La Cité de l’architecture et du patrimoine clôt le tricentenaire de la mort de l’ingénieur.
PARIS - On nous avait annoncé Jacques Androuet du Cerceau (1515-1585), auteur du recueil des Plus Excellents Bastiments de France, célèbre anthologie des plus remarquables constructions de la Renaissance ; il faudra finalement se contenter de Vauban. Pour sa première exposition patrimoniale, la jeune Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, n’honore pas ses promesses et surfe sur la vague des célébrations du tricentenaire de la mort de Sébastien Le Prestre de Vauban (1633-1707) pour combler les lacunes de sa programmation. Quitte à marcher sur les plates-bandes de quelques expositions prévues de très longue date par des institutions moins prestigieuses, qui auront dû subir sa politique de la « terre brûlée ».
Une fois la déception ravalée, « Vauban, bâtisseur du Roi-Soleil », coproduite avec le Musée des plans-reliefs, propose une bonne synthèse du travail de l’ingénieur militaire de Louis XIV, en se concentrant sur son œuvre bâtie. D’autres manifestations estivales et une floraison d’ouvrages nous avaient en effet déjà présenté sa prolifique production écrite, inédite pour le public (lire le JdA no 263, 6 juillet 2007, p. 18). Le parcours de cette exposition fleuve se déploie dans les sous-sols du Palais de Chaillot. Après quelques préliminaires portant sur le contexte historique, le propos se concentre sur la guerre de siège, l’un des passe-temps favoris du jeune Louis XIV – on sait que le roi se déplaçait avec sa cour pour y assister. C’est en effet dans ce domaine que Vauban a laissé sa principale contribution à l’art militaire français, en faisant évoluer le système bastionné des places fortes. Inventé par les Italiens au début de la Renaissance, celui-ci constituait une réponse à la modernisation de l’artillerie. Avec Vauban, le siège devient une opération très codifiée, organisée en une suite logique de 12 actes, requérant un minimum de 48 jours et mobilisant au moins 20 000 soldats. Près de 160 places françaises sont ainsi modernisées ou construites ex nihilo au fil des frontières du royaume. Au XVIIe siècle, l’importance de la guerre de siège était telle que des jeux de cartes consacrés à l’art de la fortification ont été édités pour l’instruction des fils de Louis XIV. Ces documents font partie de la sélection rigoureuse destinée à rendre intelligible un art d’ordinaire réservé aux castellologues avertis. Plusieurs plans-reliefs, parmi lesquels celui de Lille (Nord), Besançon (Doubs) ou Neuf-Brisach (Haut-Rhin), viennent toutefois apporter une dimension spectaculaire à l’exposition. Ils permettent aussi de prendre la mesure de l’ancrage des constructions militaires de Vauban dans leur site, bien difficile à restituer dans le cadre d’une exposition.
Dès la fin du XIXe siècle, la guerre éclair commencera à se substituer à cette « guerre-spectacle ». Vauban comptera pourtant encore quelques générations de successeurs dans la corporation du génie militaire français, lui qui s’était toujours refusé à consigner dans un traité son savoir, conscient de son inévitable obsolescence. La partie la plus stimulante de l’exposition en clôt le parcours. Avant épuisement, le visiteur pourra en effet découvrir les nombreux problèmes que pose aujourd’hui cet encombrant patrimoine, principalement en site urbain. L’affaire du stade de Lille, que la municipalité voulait agrandir sur les glacis de la citadelle, aura cristallisé les tensions autour de cet héritage militaire qui a forgé la morphologie de nombreuses villes françaises. Les réponses plus subtiles apportées à Avesnes-sur-Helpe (Nord) lors de la construction d’un nouveau palais de justice (Pierre-Louis Faloci), ou encore à Bayonne, dans le cadre de l’aménagement d’un campus universitaire (Antoine Stinco), démontrent au contraire la pertinence d’une réutilisation, à condition pour celle-ci de rester respectueuse.
Jusqu’au 5 février, Cité de l’architecture et du patrimoine, 1, place du Trocadéro, 75116 Paris, tél. 01 58 51 52 00, tlj sauf lundi 11h-19h, jeudi jusqu’à 21h, www.citechaillot.fr. Catalogue, collectif, coéd. Somogy/Capa, 432 p., 49 euros, ISBN 978-é-7572-0121-3.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Vauban : dernier acte
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €- Commissaires de l’exposition/Musée des plans-reliefs : Isabelle Warmoes, historienne de la fortification, et Victoria Sanger, historienne de l’architecture et de l’urbanisme - Commissaires de l’exposition/Cité de l’architecture et du patrimoine : Robert Dulau, conservateur en chef du patrimoine, et Pascal Mory, architecte et historien de l’architecture - Scénographie : Yves Kneusé et Adrien Gardère
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°271 du 14 décembre 2007, avec le titre suivant : Vauban : dernier acte