Cartier-Bresson, le voleur d’images

PARIS -  Images à la Sauvette d’Henri Cartier-Bresson (éd. Verves, 1952, publié à l’initiative de l’éditeur d’art Tériade) auquel la Fondation Henri Cartier-Bresson consacre une exposition, est un ouvrage majeur dans l’histoire de la photographie. Ses images, pour la plupart devenues très célèbres, sa couverture conçue par Matisse à partir de papiers découpés, sa maquette et son grand format inhabituel pour l’époque ont laissé leur marque dans l’histoire de la photographie. L’ouvrage doit aussi cette célébrité à la notion d’instant décisif auquel le titre de la version américaine, The Decisive Moment (éd. Simon & Schuster) a donné naissance, malgré les nombreuses dénégations d’Henri Cartier-Bresson vis-à-vis de ce choix, puis de son utilisation pour définir sa photographie et sa pratique. « Cette expression est même devenue une sorte de définition de l’acte photographique pour certains photographes », relève Agnès Sire, directrice de la Fondation Henri Cartier-Bresson. « L’instant décisif était pourtant une expression trop simplificatrice dans laquelle il ne se reconnaissait pas. Henri se sentait en revanche extrêmement confortable avec le titre Images à la Sauvette, évocateur du voleur des rues. » Pourtant, près de soixante-cinq ans plus tard, elle demeure toujours associée au nom de l’auteur du célèbre cliché de l’homme enjambant une flaque d’eau à l’arrière de la gare Saint-Lazare.

« Tir photographique »
Il y a cinq ans, Agnès Sire était déjà intervenue à ce propos lors des colloques organisés sur le photographe pour le 100e anniversaire de sa naissance au Centre culturel international de Cerisy-la-Salle et au Petit palais. Son texte dans l’ouvrage collectif Revoir Henri Cartier-Bresson (éditions Textuel), édité à la suite de ces journées, est une référence. La rétrospective Henri Cartier-Bresson de Clément Chéroux au Centre Pompidou, en 2014, a également écorné cette notion de l’instant décisif en remettant en lumière celle du « tir photographique » qu’employait souvent le photographe. Le texte de l’ancien conservateur du Musée national d’art moderne qui accompagne la réédition d’Images à la Sauvette par  les éditions Steidl en 2014 est d’ailleurs une autre remise à plat de son histoire. Le retour sur cet ouvrage culte à la Fondation Henri Cartier-Bresson permet donc, en replaçant la notion d’instant décisif au centre de son propos, de la revisiter, documents à l’appui. Dans ce sens, la liste des titres pour l’ouvrage proposés par l’historien de cinéma Georges Sadoul à son beau-frère d’Henri Cartier-Bresson éclaire sur les intentions du photographe, comme le sont les différentes corrections qu’il a apportées lui-même au titre en anglais donné à son ouvrage et à son texte (notamment dans les paragraphes abordant la couleur ou la commande photographique). Quant à l’accrochage, qui suit la chronologie du livre en 75 photographies sur les 126 qu’il compte au total, il s’appuie sur des tirages – en particulier ceux de 1946 – de toute beauté.