NEW YORK / ETATS-UNIS
Un changement de logo peut signifier beaucoup. Si vous visitez le Metropolitan Museum of Art (Met), à New York, vous ne pouvez plus accrocher à votre boutonnière le célèbre pin’s qui affichait un « M » s’inscrivant dans un cercle tracé à la manière de Leonard de Vinci.
Le nouveau logo – créé par l’agence Wolff Olins, auteur déjà de celui unifiant les différentes Tate britanniques (Tate Britain, Tate Modern, Tate Liverpoool…) – proclame « THE MET », car le musée new-yorkais est considéré désormais comme une marque.
Le premier logo, devenu une icône, avait été dessiné en 1971 à partir d’une gravure sur bois (datée de 1509) issue des collections du musée. Le second l’a été l’an dernier pour donner image à une nouvelle stratégie : lancer la marque « THE MET » à la conquête de cet eldorado que représentent les collectionneurs et investisseurs en art contemporain. Cette ruée vers de riches businessmen soucieux de reconnaissance sociale, à travers l’octroi de sièges au board (conseil d’administration) du musée, ou l’installation à l’entrée des salles de plaques gravées à leur nom, a finalement plombé les comptes du musée. Pas moins 40 millions de dollars (plus de 37,6 millions d’euros) de déficit étaient envisagés pour 2018, contraignant le directeur Thomas P. Campbell à la démission, après huit ans de mandat.
Compétition effrénée
Musée encyclopédique mais largement consacré à l’art ancien, le Met voyait ses perspectives de donation dans ce domaine, tant en œuvres qu’en argent, s’effondrer. En 1987, l’institution s’était dotée d’une aile vouée au XXe siècle, mais celle-ci n’a pas suffi pas à asseoir la légitimité de l’art vivant. Le Met s’est donc lancé dans une compétition effrénée contre le Guggenheim, le Whitney, le New Museum et surtout le MoMA (Museum of Modern Art), et a pu se déclarer fier d’avoir réussi à lever récemment 650 millions de dollars de donation, dont 100 millions apportés par le producteur David Geffen. Le Met s’installe au printemps 2016 dans l’ancien bâtiment du Whitney, construit par Marcel Breuer, y présente des expositions d’art contemporain, prévoit de construire une extension sur la 5e Avenue (600 millions de dollars). Grâce au Met Breuer, il peut annoncer une hausse globale de sa fréquentation mais le coût de fonctionnement de l’espace, ajouté à celui du réaménagement, est un gouffre. Il licencie du personnel, réduit d’un tiers ses expositions annuelles comme ses ambitions dans le numérique, et repousse sine die l’extension. Désormais, il préfère réparer le toit et l’éclairage de ses salles de peinture européenne.
On s’efforcera de comprendre pourquoi et comment Thomas P. Campbell, homme du sérail puisqu’il avait rejoint en 1996 le musée comme conservateur spécialisé en tapisserie, aura pu l’entraîner, avec la bénédiction des trustees, dans une aventure dénaturant l’institution. Petit à petit, il s’est mis à dos tous ses collègues qui plaident pour un recentrage sur le cœur d’activité. La tâche – faire passer un musée XIXe au XXIe siècle – sera ardue, tant la dépendance envers le financement privé est forte. Sur 390 millions de dollars de recettes, le Met ne reçoit que 7 % de subventions publiques, versées par la seule Ville de New York. Et les menaces du président Donald Trump proférées contre le déjà maigre National Endowment for the Arts (148 millions de dollars de dotation ; 0,004 % du budget fédéral) ne vont pas améliorer la situation. À titre de comparaison, le budget du Louvre est assuré par 49 % de subventions publiques.
En période électorale française, rappellons donc aux candidats, aux pouvoirs publics que sont l’État et les collectivités locales, qu’il est essentiel de garantir à nos musées des subventions suffisantes et pérennes pour les prémunir contre les aléas. La société française est traversée également par cette évolution du goût. Les jeunes dirigeants d’entreprise succombent au glamour du contemporain et orientent leur financement vers un soutien à la création. Si le Louvre ou Orsay, qui dépendent désormais davantage du mécénat, doivent y être attentifs, continuer à mettre leurs collections en dialogue avec le travail d’artistes vivants en inventant d’autres formes, ils ne peuvent être contraints à une aventure comme celle du Met. Aujourd’hui, ils doivent aussi pallier la forte baisse de leur fréquentation due à la menace terroriste, mais ne peuvent pour autant être exempts de critiques. L’organisation lamentable de l’accès à l’exposition « Vermeer » démontre, malheureusement, que ce n’était pas le bon moyen.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le MET, leçon américaine
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°475 du 17 mars 2017, avec le titre suivant : Le MET, leçon américaine