PARIS
Pour l’inauguration de sa chapelle restaurée, le Musée Rodin, à Paris, confronte l’art de l’auteur des « Bourgeois de Calais » à celui de ses successeurs.
PARIS - Modernité, clarté, respiration. Érigée à Paris en 1876 pour le couvent du Sacré-Cœur-de-Jésus, éventrée lors de la Seconde Guerre mondiale, la chapelle du Musée Rodin bénéficie à nouveau de la lumière après une campagne de restauration radicale. Dessinée pour abriter toute l’infrastructure administrative du musée, la chapelle retrouve également sa vocation d’espace dédié aux expositions temporaires, dont « La sculpture dans l’espace, Rodin, Brancusi, Giacometti… », qui inaugure les lieux.
Calais, 2001. Les Bourgeois de Calais d’Auguste Rodin sont partis à Rome se refaire une beauté.
À leur place, devant l’hôtel de ville, une construction de Richard Wentworth en forme d’hommage. L’artiste anglais a recréé une structure en bois de cinq mètres de haut, imaginée par Rodin lui-même en 1913. Le quatrième exemplaire des Bourgeois vient alors d’être acquis par Londres et le sculpteur en a profité pour leur attribuer un socle particulièrement élevé, défiant les lois de présentation de la statuaire. Ce frêle échafaudage en bois lui a servi de socle d’essai afin d’en déterminer la hauteur adéquate. La reconstitution de Wentworth provoque un déclic pour Jacques Vilain, directeur du Musée Rodin à Paris. L’idée de récréer la structure pour une exposition future fait donc son chemin.
Paris, 2005. Un plâtre contemporain des Bourgeois, installé sur un échafaudage en bois, surplombe la nef de la chapelle réaménagée du Musée Rodin à l’occasion de « La sculpture dans l’espace, Rodin, Brancusi, Giacometti… ». « Rodin les voulait en hauteur, comme les monuments de la Renaissance », explique Antoinette Romain, conservatrice générale au musée et commissaire de l’exposition. Si Rodin pensait au départ que « placé très bas le groupe devenait plus familier et faisait entrer le public mieux dans l’aspect de la misère et du sacrifice, du drame » (sic), les Bourgeois, hissés à quatre mètres de hauteur, toisent le visiteur d’un regard presque menaçant. De part et d’autre de la structure, les photographies d’Eugène Druet et de Jacques-Ernest Bulloz, prises lors des essais de socle à Meudon en 1913, illustrent le souhait de Rodin de voir les silhouettes des Bourgeois se découper dans le ciel.
Contemporanéité
« Vous devez penser quelle importance j’attache à la présentation et à l’éclairage de mes œuvres », disait Rodin. Sa vision esthétique prenait en compte le choix du socle, qui faisait ainsi partie intégrante du processus créatif. Ici exposées, cinq versions de Fugit Amor (en marbre, en bronze et en plâtre) attestent de cette recherche, tout comme les photographies de D. Freuler du Monument à Claude Lorrain, soigneusement retouchées par le sculpteur. L’équilibre est au cœur de cette réflexion. Lorsque Madame Fenaille ne repose pas en équilibre sur une gaine à rinceaux, son buste s’intègre harmonieusement à la colonne sur laquelle il est empalé, la tête faisant office de chapiteau. La fascination de Rodin pour la danse se retrouve dans ces jeux subtils de répartition du poids. On retient son souffle devant Pas de deux ailé A sur colonne. Un homme, la jambe gauche en retrait, tient par la pointe de pied sur un œuf, lui-même perché sur une fine colonne.
L’exposition réunit les exemples les plus significatifs de ces recherches. Elle met surtout en écho le travail de Rodin avec des œuvres d’artistes modernes et contemporains. Son Monument à Puvis de Chavannes (vers 1903) est confronté, dans un même espace, à la Table (1933) de Giacometti
et au Coq (1935) de Brancusi. Quelques pièces contemporaines, prêtées par les artistes, viennent étoffer la contemporanéité du propos. Didier Vermeiren boucle la boucle avec sa Sculpture (1982), où deux gaines à rinceaux sont superposées symétriquement.
Où commence la sculpture, où s’arrête le socle ? Rodin, lui, n’a jamais eu besoin de piédestal.
Jusqu’au 26 février 2006, Musée Rodin, 79, rue de Varenne, 75007 Paris, tél. 01 44 18 61 10, www.musee-rodin.fr, tlj sauf 25 décembre et 1er janvier, 9h30-16h45. Catalogue, éditions du Musée Rodin, 96 p., 136 ill., 29 euros, ISBN 2-90142-893-2.
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À la recherche du socle parfait
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaire : Antoinette Romain, conservatrice générale au Musée Rodin - Scénographie : Pierre-Louis Faloci, architecte - Nombre d’artistes : 17 (sculpteurs, photographes et anonymes) - Nombre d’œuvres : 106 (dont 43 de Rodin) - Nombre de salles : l’ancienne chapelle réaménagée
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°226 du 2 décembre 2005, avec le titre suivant : À la recherche du socle parfait