capital vont lui permettre de réaliser des investissements de technologie, de marketing et de publicité destinés à faire connaître le nom d’Artnet.com. “La transmission câblée des données et des images numériques s’améliore de jour en jour, de même que la qualité des photos. Les maisons de ventes aux enchères reçoivent déjà par téléphone nombre d’ordres d’achat d’acquéreurs qui s’engagent simplement d’après une reproduction de catalogue. Notre idée est de créer grâce à l’Internet une plate-forme, un lieu où les collectionneurs pourront obtenir gratuitement tous les renseignements souhaités, de façon à ce que l’offre et la demande se rencontrent.” Aucune commission n’est due par le vendeur, tandis que l’acheteur se voit prélever 5 % sur le montant de la transaction, ce qui, souligne Hans Neuendorf, représente “le cinquième de celle que demandent les maisons traditionnelles”.
Deux millions d’œuvres d’art fichées
Créée en 1989 sous le nom de Centrox Corp., Artnet.com a débuté son activité en archivant les résultats des maisons de vente, un service proposé aux abonnés au prix de 6 000 dollars – mais un coût trop élevé pour attirer une forte clientèle. En 1995, la jeune société rebaptisée Artnet.com a chargé ses archives sur l’Internet, où elles sont maintenant accessibles pour une cotisation mensuelle de 29,95 dollars. Les clients, aujourd’hui au nombre de 1 700, dont 60% de galeries – américaines pour les deux tiers –, sont informés des prix de vente de 2 millions d’œuvres d’art de 185 000 artistes.
Depuis quelques années, le site d’Artnet.com publie un magazine en ligne, quotidiennement mis à jour grâce à un réseau d’une quarantaine de correspondants répartis dans le monde entier. Sa clientèle dépasse le monde de l’art et inclut des annonceurs pour des publicités d’objets de luxe. Artnet.com présente sur son site environ 700 galeries, et en gagne à peu près 70 nouvelles chaque mois. Pour 3 500 dollars, une galerie peut diffuser un catalogue avec trente photographies des œuvres des artistes qu’elle expose. Le potentiel de croissance est énorme. Artnet.com estime que 18 000 galeries dans le monde et de nombreux artistes pourraient être intéressés par ce service. Aux États-Unis, un million de créateurs qui réalisent eux-mêmes la promotion de leur travail pourraient être concernés.
Ces derniers mois, Artnet.com a mis au point plusieurs activités de commerce électronique, c’est-à-dire de vente directe : une librairie virtuelle de 10 000 titres (plus riche en livres d’art que celle d’Amazon.com, la librairie virtuelle actuellement la plus importante du Net), généralement vendus avec une réduction de 30 %, une galerie de gravures et de reproductions proposées à des prix très compétitifs, et depuis la fin du mois de mars, un département de ventes aux enchères (à un niveau modeste mais en rapide expansion) comprenant huit spécialistes. Artnet.com prévoit une augmentation du montant total de ses transactions qui devrait atteindre 5 millions de dollars en 1999 – contre 2 millions de dollars en 1998 – puis 14 millions en l’an 2000. La société devrait commencer à gagner de l’argent en 2002. À ce jour, elle a vendu une quarantaine d’œuvres d’art, à des prix allant de 20 à 250 000 dollars. Une des plus hautes enchères est allée à un Fontana, acquis pour 168 000 dollars (environ 1 million de francs). La multiplication des ventes sur l’Internet devrait affecter la partie intermédiaire et basse du marché.
Le vendeur garant de l’authenticité de l’œuvre
Jusqu’à maintenant, le principal problème des ventes en ligne résidait dans le manque de moyens d’authentification des objets proposés. Sotheby’s, Amazon.com et Artnet.com espèrent résoudre cette difficulté en transférant sur les vendeurs la responsabilité de la garantie d’authenticité des objets offerts en ligne. Pour le moment, Artnet.com l’emporte avec ses 5 % de commission, comparés aux 10 % appliqués par les maisons de ventes aux enchères. “Nous sommes pour l’instant les seuls à vendre en ligne des valeurs reconnues, explique Hans Neuendorf. Sotheby’s, qui annonçait qu’elle lancerait des ventes sur l’Internet en juillet, les a reportées à septembre. Ce qui n’est pas pour me surprendre : vouloir débuter sur l’Internet seulement six mois après avoir annoncé la décision était trop ambitieux. Ce genre de transactions exige une grande organisation préliminaire et beaucoup de temps. La grande différence entre Artnet.com et Sotheby’s est que nous tentons d’offrir un service qui consiste à diffuser des renseignements permettant aux acheteurs et vendeurs de suivre l’évolution du marché.” Ce à quoi Sotheby’s rétorque qu’elle a ajourné sa première vente portant sur 80 000 objets liés au base-ball provenant de la collection de Barry Halper – elle aura lieu du 23 au 29 septembre –, afin de mieux exploiter ses nouveaux quartiers généraux de New York, qui ouvrent à la fin de l’été, et les Base-ball World Series.
Comme ses rivaux, Artnet.com devra mener une course contre la montre pour arriver à ses fins. Il lui faudra réinvestir très rapidement le capital résultant de son introduction en bourse, essentiellement en publicité pour créer une image de marque qui lui attire des milliers de collectionneurs et déjoue la concurrence croissante.
La valeur boursière des entreprises liées à l’Internet est énorme, comme en témoigne la récente acquisition de Butterfield & Butterfield par eBay. L’auctioneer californien était sur le point d’être côté en bourse à environ 90 millions de dollars quand eBay l’a racheté pour 260 millions de dollars, un montant trois fois supérieur.
La valeur de l’action Arnet.com, qui a progressé jusqu’à 62 euros immédiatement après son lancement, est retombée largement en-dessous du seuil de lancement établi à 46 euros, pour atteindre à la mi-août 21 euros. Cette évolution récente, générale pour toutes les sociétés de commerce en ligne, dont les cours avaient explosé, trahit l’inquiétude du marché quant aux perspectives de gains à court terme.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La croissance rapide d’Artnet.com
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°87 du 27 août 1999, avec le titre suivant : La croissance rapide d’Artnet.com