LILLE
La municipalité a pris de court tous les acteurs du dossier avec cette décision, qu’elle justifie par la difficulté à concilier aménagement durable de la ville et inscription sur la liste du patrimoine mondial.
Lille. Alors que Metz, Nice, Toulouse ou Nîmes se damneraient pour obtenir l’inscription de leur patrimoine sur la liste de l’Unesco, la Mairie de Lille a pris une décision surprenante en renonçant à la candidature de sa citadelle Vauban. Déposée en 2017, conjointement avec Le Quesnoy (Nord) et la ville allemande de Breisach-am-Rhein, cette candidature est « hors quota » : il s’agit pour ces trois villes de rejoindre les douze sites déjà labellisées en 2008 au titre des fortifications de Vauban. Lors de cette première inscription, l’armée, qui occupe la citadelle lilloise, avait préféré assurer la certification Otan du lieu plutôt que d’en faire un site du patrimoine mondial.
Pourtant bien enclenchée, la candidature s’arrête brutalement pour Lille, mettant en porte-à-faux celles du Quesnoy et de Breisach-am-Rhein. Dans un courrier du 28 octobre, adressé à la présidente du Réseau Vauban et maire de Besançon, Anne Vignot, Martine Aubry a brutalement mis fin à trois ans de coopération scientifique et patrimoniale. Pour motiver ce choix, elle invoque les lourdeurs que pourraient faire peser une inscription Unesco sur l’aménagement de la ville. « La citadelle et ses abords sont aujourd’hui au cœur des défis que nous devons relever pour une ville durable », explique-t-elle à son alter ego bisontine.
Selon la Mairie, deux projets d’aménagement seraient menacés par la mise en place d’une zone tampon autour du site Unesco : le canal Seine-Nord-Europe, ainsi que le tracé d’une ligne de tramway. Pour Stéphane Baly, conseiller municipal d’opposition (EE-LV), ces arguments sont faux. « Le tramway est même plutôt un argument en faveur de la patrimonialisation », souligne l’élu. Protégées par l’Unesco, les villes du Havre et de Bordeaux ont tout de même pu installer une ligne de tramway dans leur centre-ville.
« Reine des citadelles » selon Vauban lui-même, l’édifice lillois était appelé à rejoindre le réseau des villes labellisées dès l’inscription en 2008. « Dans les recommandations de l’Unesco, il est tout de suite question d’intégrer Lille, Le Quesnoy et un site à l’étranger », explique Claire Dupouët, conseillère de la maire de Besançon en charge du Réseau Vauban. « C’est un coup de Trafalgar, ajoute-t-elle, mais il ne faut pas laisser tomber les deux autres villes. » Pour la maire du Quesnoy, Marie-Sophie Lesne, la décision est tombée comme « un coup d’éclair dans un ciel serein », ainsi qu’elle le confie dans les colonnes de La Voix du Nord. Comme la plupart des acteurs de ce dossier, elle n’a pas été consultée en amont par la mairie lilloise, qui a pris cette décision « en concertation avec la majorité municipale ».
Inattendue, cette décision ne trouve pas non plus d’explication convaincante. « Ça peut être une question d’urbanisme, mais aussi une question d’ego au sein de l’équipe municipale », suppose Stéphane Baly. L’ancien candidat EE-LV à la mairie de Lille espère un revirement positif à ce renoncement, et a déposé un vœu en ce sens pour le prochain conseil municipal. La maire du Quesnoy souhaite également « donner une chance au dialogue ». La candidature devait entrer en 2021 sur la liste indicative de la France, pour une inscription estimée en 2024.
Patrimoine. Elle avait obtenu un sursis en juin dernier, au terme d’une « Blitzkrieg » médiatique lancée par l’association Urgences Patrimoine. La chapelle Saint-Joseph, sauvée par Franck Riester le 5 juin, n’a pas résisté à la passation de pouvoir ministériel, survenue un mois plus tard. Les services de Roselyne Bachelot ont fait savoir, le 14 novembre dernier, qu’ils rejetaient l’instance de classement monument historique sur cette chapelle du XIXe siècle, témoignage de la présence jésuite à Lille, donnant la primeur au projet de campus à 120 millions d’euros mené par Yncréa, l’école d’ingénieur de la faculté catholique de Lille (université surnommée « La Catho »). La première étape de ce projet immobilier lancé en 2019 est la destruction de l’édifice néo-roman. Une réponse « digne du ministère des Finances », pour Alexandra Sobczak-Romanski, présidente d’Urgences Patrimoine, « on nous dit clairement que cette protection d’urgence n’est pas possible car elle repousserait d’un an le projet d’Yncréa ». « Le dossier est traité à la légère, précise-t-elle, le ministère prétend que la chapelle n’est pas suffisamment remarquable pour être classée, mais il faut la considérer dans un ensemble local. » Le communiqué de la Rue de Valois se félicite en effet de la restauration du Palais Rameau par Yncréa, mais entérine la destruction de la chapelle située à quelques mètres, œuvre du même architecte, Auguste Mourcou. Un recours a été déposé par l’association, le 15 novembre dernier, 134 ans jour pour jour après la pose de la première pierre de l’édifice.
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La citadelle de Lille se passera de l’Unesco
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°556 du 27 novembre 2020, avec le titre suivant : La citadelle de Lille se passera de l’Unesco